« Seigneur, apprends-nous à prier ». Prédication du 17ème dimanche du temps ordinaire

Seigneur apprends-nous à prier

« Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ;

frappez, on vous ouvrira ».

Lc 11, 1-13
Homélie de Fr Benoît-Marie Simon:
« Seigneur, apprends-nous à prier… » !
Mais, d’abord, qu’est-ce que la prière ? Question d’autant plus difficile qu’on utilise ce terme pour indiquer des réalités tellement différentes qu’on se demande si on parle bien de la même chose. Qu’y a-t-il de commun, en effet, entre le petit enfant qui récite sagement ses prières, et la carmélite qui fait oraison, en silence, devant le saint sacrement ? On rétorquera que, dans les deux cas, il s’agit d’entrer en contact avec Dieu, d’être en sa présence. C’est vrai, mais, quand même, pourquoi différents niveaux de profondeur dans la prière ?
L’explication est simple : Dieu est Transcendant, c’est-à-dire inaccessible ! Comment, dans ces conditions, s’imaginer qu’on puisse le trouver facilement. Bref, contrairement aux idées reçues, la prière est une aventure longue, difficile, et, surtout, austère. Ou encore, selon sainte Thérèse d’Avila, elle s’apparente à la montée du mont carmel ! Eh bien, comme dans tout chemin, il y a la mise en route et le point d’arrivée.
Vous m’accordez sans discuter qu’on rencontre quelqu’un dans la mesure où on parle avec lui. En même temps, il ne suffit pas d’échanger quelques mots avec quelqu’un pour se sentir en communion lui ! On peut même parler pour ne rien dire. On peut aussi avoir des débats passionnés avec des personnes sans, pour autant, qu’elles deviennent nos amies. Bref, on devient intime avec quelqu’un uniquement dans la mesure où il se dévoile dans ce qu’il a de plus profond, de plus secret, de plus personnel ; et qu’on adhère à ce qu’il nous révèle, parce qu’on le comprend de l’intérieur.
En ce sens, l’Evangile de dimanche dernier nous a montré le sommet de la prière, dans la personne de Marie, la sœur de Marthe, écoutant le Christ en silence. Ici, la prière est synonyme de contemplation. Certes, à première vue, il n’y a pas de véritable dialogue, puisque seul le Christ parle ! Sans doute, mais pourquoi s’en étonner ? D’abord, ne l’oublions pas, c’est le Christ qui a des choses intéressantes à dire, c’est lui la source ; dès lors, ne pensez-vous pas qu’il vaut mieux Lui laisser faire la conversation, en quelque sorte. Et puis, Il nous connaît au-delà de tout ce que nous ne pourrons jamais exprimer, de sorte qu’en se regardant dans les yeux, tout est dit ! Enfin, impossible d’écouter le Christ nous parler de l’Amour de Dieu pour nous, de la Béatitude du ciel, sans que, comme les disciples d’Emmaüs, notre cœur ne soit pas tout brûlant. En d’autres termes, ici, écouter est le contraire d’une attitude passive et spectatrice.
Reste qu’on n’atteint pas d’un coup un tel  sommet et qu’il faut un commencement à tout. Alors, en attendant, comment avoir affaire à Dieu ?
Là encore, la réponse est simple. Puisque nous sommes de pauvres créatures, nous devrions nous tourner spontanément vers Dieu, pour invoquer son aide, l’appeler au secours, en criant vers Lui comme Job, ou en récitant des prières, comme le Christ nous y invite aujourd’hui.
Très bien, direz-vous ! Mais comment être sûrs d’être exaucés, alors que, de toute évidence, Dieu ne résout pas tous nos problèmes ! En d’autres termes, comment tenir, à la fois, que nous pouvons et devons recourir en toutes circonstances à la prière, mais que, en même temps, les choses ne se passeront pas forcément comme nous le voudrions ! Devant ce constat on est tenté de conclure, soit que certaines prières sont acceptées tandis que d’autres ne le sont pas, soit qu’il faut plutôt mettre en pratique le fameux dicton : « Aides-toi et le Ciel t’aidera ! » Et pourtant, l’Evangile d’aujourd’hui nous le rappelle avec force arguments, il est impossible qu’une prière tombe dans le vide. Il ne nous dit pas non plus que nous devons nous débrouiller tout seul. Au contraire !
