Billets évangéliques

Texte biblique

Méditation

Samedi 4 avril (Jn 11,45-57)
En ce temps-là, quand Lazare fut sorti du tombeau, beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.
Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu’il avait fait.
Les grands prêtres et les pharisiens réunirent donc le Conseil suprême ;
ils disaient :
« Qu’allons-nous faire ?
Cet homme accomplit un grand nombre de signes.
Si nous le laissons faire, tout le monde va croire en lui, et les Romains viendront détruire notre Lieu saint et notre nation. »
Alors, l’un d’entre eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là, leur dit :
« Vous n’y comprenez rien  vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. »
Ce qu’il disait là ne venait pas de lui-même ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation ; et ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés.À partir de ce jour-là, ils décidèrent de le tuer. C’est pourquoi Jésus ne se déplaçait plus ouvertement parmi les Juifs ; il partit pour la région proche du désert, dans la ville d’Éphraïm où il séjourna avec ses disciples.
Or, la Pâque juive était proche, et beaucoup montèrent de la campagne à Jérusalem pour se purifier avant la Pâque.
Ils cherchaient Jésus et, dans le Temple, ils se disaient entre eux :
« Qu’en pensez-vous ? Il ne viendra sûrement pas à la fête ! »
Les grands prêtres et les pharisiens avaient donné des ordres : quiconque saurait où il était devait le dénoncer, pour qu’on puisse l’arrêter.
Les membres du grand conseil se demandaient encore avec une certaine retenue comment empêcher Jésus d’agir ; le grand prêtre Caïphe leur a donné, d’ailleurs sans courtoisie, la solution : il suffit de tuer ce gêneur.
Voilà un bel exemple d’une manière de délibérer en vue de l’action en ne regardant que les conséquences de ses actes ; une telle façon de fonctionner porte le nom de conséquentialisme. C’est une très bonne chose de considérer les conséquences prévisibles de nos actes avant d’agir, mais encore faut-il éviter le piège d’en faire notre seul critère de décision, au point d’être prêt à commettre un mal dans le but d’obtenir un bien. Or c’est précisément ce que font ici Caïphe et ses sbires ! Ils veulent sauver la ville sainte et la nation ; c’est tout à leur honneur ; mais pour parvenir à ce but, les voilà sur le point de mettre en œuvre un moyen beaucoup moins honorable : condamner un innocent. Oh, ils vont bien chercher des accusations à porter contre lui pour donner un semblant de légitimité à leur sinistre dessein ; dès demain nous entendrons le récit de ce simulacre de procès où la justice et la vérité ont été piétinées. En réalité, ces gens n’ont que faire de savoir si Jésus est innocent ou coupable ; à leurs yeux, les signes qu’il accomplit représentent seulement un danger pour la nation ; ils sont aveugles à tout ce que les œuvres de Jésus révèlent sur lui-même et sur son Père. Ils prennent même bien soin de ne pas croire en lui, par crainte que soit détruite leur ville sainte et leur nation.
Est-ce qu’il n’est pas frappant de constater que leur raisonnement est exactement l’inverse de ce que Jésus avait dit peu de temps auparavant, quand il s’était adressé dans les larmes à la ville de Jérusalem ? « Ah ! si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! Mais maintenant cela est resté caché à tes yeux. Oui, viendront pour toi des jours où tes ennemis construiront des ouvrages de siège contre toi, t’encercleront et te presseront de tous côtés ; ils t’anéantiront, toi et tes enfants qui sont chez toi, et ils ne laisseront pas chez toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait. » (Lc 19,42-44).
Ceux qui ont condamné le Christ ont donc fait un mauvais calcul : la véritable cause du désastre n’est pas la foi en Jésus, c’est au contraire l’absence de foi. C’est la raison pour laquelle il nous faut prendre garde de ne pas prêter l’oreille à une voix qu’on pourrait appeler un petit Caïphe intérieur. On peut inventer sans fin des raisons de ne pas croire, ou de ne pas trop croire, en Jésus. Mais l’exemple de ceux qui l’ont mené à la croix doit nous servir de leçon ! Leur forfait n’a pas eu le résultat escompté de sauver Jérusalem des armées romaines quelques décennies plus tard ! Il est vrai que cela a été malgré eux l’occasion dont Jésus s’est servi pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. Quant à nous, il nous reste seulement à choisir de quel côté nous voulons nous placer.
