Oser prendre la parole

4 juillet 2021
14è dimanche du Temps Ordinaire, année B
Ez 2,2-5 ; Ps 122 (123) ; 2 Co 12,7-10 ; Mc 6,1-6
Homélie du frère Denys Sibre

Le Christ dans la synagogue de Nazareth – Gerbrand van den Eeckhout, huile sur toile, 1658 – Dublin, Galerie nationale d’Irlande – © National Gallery of Ireland

Il arrive fréquemment que les prophètes soient assimilés à des devins prédisant l’avenir. Or, un prophète dans le contexte biblique n’a rien de cela. C’est avant tout un messager de Dieu. Il a reçu mission pour dire une parole forte. Il est envoyé pour avertir. Et sa mission est une mission à hauts risques. Et les trois témoins qui prennent la parole dans les textes d’aujourd’hui en ont fait l’expérience.

Ézéchiel tout d’abord : il est dépêché auprès d’un peuple rebelle et révolté contre Dieu. Il n’y va pas de gaieté de cœur ! Il a cependant pour appui le mandat de Dieu.

Paul ensuite. Lui, il a vérifié dans son parcours apostolique que le prophète n’est pas un surhomme : il peut connaître des faiblesses de tous ordres. Une certitude cependant le fait tenir : Dieu se sert même de ce qui est faible. « Ma grâce te suffit », lui a dit le Christ.

Et enfin Jésus, le porte-parole du Père. Lui aussi fait l’expérience du dur métier de prophète. Ses concitoyens, au lieu de le croire, ou du moins de de se réjouir des miracles qu’il accomplit, sont choqués. Jésus n’est pas vraiment accueilli, compris. Il est plutôt rejeté ! Jésus résume la situation en un proverbe qui est passé dans la sagesse populaire : ‟Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté, sa maison.”

Jésus aurait-il fait l’expérience du mépris ? Il le laisse penser. Mais au fait, qu’est-ce que le mépris ?
Le mépris, vous l’avez peut être éprouvé vous même. Il n’est pas besoin d’un discours, une parole, un simple petit geste suffit pour faire mal et pour longtemps. Le mépris creuse la distance, le mépris est pervers, il se nourrit de tout.
Vous êtes petit et seuls les grands savent !
Vous êtes né ailleurs et vous devez porter votre origine comme une tare.
Vous êtes un manuel et les mots vous manquent pour dire votre sentiment et votre droit.
Vous avez des difficultés psychologiques et tous vous laissent de côté.
Vous êtes malade et alors vous êtes écarté dans des sphères où ne règne plus que la solitude.

Tous nous avons nos limites, dans notre corps, dans notre cœur, dans notre langage et même dans notre vie spirituelle. Le mépris prend occasion de tout pour vous ignorer et vous réduire à ce que vous n’êtes pas.
Mais au fond qu’est-ce que le mépris ? Sinon le fruit d’une méprise ! Mépriser, n’est-ce pas se méprendre ! Prendre quelqu’un pour ce qu’il n’est pas en l’enfermant dans son défaut, dans son manque, dans sa souffrance, dans sa faiblesse, et même dans son péché. Mépriser c’est peut-être ne rien comprendre à l’autre, à ce qu’il vit, à ce qu’il attend. Mépriser, c’est finalement s’interdire de connaître.
Si Jésus a été méprisé, lui il n’a méprisé personne. Il a toujours accueilli l’autre tel qu’il était, là où il en était. Quelle précieuse leçon pour nous !

Frères et sœurs, aujourd’hui notre foi est confrontée à la même question que celle qui sous-tend les trois lectures de ce jour : croyons-nous que Dieu peut nous rejoindre par des hommes, des femmes porteurs d’une parole prophétique de la part de Dieu ?

Aujourd’hui encore des prophètes se lèvent. Loin de nous et même tout près de nous. Mais savons-nous les voir et les reconnaître ? Ils élèvent la voix dans nos sociétés malades. Et au milieu des idoles modernes que les gens adorent, ils disent le Dieu unique et vrai. Les prophètes sont là pour nous réveiller. Les prophètes d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, sont des veilleurs au cœur de notre monde. Ils appellent à la conversion, au sursaut, à la raison, à la paix.

Et puis, frères et sœurs, ne l’oublions pas. La liturgie du Baptême a fait de nous des prophètes revêtus d’une onction à l’image de celle du Christ. Nous sommes donc mandatés pour être nous aussi des porte-parole de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière (1 P 2,9). Dans nos responsabilités, nos rencontres et nos conversations, nous devrions être capables de réagir à des opinions contraires à notre sens de Dieu et de l’homme. Nous avons à dire une parole de foi, d’encouragement, d’optimisme lucide, même à contre courant.

Oui, témoignons simplement et chaleureusement de notre humanité et de notre foi !

Une réponse à “Oser prendre la parole”

  1. Merci pour ce précieux enseignement .

    C ‘ est l ‘ esprit de DISCERNEMENT qui nous permet de faire le tri entre VRAI prophète et FAUX prophète .

    Pour ce faire , seul le SAINT ESPRIT peut nous donner ses indispensables dons :
    — don d ‘ INTELLIGENCE qui fortifie la vertu de Foi
    — don de SCIENCE qui fortifie la vertu d ‘ Espérance
    — don de CONSEIL qui fortifie la vertu de Prudence

    Sans ces dons les habitants de Nazareth n ‘ ont pas pu reconnaître Jésus comme prophète et Fils de Dieu….il en serait et sera de même pour nous !
    Saint Esprit assiste nous ! Merci !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*