Quelques « clés de lecture » de la peinture de Kim En Joong

DSC00285Le père Kim En Joong a  intitulé  la grande majorité de ses tableaux « Sans titre » pour laisser la personne regarder totalement elle même sans support, sans guide.
Que se passe t-il donc devant un tableau dit « non figuratif », faute de mieux ?
Cette   définition   négative   conduit   aussi   le   « regardant »   à   dépasser   tous   les   repères, formats ou modèles préétablis. Il s’agit dans un premier temps de nettoyer le regard, de le purifier  de  toutes  les  images convenues,  décoratives,   reçues de mille manières depuis notre enfance. Nous en avons tellement  l’habitude que c’est une seconde nature. Nous ne cessons  d’être « formatés » pour  voir   la  réalité  selon  les   images  dominantes  de notre culture. Pour faire croire que la réalité est un écran de télé-réalité !
Regarder vraiment la peinture de Kim En Joong, c’est être purifié de toutes décoration, de toute banalité pour découvrir peu à peu que ce qui nous est donné à voir dans le tableau perce l’écran de nos modèles et ouvre à l’invisible au delà du blanc et du noir, au delà des couleurs et des traces, au delà du vide et du trait. Au delà même du cadre qui  finit par circonscrire un pur appel ou un pur silence au delà des formes, au delà des mots. Il faut donc regarder longuement, contempler même cette nouvelle présence qui se livre à nous libre de toutes formes à priori.
Là s’opère un véritable retournement, un bouleversement, une « conversion ».  l’invisible entre-aperçu dans la « trouée » devient passage de lumière. Lumière donnée comme une grâce par   la source  invisible pour  venir   littéralement   regarder  celui  qui   regarde.  Cette lumière de grâce vient alors illuminer l’intérieur, l’intime, le « coeur » de notre vie.
C’est bien d’une « vie spirituelle » qu’il s’agit alors, qui se déploie vers la lumière reçue pour faire alliance de lumière. L’invisible au-delà vient faire alliance avec l’invisible à l’intérieur de soi.  Et c’est à ce moment précis que  le bouleversement devient prière et paix.  Une harmonie nait comme une purification de   tout l’être tourné et comblé par cette lumière reçue d’en haut.
Cette paix plus  intime à soi-même que soi-même reformule  le silence en éclat de  joie.
L’appel  de  l’infini   invisible est  au-delà de  toute nécessité et  esquisse un don en pure gratuité. Don de lumière, lumière de l’amour.
Car   l’amour   infini  devient  cet  humble amour  caché,  soudain  lumineux,  à  l’intérieur  de chaque personne, vainqueur de la laideur et de la haine du monde, libérant l’élan de liberté
qui transfigure notre vie.
Il  me semble que c’est  là que  la peinture de   Kim En Joong appelle  le vitrail  par qui   la lumière d’en haut illumine le plus intime de notre vie qui est à l’image de ce Dieu infini, plus grand que toute forme, au-delà même de la figure du Christ car Dieu est l’invisible du Fils.
L’Évangile irise et irradie la lumière du Père et nous fait tressaillir de joie intérieure.
Fr. Gilles Danroc septembre 2009