Fr. Damien Duprat
Vendredi 3 avril (Jn 10,31-42)
En ce temps-là, de nouveau, des Juifs prirent des pierres pour lapider Jésus.
Celui-ci reprit la parole :
« J’ai multiplié sous vos yeux les œuvres bonnes qui viennent du Père.
Pour laquelle de ces œuvres voulez-vous me lapider ? »
Ils lui répondirent :
« Ce n’est pas pour une œuvre bonne
que nous voulons te lapider, mais c’est pour un blasphème : tu n’es qu’un homme, et tu te fais Dieu. »
Jésus leur répliqua :
« N’est-il pas écrit dans votre Loi :
J’ai dit : Vous êtes des dieux ? Elle les appelle donc des dieux, ceux à qui la parole de Dieu s’adressait, et l’Écriture ne peut pas être abolie.
Or, celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde, vous lui dites : “Tu blasphèmes”, parce que j’ai dit : “Je suis le Fils de Dieu”.
Si je ne fais pas les œuvres de mon Père,
continuez à ne pas me croire. Mais si je les fais, même si vous ne me croyez pas,
croyez les œuvres.
Ainsi vous reconnaîtrez, et de plus en plus, que le Père est en moi, et moi dans le Père. »
Eux cherchaient de nouveau à l’arrêter,
mais il échappa à leurs mains.Il repartit de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où, au début, Jean baptisait ; et il y demeura.
Beaucoup vinrent à lui en déclarant :
« Jean n’a pas accompli de signe ; mais tout ce que Jean a dit de celui-ci était vrai. »
Et là, beaucoup crurent en lui.
Nous rentrons aujourd’hui de plain-pied dans le livre de la Passion chez saint Jean. Hier, Jésus était attaqué sur une expression qu’il s’attribue ‘avant qu’Abraham fût, Je Suis’, titre proprement divin. Maintenant, il est menacé de lapidation parce qu’il s’est fait Dieu. A quoi, il répond par l’Ecriture le psaume 82 : j’ai dit : ‘vous êtes des dieux’. De fait, la vocation de l’homme n’est pas d’être un ange ou un saint, mais Dieu même ! Cela, Irénée puis Athanase l’exprimeront plus tard : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Cela reste toujours une bombe théologique. Et Jésus de conclure : ‘le Père est en moi et moi dans le Père’. En clair, pour les juifs, tous les motifs de blasphème sont réunis, il mérite la mort. Il faudra encore la résurrection de Lazare pour faire déborder le vase : le Fils de Dieu va ressusciter un mort !
Sommes-nous prêtes à suivre jusqu’au bout ce drôle de prophète / thaumaturge ? Il nous faut la grâce de la foi et la force de l’Esprit.
Jeudi 2 avril (Jn 8,51-59)
En ce temps-là, Jésus disait aux Juifs :
« Amen, amen, je vous le dis : si quelqu’un garde ma parole, jamais il ne verra la mort. »
Les Juifs lui dirent :
« Maintenant nous savons bien que tu as un démon. Abraham est mort, les prophètes aussi, et toi, tu dis :
“Si quelqu’un garde ma parole, il ne connaîtra jamais la mort.”
Es-tu donc plus grand que notre père Abraham ? Il est mort, et les prophètes aussi sont morts. Pour qui te prends-tu ? »
Jésus répondit :
« Si je me glorifie moi-même, ma gloire n’est rien ; c’est mon Père qui me glorifie,
lui dont vous dites : “Il est notre Dieu”, alors que vous ne le connaissez pas.
Moi, je le connais et, si je dis que je ne le connais pas, je serai comme vous, un menteur. Mais je le connais, et sa parole, je la garde.
