Billets évangéliques

Texte biblique

Méditation

Dimanche 22 mars (1 S 16, 1b.6-7.10-13a et Jn 9, 1-41)
En ce temps-là, en sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance.
Ses disciples l’interrogèrent :
« Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents,
pour qu’il soit né aveugle ? »
Jésus répondit :
« Ni lui, ni ses parents n’ont péché. Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé, tant qu’il fait jour ; la nuit vient où personne ne pourra plus y travailler.
Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »
Cela dit, il cracha à terre et, avec la salive, il fit de la boue ; puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit :
« Va te laver à la piscine de Siloé » – ce nom se traduit : Envoyé
. L’aveugle y alla donc, et il se lava ;
quand il revint, il voyait.Ses voisins, et ceux qui l’avaient observé auparavant – car il était mendiant –
dirent alors :
« N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? »
Les uns disaient : « C’est lui. »
Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. »
Mais lui disait : « C’est bien moi. »
Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? »
Il répondit :
« L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il me l’a appliquée sur les yeux et il m’a dit : ‘Va à Siloé et lave-toi.’
J’y suis donc allé et je me suis lavé ;
alors, j’ai vu. »
Ils lui dirent :
« Et lui, où est-il ? »
Il répondit :
« Je ne sais pas. »On l’amène aux pharisiens, lui, l’ancien aveugle. Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.
À leur tour, les pharisiens lui demandaient comment il pouvait voir. 
Il leur répondit :
« Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et je vois. »
Parmi les pharisiens, certains disaient :
« Cet homme-là n’est pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. »
D’autres disaient :
« Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? »
Ainsi donc ils étaient divisés.
Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle :
« Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? »
Il dit :
« C’est un prophète. »
Or, les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme avait été aveugle et que maintenant il pouvait voir. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents et leur demandèrent :
« Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’à présent il voie ? »
Les parents répondirent :
« Nous savons bien que c’est notre fils,
et qu’il est né aveugle. Mais comment peut-il voir maintenant, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le,
il est assez grand pour s’expliquer. »
Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, ceux-ci s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de leurs assemblées tous ceux qui déclareraient publiquement que Jésus est le Christ.
Voilà pourquoi les parents avaient dit :
« Il est assez grand, interrogez-le ! »Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent :
« Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. »
Il répondit :
« Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien.
Mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois. »
Ils lui dirent alors :
« Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? »
Il leur répondit :
« Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous voulez, vous aussi, devenir ses disciples ? »
Ils se mirent à l’injurier :
« C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples.
Nous savons que Dieu a parlé à Moïse  
mais celui-là, nous ne savons pas d’où il est. »
L’homme leur répondit :
« Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Ils répliquèrent :
« Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? »
Et ils le jetèrent dehors.Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors.
Il le retrouva et lui dit :
« Crois-tu au Fils de l’homme ? »
Il répondit :
« Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? »
Jésus lui dit :
« Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »
Il dit :
« Je crois, Seigneur ! »
Et il se prosterna devant lui.Jésus dit alors :
« Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas
puissent voir, et que ceux qui voient
deviennent aveugles. »
Parmi les pharisiens, ceux qui étaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent :
« Serions-nous aveugles, nous aussi ? »
Jésus leur répondit :
« Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’, votre péché demeure. »
Mes frères, chers amis en ligne, si vous m’aviez demandé encore hier comment nommer cet évangile, je vous aurais répondu très banalement : « l’évangile de l’aveugle-né ». Après tout, c’est bien l’histoire d’un aveugle qui recouvre la vue grâce à Jésus, et elle nous est lue pendant le temps du Carême afin qu’à notre tour nous ouvrions les yeux sur la réalité de la Passion et de la Résurrection. Et finalement sur la vie.
C’est vrai, tout le vocabulaire relatif à la vision est bien là, mais il n’est pas le seul. Tenez, écoutez bien les versets que je vais vous relire : « Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. »
Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien. Mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois. »
Avez-vous remarqué, dans ce passage, comme dans tout l’évangile de ce jour en fait, l’omniprésence de la thématique du savoir ? Une thématique que le prophète Samuel illustre à sa manière dans la première lecture : car Samuel semble savoir d’avance qui Dieu va choisir parmi les fils de Jessé. Echec ! Samuel ne voit que lorsqu’il cesse de savoir.
En tant que frère prêcheur, je ne viens pas vous vanter l’ignorance, mais la conscience de la fragilité de notre savoir. Oui, gare au savoir limité et préconçu, au savoir fermé sur lui-même qui empêche de voir et de comprendre la nouveauté. Voici les disciples qui croient savoir d’où provient l’aveuglement de l’homme devant eux, du péché de ses parents ou de son propre péché ; voici les voisins qui savent et ne reconnaissent pas l’aveugle dans celui qu’on leur présente ; voici les pharisiens qui savent que Jésus est un pécheur parce qu’il ne respecte pas le sabbat ; et voici enfin qui les parents ne veulent pas savoir, sinon qu’il s’agit bien de leur fils. Constatez-le, tous savent, ou prétendent ne pas savoir ce qu’ils savent, et ne voient rien !
Mes frères, chers amis, le savoir, de quelque nature qu’il soit, est une force : il nous forme, il nous guide, il fait grandir notre humanité comme notre vie spirituelle, il nous protège de certaines impasses. Mais dans son orgueil, il peut être aussi un mur pour celui qui croit trop facilement savoir, et a fortiori tout savoir : ce savoir qui ne laisse pas de place à la lumière et à la nouveauté, en particulier celles qu’offre Jésus, empêche de voir.
Dans ce temps de confinement, que nous ne sachions pas vraiment comment va évoluer ce virus, que nous ne sachions pas vraiment ce qui nous attend, me semble une chance : elle nous donne l’occasion de « voir » les choses, les gens, notre monde autrement. En particulier notre avenir que l’on devrait voir et redessiner à la lumière de la mort et de la résurrection de Jésus. Oh ! je ne me fais pas trop d’illusions, les mêmes ornières nous attendent, mais, forts de la lumière apportée par l’expérience pascale et de celle acquise dans ce temps de confinement, j’espère que nous en éviterons quelques-unes, plus dangereuses que d’autres.
Fr. Hervé Ponsot