En revanche, vous l’aurez remarqué, à la fin de cet Evangile on nous promet l’Esprit Saint, alors qu’auparavant il s’agissait de recevoir un poisson. Certes, l’Esprit Saint est plus précieux que tout, mais enfin il ne nourrit pas celui qui a faim comme le ferait un poisson !
Vous avouerez qu’il y a de quoi être perdu ! Sauf si on comprend ceci : la prière à laquelle le Christ nous invite dans cet évangile, n’est pas le moyen infaillible d’obtenir ce que nous convoitons, elle n’est pas une monnaie d’échange, elle est, d’abord et avant tout, une occasion pour avoir affaire à Dieu et apprendre à lui faire confiance, au sens très précis où il s’agit de remettre entièrement notre vie entre Ses mains. Alors, bien sûr, on Lui expose toutes nos  nécessités, mais en Le laissant juge de ce qui est le meilleur pour nous. Non pas seulement parce qu’Il sait ce dont nous avons réellement besoin. Mais, surtout, parce qu’Il veut nous conduire au sommet de la contemplation, c’est-à-dire dans cet état, où, comme Marie aux pieds de Jésus, on oublie tout, parce qu’on possède la seule chose nécessaire, la Personne même de Dieu !
Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas de désirer, tout de suite et plus que tout, le saint Esprit, il s’agit, lorsqu’on demande un poisson, de ne pas refuser à Dieu la  possibilité de nous donner autre chose !
D’où cette conclusion, paradoxale : il faut apprendre à demander, afin que nos requêtes soient une vraie prière, et deviennent un chemin qui fera de nous des assoiffés de Dieu. Voilà pourquoi le Christ nous enseigne le Notre Père.
Et, Il commence par nous rappeler ceci, qu’il ne faut jamais oublier : prier c’est parler à Dieu, qui est une personne vivante. Or, on n’exige rien d’une personne, à moins qu’elle ne soit notre esclave, on l’honore, et on respecte sa liberté ainsi que ses intentions.
S’agissant de Dieu, il faut donc, d’abord, se préoccuper de sanctifier son Nom, c’est-à-dire l’adorer comme le Créateur et le Seigneur de l’Univers.
Il faut, ensuite, accepter le fait, qu’en définitive, Il a tout créé en vue du royaume des Cieux. C’est donc l’avènement de ce règne qu’il faut attendre par-dessus-tout.
Après cela, on peut, et on doit, recourir à Dieu, pour n’importe quel motif ! A cette seule condition : résister à la tentation de douter, de murmurer ou de nous fermer, chaque fois que nous ne sommes pas exaucés à la lettre. De cette façon, nous apprendrons à faire confiance, au-delà de toute espérance… et, petit à petit, jaillira de notre cœur la prière qui résume tout ce que nous pouvons demander : « Seigneur, montre-nous ton visage et nous serons sauvés » !
En résumé. Dans la relation avec Dieu, au début, c’est nous qui parlons, avec l’impression, parfois, qu’Il est bien silencieux. Et puis, un jour, si nous persévérons jusqu’au bout dans la supplication et la confiance, nous deviendrons capables d’entendre Dieu. Alors, nous L’écouterons en nous taisant…
Soyez en sûrs, lorsque nous goûterons cette joie ineffable, nous verrons que toutes nos prières ont toujours été exaucées, et nous oublierons sans peine les tribulations du temps présent.
Fr Benoît-Marie Simon op.
Lien vers la liturgie florale de ce jour : Le bouquet de l’été