Abraham votre père a exulté, sachant qu’il verrait mon Jour. Il l’a vu, et il s’est réjoui. »
Les Juifs lui dirent alors :
« Toi qui n’as pas encore cinquante ans,
tu as vu Abraham ! »
Jésus leur répondit :
« Amen, amen, je vous le dis : avant qu’Abraham fût, moi, JE SUIS. »
Alors ils ramassèrent des pierres pour les lui jeter.
Mais Jésus, en se cachant,
sortit du Temple.
A chaque période d’épidémie resurgissent les peurs, peur de contracter la maladie, peur de mourir, peur de voir mourir ceux qu’on connait et qu’on aime.
Cette peur se fonde aussi sur l’absence de repères précis. Le mal semble être partout et frappe aveuglément, suscitant un climat d’anxiété, attisé par un flot d’informations difficile à endiguer.
Devons-nous avoir peur de la mort, alors que Jésus nous dit aujourd’hui dans l’évangile :
« Si quelqu’un garde ma parole, jamais il ne verra la mort »
Devons-nous réagir comme les auditeurs de Jésus qui s’appuient sur leurs connaissances, leurs traditions et leurs certitudes pour le contester ?
Le mort, nous savons bien ce qu’elle est quand nous voyons nos proches s’en aller.
Nous savons bien qu’elle finira par nous prendre et que notre vie sur la terre ainsi s’achèvera.
Mais est-ce bien de cette mort-là dont Jésus veut parler ?
Les Écritures ne cachent nullement l’existence d’une seconde mort. Non pas la mort naturelle qui signe la fin de notre vie terrestre, non pas la mort de notre corps, mais bien la mort de notre âme, de notre être-pour-Dieu, si je puis dire, cette mort qui est le néant absolu.
Or ce qui fait la profondeur de la vie humaine, c’est d’une part de pressentir, par delà la mort du corps, la mort même de l’âme, d’autre part de percevoir un irrésistible appel à la vie.
Nous entendons en effet en nous-mêmes une parole qui est esprit et vie.
Le propre de notre dignité d’homme, c’est d’entrer en relation avec Dieu, de le connaitre, d’écouter et de garder sa parole. Or cette parole vient éclairer notre conscience pour l’amener à agir dans la liberté en évitant la précipitation, le découragement, le désespoir.
Dans les temps que nous vivons, l’opportunité nous est donnée comme à des millions de personnes d’entendre chaque jour la parole de Dieu, de la méditer, de la garder.
A travers ses commentaires divers et variés, cette parole est vivante. Dieu passe entre nous. Il vit en nous. Cette expérience est en train de transformer notre humanité, pour la tourner de plus en plus vers Dieu, dans cette parole qui s’est faite chair.
Il n’y a pas d’assurance plus grande que de savoir que cette parole nous gardera de la mort éternelle. Un jour, nous passerons le seuil de la mort, d’une manière ou d’une autre.
Mais ce qui compte, c’est que nous aurons été fidèles à Jésus Christ la parole toujours vivante, qui nous éloigne des illusions vaines et des discours trompeurs.
Au milieu du flot de paroles qui inonde notre monde, il convient de repartir toujours de la parole de Dieu, et de demander à l’Esprit de nous éclairer.
Puissions-nous, jour après jour, jusqu’à l’heure de notre mort, écouter et garder cette parole, car elle, et elle seule, nous sauvera et nous donnera la vie éternelle.
Fr. Arnaud Blunat
Mercredi 1er avril (Dn 3, 14-20.91-92.95 et Jn 8,31-42)
En ce temps-là, Jésus disait à ceux des Juifs qui croyaient en lui :
« Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »
Ils lui répliquèrent :
« Nous sommes la descendance d’Abraham, et nous n’avons jamais été les esclaves de personne.
Comment peux-tu dire :
“Vous deviendrez libres” ? »
Jésus leur répondit :
« Amen, amen, je vous le dis : qui commet le péché est esclave du péché.
L’esclave ne demeure pas pour toujours dans la maison ; le fils, lui, y demeure pour toujours.
Si donc le Fils vous rend libres, réellement vous serez libres.
Je sais bien que vous êtes la descendance d’Abraham, et pourtant vous cherchez à me tuer, parce que ma parole ne trouve pas sa place en vous.
