Nous conduire au ciel… de Fr Benoît-Marie Simon.

Nous sommes faits pour le ciel.

O bonheur, je m'en vais au ciel !

Jn 10, 27-30

 » Mes brebis écoutent ma voix; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle. « 

 

Homélie de Fr Benoît-Marie Simon: Nous conduire au ciel…

Version phonique:

Version écrite:

Nous conduire au ciel

        Avez-vous remarqué comment, dans les textes que nous venons d’entendre, tout tourne autour de la vie éternelle ?

     Prenons la première lecture. Selon Paul et Barnabé, si les juifs rejettent la prédication des apôtres c’est parce que « eux-mêmes ne se jugent pas dignes de la vie éternelle« . Tandis que « tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants » (Actes 13, 48).

     L’Évangile, ensuite, précise que si le Christ est le bon Pasteur, c’est parce qu’Il donne, à ses brebis, la vie éternelle. C’est même ce qui explique pourquoi les brebis le reconnaissent à sa voix. Rappelez-vous, lorsque saint Pierre résiste à la tentation d’abandonner le Christ avec tous ceux qui s’en vont, sous prétexte que ses paroles sont dures, il Lui donne ce motif : « Tu as les paroles de la vie éternelle… » Sous-entendu, Tu es le seul, et, au fond, tu ne parles que de cela. Voilà pourquoi c’est à cela qu’on Le reconnaît. A condition, bien sûr, d’être visité par un avant-goût du ciel. Sans quoi, comment saurait-on que le Christ en parle, et, surtout, qu’Il nous y conduit, comme le pasteur mène ses brebis vers la nourriture dont elles ont besoin pour vivre !

     Reste la question : cet avant-goût mystérieux, frères et sœurs, d’où peut-il venir ? De notre sensibilité, de notre imagination, de nos frustrations ? Si tel était le cas, ce serait un moteur universel et puissant. Or, il faut bien reconnaître que ce n’est pas ce qu’on constate. On ne peut pas dire non plus qu’on ne le rencontre que chez quelques individus, plus profonds ou plus géniaux que les autres ! Dieu choisit les pauvres et Il donne gratuitement. Et puis surtout, comme le rappelle l’Écriture, « nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1 Cor. 2, 9).

     Frères et sœurs, la réponse à cette question nous est donnée dans la première lecture, lorsqu’elle précise, à propos de ceux qui accueillent la parole de Dieu avec joie, qu’ils sont destinés à la vie éternelle, ou, pour reprendre un verbe qui fait partie du vocabulaire chrétien, qu’ils sont prédestinés.

     Attention, le texte ne prétend pas que s’ils se sont convertis c’est uniquement parce qu’ils sont prédestinés. Ce qui est sûr, par contre, c’est que s’ils n’étaient pas prédestinés, jamais ils ne pourraient se convertir. En clair : si nous désirons le ciel, c’est parce que Dieu nous y invite gratuitement, et que, par voie de conséquence, Il met dans notre cœur un avant-goût de la vie éternelle. Et puis, bien sûr, s’il nous invite, Il nous y conduit, pour peu que nous le suivions, comme les brebis suivent aveuglément celui qui les dirige.

     Mais, direz-vous, qui sera assez fou pour refuser consciemment de recevoir du Seigneur la vie éternelle ?

     On peut admettre que certains ignorent qu’Il a les paroles de la vie éternelle et que, pour cette raison, ils ne fassent pas clairement partie de son troupeau. En revanche, décider volontairement de s’en priver, cela semble inimaginable !

     C’est pourtant ce que Paul et Barnabé affirment. Relisons leurs propos : « puisque vous rejetez [la parole de Dieu] et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle… » D’ailleurs, lorsque le Christ, dans un autre passage de l’Evangile, affirme « qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie éternelle« , beaucoup sont partis, en colère, alors que jusque-là ils l’écoutaient volontiers.

     Si cela nous heurte, c’est peut-être parce que nous n’avons pas pris suffisamment de temps pour réfléchir, et nous demander : mais en quoi consiste exactement la vie éternelle ?

     Pour beaucoup, la vie éternelle ressemble à la vie que nous menons, mais débarrassée de tous les inconvénients et les limites qui nous perturbent, au premier rang desquels, bien sûr, il y a la mort. Dans cette perspective, affirmer qu’il y a un au-delà, c’est simplement s’imaginer qu’on va recommencer en mieux, ou qu’on retrouvera ce qu’on aura connu, comme si la mort était, au fond, un mauvais moment à passer !

     Vous voyez-bien qu’il faut prendre du temps pour y réfléchir. En lisant, l’écriture, en écoutant les docteurs de l’Église. Cela tombe bien puisque nous sommes dans le temps pascal. Or, cela ne vous a pas échappé, le Christ est, certes, ressuscité, mais Il n’a pas repris sa vie d’avant. A tel point que souvent, au premier abord, les disciples ne le reconnaissent pas. Et puis, il apparaît et disparaît, sans qu’on sache où il va. Il peut manger, mais il n’en a pas besoin… Surtout, ces apparitions n’ont qu’un temps, jusqu’à ce qu’Il monte s’assoir définitivement à la droite de son Père.

     En vérité, méditer sur la vie éternelle, c’est comprendre que celle-ci consiste dans un face à face et un cœur à cœur avec Dieu, immédiat, c’est-à-dire sans intermédiaire aucun. Vous vous rendez compte, rencontrer Dieu en direct ! C’est vertigineux. Et il faut bien avouer que cela dépasse tout ce qu’on peut expérimenter, imaginer et même conceptualiser.

     Alors, lorsqu’on est devant la hauteur et la profondeur insondable de ce mystère, on est devant un abîme, qui nous fait peur et nous laisse totalement désorienté. Je me souviens d’une jeune femme me disant, quelques jours avant de mourir d’un cancer : maintenant, il n’y a plus de route !

     Il n’y a plus de route… Et pourtant, nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes : il y a le Christ, le Bon Pasteur. Il nous suffit de le suivre, car Lui connaît le chemin. De la même façon que les brebis arrivent au pâturage, alors que, par elles-mêmes, elles ne sauraient même pas dans quelle direction il faut partir.

     Retenons bien ceci : si on pouvait passer sans coup férir de la vie d’ici-bas à la vie éternelle, nous n’aurions pas besoin d’un Médiateur !

     Tous les saints nous le répètent inlassablement à la suite de l’Évangile : cette vie – avec ses joies, mais aussi ses épreuves, ses renoncements, ses mystères à creuser… – nous est donnée pour que Dieu puisse nous enfanter à la vie éternelle. Et ce travail de purification ne s’accomplira que si nous faisons la volonté du Père, quoi qu’il nous en coûte et jusqu’au bout. Sinon, l’image des brebis et du Bon Pasteur restera quelque chose d’abstrait, de l’ordre de la simple poésie, c’est-à-dire quelque chose d’émouvant, au lieu que la parole de Dieu est comme un glaive acéré qui pénètre jusqu’au plus profond de l’âme.

     Alors, frères et sœurs, n’imitons pas les vierges folles de la parabole qui s’imaginent qu’il sera toujours temps de se préparer. Et demandons avec insistance à tous les pasteurs de l’Église de nous parler du ciel, de nous conduire au ciel. C’est la mission qui leur a été confiée, c’est leur raison d’être.

Fr Benoît-Marie Simon op.

Lien vers la décoration florale du jour: Jésus notre guide, notre berger…