Colère, croix, résurrection, quelle conciliation ?

Prédication du frère Benoit-Marie Simon le 23 avril (sur Ac 5,27-33 et Jn 3,31-36)


De la colère divine...

Frères et sœurs, les récits des apparitions pascales et des premières prédications des apôtres nous ont fait rêver. Le Christ se manifeste, et il ranime la foi des apôtres, ouvre les yeux des disciples d’Emmaüs… Saint Pierre parle, et un grand nombre de ceux qui l’écoutent se laissent toucher et demandent le baptême. Les premiers chrétiens forment une communauté, et elle suscite l’admiration de tous. Bref, le tableau est idyllique !

Et voilà, qu’aujourd’hui, brutalement, la parole de Dieu nous remet en contact avec la terrible réalité du péché. D’où notre surprise, lorsque nous lisons, par exemple, à la fin de la première lecture : « En entendant cela, il frémissaient de rage et projetaient de les faire mourir ». Et l’évangile, à son tour, enfonce le clou : « qui refuse de croire au Fils ne verra pas la vie ; mais la colère de Dieu demeure sur lui ».

C’est presque inévitable, lorsque tout va bien, nous oublions les éléments dramatiques et inquiétants de la condition humaine. Et puis, lorsque nous y sommes confrontés brutalement, comme c’est le cas en ce moment, nous avons bien du mal à voir la présence agissante de la Gloire de Dieu. D’où cette alternance, dans l’histoire humaine, de moments d’optimisme forcés ; suivis de découragements dans lesquels toute lueur d’espoir a disparu.

De la même façon, nous risquons toujours, lorsque nous contemplons la Gloire de la Résurrection, d’occulter la réalité de la Croix. En particulier ce point, sur lequel les lectures de ce jour mettent l’accent. Sur la Croix le Christ, nous aime jusqu’au bout ; mais, en même temps, l’homme pécheur va, lui aussi, jusqu’au bout de son péché, en crucifiant le Sauveur.

Nous l’avons lu pendant la semaine sainte, les chefs des prêtres n’ont pas agi sur un coup de tête ou de folie, ils se sont réunis, à plusieurs, pour planifier froidement cette mort.

N’ayez crainte, je n’oublie pas, qu’en mourant sur la Croix, Jésus s’est écrié : Père pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. Il n’est pas question d’ignorer ces paroles. Mais il ne faut pas, non plus, leur faire dire plus qu’elles ne disent. En effet, le Christ n’a pas soutenu qu’ils étaient sans péché. Il a même affirmé le contraire, par exemple, dans ce verset de l’évangile de saint Jean (15, 22) « Si je n’étais pas venu et ne leur avait pas parlé, ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant ils n’ont pas d’excuse à leur péché ».

En vérité, Dieu a mis au plus profond de chaque homme la voix de la conscience. Comment admettre qu’elle ne parle jamais ? Voilà pourquoi l’Ecriture enseigne que si quelqu’un prétend être sans péché, c’est un menteur ! Mais cela ne signifie pas forcément qu’il mesure parfaitement toute la gravité de ce qu’il fait. En ce sens, il n’est pas irrémédiablement endurci, et il peut donc encore se convertir… En revanche, s’il refuse de le faire, il risque, cette fois, de se murer dans son péché !

Et c’est cette possibilité réelle qu’évoque l’évangile d’aujourd’hui, en allant jusqu’à dire : celui qui s’enferme ainsi est l’objet de la colère divine.

Frères et sœurs, une telle affirmation a de quoi nous heurter. Chez nous, en effet, la colère efface tout autre sentiment. Or, personne n’imaginera un seul instant qu’il en va de même dans le cas de Dieu. Nous le savons, Son Amour est éternel et rien ne peut le diminuer ! Dans ces conditions, pourquoi la Bible parle-t-elle de la colère divine, alors même que le mot se prête à toutes sortes de caricatures odieuses et terrifiantes, indignes de Dieu ?

A nous de le découvrir, en respectant la parole de Dieu que nous n’avons pas le droit d’édulcorer, pour la rendre plus acceptable.

C’est entendu, Dieu n’est pas en colère, au sens où, tout d’un coup, Il arracherait de Son cœur l’amour qu’Il éprouve pour le pécheur. En même temps, lorsqu’on aime quelqu’un d’amitié, le fait qu’il réponde ou pas à notre amour n’est pas un élément marginal qui peut nous laisser indifférent. Seul celui qui n’a jamais aimé peut ignorer cette évidence ! Reste alors la question : qui peut dire comment Dieu ressent, dans son cœur plein de miséricorde, ce refus ?

Une chose est sûre, tant qu’on s’appuie sur notre pauvre expérience de l’amour, on passera d’une caricature à une autre, désespérément fade ou franchement odieuse, selon les cas…

Heureusement, le Christ a promis de nous envoyer l’Esprit Saint – c’est-à-dire l’expression parfaite de l’amour du Père et du Fils – pour que, de l’intérieur, Il nous enseigne ces choses…

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