Je dis ce que moi, j’ai vu auprès de mon Père, et vous aussi, vous faites ce que vous avez entendu chez votre père. »
Ils lui répliquèrent :
« Notre père, c’est Abraham. »
Jésus leur dit :
« Si vous étiez les enfants d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham. Mais maintenant, vous cherchez à me tuer, moi, un homme qui vous ai dit la vérité
que j’ai entendue de Dieu.
Cela, Abraham ne l’a pas fait. Vous, vous faites les œuvres de votre père. »
Ils lui dirent :
« Nous ne sommes pas nés de la prostitution ! Nous n’avons qu’un seul Père : c’est Dieu. »
Jésus leur dit :
« Si Dieu était votre Père, vous m’aimeriez, car moi, c’est de Dieu que je suis sorti et que je viens.
Je ne suis pas venu de moi-même ;
c’est lui qui m’a envoyé. »
Mes frères, chers amis en ligne, voulons-nous être libres ? Cette question apparaîtra à beaucoup comme sans intérêt dans la mesure où nous pensons volontiers l’être déjà. Oh ! c’est vrai, il y a bien cette histoire de confinement, mais si nous ne sommes pas libres de nos mouvements, ne le sommes-nous pas au moins dans notre tête ? Eh ! bien, les lectures que nous venons d’entendre m’invitent quand même à nous poser, à vous poser la question : sommes-nous libres ou croyons-nous l’être ?
La première lecture, tirée du livre de Daniel, met en scène trois hommes qui ont refusé d’adorer le Dieu de Nabuchodonosor : cela ne leur aurait pas coûté grand-chose, juste un petit salut en passant, mais ils s’y refusent. Pour eux, qui parlent de délivrance, il n’est de vraie liberté que de se tourner vers le Créateur et non les créatures. Lequel les maintient en vie au cœur de la fournaise ardente. Ils sont libres, mais pas de cette fausse liberté que leur proposait Nabuchodonosor et le monde environnant.
Dans l’évangile, les adversaires de Jésus sont persuadés eux aussi d’être libres parce qu’ils sont de la descendance d’Abraham, et constituent donc le peuple élu. Fils d’Abraham, ils le sont, mais sont-ils fils de Dieu ? Leur orgueil n’est-il pas le signe qu’ils sont bien les esclaves du péché, autrement dit du serpent tentateur de la Genèse ? Telle est la question qui leur est posée, comme elle l’est aussi à chacun de nous.
La vérité, pour eux comme pour nous, et nous sommes acculés à en prendre conscience avec cette pandémie, est que nous ne sommes pas les maîtres de nos vies : nous les recevons du Père, lequel est libre de choisir qui il veut comme il l’avait déjà fait avec David et bien d’autres. Et donc libre d’envoyer son fils et son porte-parole, le héraut de la vraie liberté.
Voilà ce que Jésus vient rappeler dans l’évangile : sommes-nous prêts à l’écouter et à le suivre ? Car « c’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés » (Ga 5,1).
Fr. Hervé Ponsot
Mardi 31 mars (Nb 21,4-9 et Jn 8,21-30)
En ce temps-là, Jésus disait aux Pharisiens :
« Je m’en vais ; vous me chercherez,
et vous mourrez dans votre péché.
Là où moi je vais, vous ne pouvez pas aller. »
Les Juifs disaient :
« Veut-il donc se donner la mort,
puisqu’il dit :
“Là où moi je vais, vous ne pouvez pas aller” ? »
Il leur répondit :
« Vous, vous êtes d’en bas ; moi, je suis d’en haut. Vous, vous êtes de ce monde ;
moi, je ne suis pas de ce monde.
C’est pourquoi je vous ai dit que vous mourrez dans vos péchés.
En effet, si vous ne croyez pas que moi, JE SUIS, vous mourrez dans vos péchés. »
Alors, ils lui demandaient :
« Toi, qui es-tu ? »
Jésus leur répondit :
« Je n’ai pas cessé de vous le dire. À votre sujet, j’ai beaucoup à dire et à juger.
D’ailleurs Celui qui m’a envoyé dit la vérité, et ce que j’ai entendu de lui, je le dis pour le monde. »
Ils ne comprirent pas qu’il leur parlait du Père.
