Passion des hommes pour Dieu

Prédication du frère Arnaud Blunat pour le 22e dimanche ordinaire (Mt 16;21-27)

passion des hommes pour Dieu

Vous avez remarqué le changement de situation ? Comment, en un instant, Pierre se trouve ainsi contredit par Jésus. Pierre venait d’affirmer avec assurance sa foi en Jésus : « tu es le Messie, le fils du Dieu vivant ! » Mais à l’annonce des souffrances, de la mort et de la résurrection de Jésus, Pierre veut s’interposer. Jésus le renvoie vertement.

De là vient l’expression bien connue, mais incompréhensible quand elle est mal traduite : Jésus ne dit pas : « arrière Satan ! » mais « passe derrière moi, Satan ! » Autrement dit : ne te met pas en travers de mon passage. Ne te mets pas à la place de Dieu. Tu fais le jeu de Satan, le tentateur, le diviseur. Qui es-tu pour dire ce qui est bon ?
Les pensées de Dieu ne sont pas celles des hommes.
Le chemin que Jésus doit emprunter est celui de la passion.
La passion : un mot intéressant qui renvoie à deux réalités contradictoires et pourtant indissociables : aimer et souffrir.
Pour les hommes, la passion, c’est aimer. Pour Dieu, c’est aimer aussi souffrir.
Les hommes ont des passions : ils sont passionnés de sport, de cinéma, de jardinage, de musique… ils donnent parfois tout ce qu’ils ont, ils consacrent leur temps et leur personne à leur passion. Ils le font pour eux-mêmes.

Si vous dites que vous êtes passionnés par Dieu, les hommes vont prennent pour un illuminé. Ils vous jugeront durement, vous critiqueront, ils vous mettront de côté, ils feront tout pour vous marginaliser, et finalement vous éliminer.

Tel est le chemin que Dieu en Jésus a voulu suivre. Lui qui était totalement uni à son Père, totalement immergé dans l’amour de Dieu et des hommes, il a accepté d’en payer le prix, d’en assumer les conséquences. Mais il n’a pas accepté de choisir un autre chemin, celui que Pierre lui suggérait. « Passe derrière-moi Satan ! »

A la suite de Jésus, nous devons être des passionnés de Dieu. Car nous sommes faits pour Dieu, pour vivre en communion avec Dieu, vivre en Dieu. Saint Paul résume cela parfaitement, en nous invitant à présenter à Dieu notre corps, toute notre personne, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu. La vie chrétienne est un engagement pour Dieu, sans demi-mesure, sans concession. Le culte que nous devons rendre à Dieu, c’est une manière de répondre à son amour. Nous devons chercher non pas à plaire aux hommes mais à plaire à Dieu, à faire sa volonté. Cela suppose et impose un certain nombre de renoncements, d’accepter des situations difficiles, d’assumer ce choix de mettre Dieu en priorité.

Mais pour cela, il faut accepter de ne pas prendre pour modèle le monde présent et de se laisser transformer. Jésus le dit d’une autre manière à Pierre et aux autres disciples : suivre Jésus, c’est être prêt à renoncer à soi-même et prendre sa croix. Et il va même plus loin en les invitant à perdre leur vie à cause de lui, afin de la trouver.

Ce langage radical ne peut se comprendre qu’à la lumière de tout l’évangile, mais il suppose aussi un lien personnel avec le Christ. Etre chrétien, aujourd’hui, cela ne peut pas être une activité passagère, secondaire. C’est un engagement à plein temps. Tout ce qui fait notre vie doit être présenté au Seigneur en toute vérité et loyauté. Les petits domaines réservés auxquels il n’aurait pas accès, cela ne fait pas partie du contrat. Toute notre vie est entre les mains du Seigneur.

Perdre sa vie, c’est tout remettre entre ses mains, notre vie, notre mort. « Ma vie, c’est le Christ ». « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi », dira encore Saint Paul. On peut comprendre qu’une telle radicalité ait pu effrayer les apôtres. Quand ils ont entendu Jésus leur annoncer ses souffrances, sa mort et sa résurrection, ils n’ont pu que s’opposer et résister. En fait, Jésus inscrivait sa mission dans la ligne et la continuité des prophètes, de Moïse à Jean Baptiste en passant par Elie et Jérémie. Ce sont tous des passionnés de Dieu, des hommes habités par un zèle ardent, un amour dévorant, pour Dieu. Ils ont fait l’expérience de sa présence intime, et en même temps, ils interpellent fortement les hommes pour les pousser à une conversion sincère et profonde.

Pour les hommes, la vie est à eux, rien qu’à eux. La mort est une catastrophe. Il ne faut pas en parler. La désirer apparaît un non sens. L’accepter est une forme de lâcheté. Alors quand elle vient, il n’y a que la révolte ou la résignation. La mort est absurde. Mais pour Dieu, la mort est en fait le lieu qui permet la rencontre, elle est le passage pour entrer dans le face à face, dans la gloire du Père, pour accéder à la vie dans sa plénitude.

La foi chrétienne est la seule à pouvoir donner sens à la souffrance et à la mort. Loin d’être une fatalité, elle devient l’événement le plus important de notre vie que nous préparons chaque jour : « Dieu, tu es mon dieu, je te cherche dès l’aube, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair… redit le psaume 62, le psaume qui est médité à l’office des laudes du dimanche.

Alors, sommes-nous vraiment passionnés par Dieu ? Comment l’être véritablement, sans le prier dès le matin, sans le chercher dans chacune de nos rencontres, dans les interpellations de nos frères qui ne croient pas, dans les situations du monde où il semble absent ? Comment l’être sans prendre une juste distance avec l’esprit du monde qui s’interpose entre Dieu et nous ?

La distorsion que nous vivons en permanence entre la vie de notre monde présent et notre vie chrétienne demande précisément un renouvellement constant, une conversion toujours plus radicale, l’accueil de l’Esprit Saint qui nous permet de rechercher ce qui plait à Dieu.

A mesure que nous avançons, si nous sommes fidèles au Seigneur, nous ne pourrons qu’expérimenter de plus en plus cette distorsion. Notre vie deviendra de plus en plus une passion pour Dieu, participation aux souffrances du Christ, signe de contradiction, mais gage de fécondité. Nous avons en effet reçu l’assurance de ressusciter avec le Christ.

Alors, comme le prophète Jérémie, laissons-nous séduire, laissons-le nous saisir, pour qu’en nous il fasse rayonner son amour et nous donne part à sa joie éternelle !

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