Jésus leur déclara :
« Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS, et que je ne fais rien de moi-même ; ce que je dis là, je le dis comme le Père me l’a enseigné.
Celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable. »
Sur ces paroles de Jésus, beaucoup crurent en lui.
Dans cet évangile, tiré du 4ème évangile – celui de S. Jean – Jésus prononce à deux reprises le « Je Suis » divin, car c’est bien le Nom de Dieu qui est ici prononcé. L’importance de ce terme, qui est si sacré, que les juifs encore aujourd’hui ne le prononcent pas, et qui dit le Nom de Dieu, le Nom ineffable, demande que nous nous arrêtions.Jésus dit d’abord : « Si vous ne croyez pas que moi ‘Je Suis’, vous mourrez dans vos péchés. Autrement dit, parce que le péché est une offense faite à Dieu, seul Dieu dans son ‘Je Suis’ peut nous le pardonner. Nous ne pouvons pas être libérés du péché par un homme.
Et en contraste avec cela, la 2ème fois où Jésus prononce ce nom : « quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi ‘Je Suis’. Contraste avec ce qui précède car, quand Jésus sera élevé, c’est sur la croix qu’il sera élevé par les hommes, et c’est une humanité déçue et souffrante comme la nôtre qui est élevée et dans laquelle néanmoins demeure agissant le ‘Je Suis’ de Dieu, car le Je Suis de Dieu peut se traduire ‘Je serai qui je serai’ c’est-à-dire que l’Eternel s’engage à être présent dans l’Alliance tout au long de notre histoire. Vous saurez qui je suis.C’est en voyant Jésus en croix avec toute la faiblesse humaine que nous rencontrons la Puissance. Il existe plus de puissance divine dans le pardon, la rémission des péchés, la justification des pécheurs, que dans tout le reste des oeuvres de Dieu, nous dit Saint Thomas.
Et c’est ici qu’est préfiguré ce qui était dans la Pâque de l’Ancien Testament, que nous avons lu en première lecture. Moïse a élevé un serpent parce que le serpent exprimait le péché d’Israël. Il était le châtiment de ce péché et il exprimait ce péché. Il l’a élevé, et c’est en regardant ce serpent qu’ils étaient délivrés des morsures des serpents. C’est en regardant la faiblesse de Jésus et en voyant en elle la suprême expression de la force de Dieu que nous sommes délivrés de nos péchés.
Dans ce moment où nous touchons particulièrement la faiblesse de l’humanité, sa précarité, à travers la maladie, la pandémie, on se tourne vers Celui qui, portant nos péchés, portant toute notre faiblesse, notre souffrance, est l’aujourd’hui de Dieu pour notre Salut.
Mardi 31 mars (Dn 13,41c-62 et Jn 8,1-11)
En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers.
Dès l’aurore, il retourna au Temple.
Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner.
Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère.
Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus :
« Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »
Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser.
Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre.
Comme on persistait à l’interroger,
il se redressa et leur dit :
« Celui d’entre vous qui est sans péché,
qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »
Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre.
Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés.
Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu. Il se redressa et lui demanda :
« Femme, où sont-ils donc ?
Personne ne t’a condamnée ? »
Elle répondit :
« Personne, Seigneur. »
Et Jésus lui dit :
« Moi non plus, je ne te condamne pas.
Va, et désormais ne pèche plus. »
La liturgie de ce jour nous présente deux récits mettant en parallèle deux figures féminines et deux autres masculines. Dans le premier comme dans le deuxième récit, les deux femmes sont, à tort ou à raison, accusées par des crapules, des hommes retors. Dans l’un comme dans l’autre récit, un homme, simple, vertical, avec un sens supérieur de la justice, accepte de se jeter à l’eau et venir à leur défense. Coupables ou non coupables, là ne me semble pas être la question : il s’agit avant tout de sauver une vie face à l’intransigeance aveugle et déplacée des redresseurs de tort hypocrites, qui souvent préfèrent couper des têtes, ériger des buchers au lieu d’accepter qu’un iota de la loi ne soit observé.
Les Anciens ne croyaient-ils pas que nos lois humaines étaient dictées par les dieux? En même temps que de telles croyances permettaient de mieux les imposer, elles ont aussi servi de justification à des exactions…
Celui qui n’a pas aboli la loi mais qui l’a rendue humaine, c’est-à-dire divine dans le bon sens du terme, rappelle que celle-ci a été mise en place et nous fut donnée pour limiter les injustices que nous pouvons commettre les uns envers les autres. C’est donc outrageusement la pervertir que de l’utiliser pour valider et donner lieu à de nouvelles injustices.
Cela dit, nous serions bien malheureux, nous aurions été de piteux esclaves si nous ne vivions que pour nous soumettre à la loi. Ce n’est pas l’homme qui est au service de la loi, mais la loi au service de l’homme. Le Dieu de Jésus Christ n’est pas un préfet de discipline qui nous remplit des cases selon que nous observions ou n’observions pas tel ou tel précepte. Il n’est pas un père fouettard qui nous attend au tournant pour toujours nous gourmander, nous reprendre et nous régler les comptes. En Dieu, justice et miséricorde sont une et même chose. Et l’amour, voilà l’autre nom de la justice, de la miséricorde – la miséricorde divine qui condamne le péché mais qui sauve les pécheurs que nous sommes tous.Le fils de l’homme n’est pas venu pour condamner mais pour donner sa vie en rançon pour la multitude. Disciples de Jésus Christ, puissions-nous le suivre sur ce chemin de passion et de compassion. Amen.
Jorel Françoos
Dimanche 29 mars (Jn 11,1-45)
En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur.
Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux.
C’était son frère Lazare qui était malade.
Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus :
« Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
En apprenant cela, Jésus dit :
« Cette maladie ne conduit pas à la mort,
elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »
Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare.
Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait.
Puis, après cela, il dit aux disciples :
« Revenons en Judée. »
Les disciples lui dirent :
« Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? »
Jésus répondit :
« N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ?
Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. »
Après ces paroles, il ajouta :
« Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. »
Les disciples lui dirent alors :
« Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. »
Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil.
Alors il leur dit ouvertement :
« Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! »
Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples :
« Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà.
Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère.
Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus,
elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison.
Marthe dit à Jésus :
« Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort.
Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te m’accordera. »
Jésus lui dit :
« Ton frère ressuscitera. »
Marthe reprit :
« Je sais qu’il ressuscitera à la   résurrection, au dernier jour. »
Jésus lui dit :
« Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi
ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
Elle répondit :
« Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. »
Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas :
« Le Maître est là, il t’appelle. »
Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village,
mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré.
Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer.
Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus.
Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit :
« Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »
Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi,
Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda :
« Où l’avez-vous déposé ? »
Ils lui répondirent :
« Seigneur, viens, et vois. »
Alors Jésus se mit à pleurer.
Les Juifs disaient :
« Voyez comme il l’aimait ! »
Mais certains d’entre eux dirent :
« Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle,
ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre.
Jésus dit :
« Enlevez la pierre. »
Marthe, la sœur du défunt, lui dit :
« Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. »
Alors Jésus dit à Marthe :
« Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »
On enleva donc la pierre.
Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit :
« Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. »
Après cela, il cria d’une voix forte :
« Lazare, viens dehors ! »
Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire.
Jésus leur dit :
« Déliez-le, et laissez-le aller. »
Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui. 
La mort est l’expérience la plus commune et la plus hermétique à la fois, la mieux partagée et la moins communicable, la plus assurée qui soit et celle qui nous trouve le plus incrédule. La mort de cette vie et la mort en cette vie, la mort qui nous emportera mais qui déjà nous atteint à travers celle des autres, de nos proches en particulier. Comme à travers ces signes avant-coureurs de la mort que sont les épreuves, les drames de la vie, les maladies, les épidémies, les diminutions physiques et psychiques. La mort atteint la vie en plein cœur. Elle semble vouloir s’en jouer avec cynisme et cruauté. Pour finir par lui porter un coup fatal quand bon lui semble. Quand l’implacable puissance de mort hante et gangrène la vie de l’homme, que faire ?
Tout comme Jésus face au tombeau de Lazare son ami, l’Evangile nous invite aujourd’hui à regarder la mort en face. Et c’est, imminente, sa propre mort que Jésus voit dans celle de Lazare. Il aura fallu du temps pour en arriver-là. La lente marche qui conduit jusqu’au tombeau de Lazare est entrecoupée dans ce récit de haltes, de tâtonnements, de questionnements et d’incompréhensions. Mais personne ne peut éviter de faire face à la mort, face à Lazare figé dans la mort, prisonnier de ses bandelettes, et qui « sent déjà ». Personne ne peut éviter le désarroi de la mort, comme ce désarroi de Marthe, de Marie et des amis de Lazare, de Jésus lui-même qui pleure devant le tombeau de Lazare son ami.
Mais chose étonnante : c’est une humanité pleinement humaine qui se manifeste alors, une humanité reliée aux autres par des liens de vie et d’amour vrai, avec toute la beauté et la vulnérabilité que cela comporte. Avez-vous remarqué le nombre de liens que l’on trouve dans cet évangile ainsi que leur grande signification ? Liens multiples entre Jésus, Lazare, Marthe, Marie, les disciples, les juifs. Il est une caractéristique commune à tous ces liens et sur laquelle on insiste bien : leur profonde humanité, l’importance « vitale » qu’ils représentent. On sent le frémissement d’une profonde émotion qui les traverse devant le drame, l’énigme de la mort.La rupture radicale de lien avec Lazare a pour conséquence paradoxale de révéler le prix infini de ce lien rompu comme des liens de vie qui en gravitent autour. Ils prennent soudain un relief saisissant. Il y a comme la nécessité de dire, de vivre la profondeur de ces liens de vie pour mieux traverser l’épreuve de la mort. Qui n’a pas vécu cela face à la mort, celle de proches en particulier ? Affirmons-le sans ambages : la mort peut révéler l’humanité à elle-même, la faire devenir plus humaine. Triste humanité d’ailleurs qu’une humanité qui finit par oublier qu’elle est mortelle. Car elle n’échappe pas à l’illusion infantile de la toute-puissance, à la prétention de se suffire à elle-même, à l’enfermement dans son avoir et son pouvoir, sans limite et sans éthique bien souvent. Une humanité inhumaine en somme.Le moment décisif de cet évangile est celui où Jésus, face à la mort, se tourne vers ce lien de source qui l’unit à son Père. Voici qu’au lieu même de la mort, la vie en sa source nous apparait. Le mystère pascal s’annonce ici. Du tombeau même surgira le Ressuscité des morts. Voici que le Christ change la mort. De mortelle qu’elle était, elle devient l’espace d’engendrement à la vie « vivante ». Le tombeau devient un berceau. Car ce lien du Fils au Père est vie éternelle, amour d’éternité. Il est toujours caché en vérité en tous liens de vie. Et plus encore en tous ces liens de vie que la mort a rompu. Jésus le Fils est la vie même de nos liens. Jésus le Fils est la vie éternelle de tous nos liens d’humanité, des vivants comme des morts. Oui, au centre inaccessible de tous nos liens de vie se trouve ce lien-source du Fils à son Père. Mais il faut traverser la mort pour que ce lien-là puisse devenir la vie de notre vie, pour entrer dans la vraie vie, « la vie véritable ».Nous sommes tous un peu comme Lazare, pris de la tête aux pieds par des liens de mort qui nous paralysent sur place et nous empêchent d’avancer. Le Christ en sa Pâque nous en libère. « Déliez-le et laissez-le aller » dit-il face au mort qui sort du tombeau. Le Christ nous délie dès à présent de tout ce que nos liens de vie peuvent charrier comme liens de mort. Et il nous demande aussi de nous en délier mutuellement. Le voulons-nous vraiment ? Pas si sûr. N’attendons pas l’heure de notre mort pour cela. Qu’en cette vie mortelle se déploie dès à présent la vie éternelle. C’est là tout le sens du retour à la vie de Lazare, anticipation au présent de la vie à venir, de la vie éternelle. Nous qui aspirons à vivre heureux, libre, aimant, mesurons l’urgence qu’il y a à vivre dans le Christ tous les liens de notre vie présente.