Dans quel climat s’est déroulée cette troisième assemblée extraordinaire du Synode des évêques ?
Frère Laurent Tarel : Un climat très simple, malgré la présence du Saint-Père, présidant toutes les congrégations générales (hormis le mercredi matin, jour d’audience, ndlr) et d’une remarquable disponibilité, et celle de nombreux cardinaux. Un climat également très fraternel, les gens allant facilement les uns vers les autres, s’intéressant les uns aux autres, de façon non feinte. Le Saint-Père avait voulu expressément une grande liberté de parole : on ne peut pas reprocher aux membres de ce synode de ne pas avoir exprimé le fond de leur pensée, officiellement et dans les échanges individuels. Cela vaut particulièrement pour les Pères synodaux.
On a beaucoup parlé de tensions entre ces derniers, à l’occasion de ce synode. Comment vous sont-ils apparus, durant ces deux semaines ?
Frère Tarel : Comme des frères, heureux de se retrouver et se respectant, malgré les divergences. Je n’ai senti aucune animosité entre les personnes, aucun climat de tension, même si, c’est clair, on n’est pas au pays des bisounours : ce sont des cardinaux, des évêques, des prêtres, conscients des enjeux et des difficultés ainsi que de leur responsabilité. On sent aussi chez eux la souffrance du pasteur, qui ne considère pas seulement les brebis “qui vont bien” mais qui a le souci des – nombreuses- brebis en difficulté. Souffrent-ils aussi de la façon dont leur image ou leurs propos peuvent être déformés par les médias ? Je n’ai rien senti de tel. Ce synode a plutôt révélé le coeur de ces pasteurs, tous très attachés à la doctrine de l’Eglise, et qui se demandent en même temps comment l’Eglise peut accueillir toutes les personnes qui frappent à sa porte. Ce ne sont pas des hommes de parti, ce sont des prêtres : ils se posent la question sous le regard de Dieu, dont ils cherchent à réaliser la volonté.
On a dit que la Relatio post disceptationem, qui a provoqué la tempête dans les médias, a semé la division au sein de l’assemblée synodale. Qu’en est-il en fait ? Quel jugement portez-vous sur ce qui s’est passé en interne ?
Frère Tarel : Il était prévu (et normal) qu’après la publication de ce texte, les pères synodaux s’expriment. Ils l’ont fait, lors de la congrégation générale qui a suivi aussitot la lecture de cette Relatio. Beaucoup ont réagi vivement car ils ont eu peur – à juste titre, – de sa mauvaise appropriation par certains. Fallait-il d’ailleurs publier ce document, rédigé rapidement, très imparfait et incomplet, et qui n’est qu’un outil intermédiaire ? Au regard du séisme provoqué, on peut se poser la question. Par contre, le travail qui a suivi, dans les “circuli minores” a été d’une richesse incroyable. La réflexion, profonde et détaillée, a porté sur de très nombreux points, y compris certains ne figurant pas dans la Relatio, comme l’adoption ou l’attention à porter aux personnes âgées. Ce travail aura sans doute grandement aidé celui de la commission de rédaction de la Relatio Synodi. C’est ce texte-là qui va rester de ce synode extraordinaire sur la famille, comme base à la réflexion de l’année qui s’ouvre, avant l’assemblée ordinaire du synode de l’an prochain.
Et vous, que retenez-vous de ce synode ?
Frère Tarel : La famille et ses réalités ont pris pour moi un contour à la fois plus large et plus net. Grâce aux heures et aux heures d’intervention auxquelles j’ai pu assister, je vois maintenant beaucoup mieux quelles sont les attentes, mais aussi les joies, des familles dans le monde aujourd’hui (et pas seulement en France). Je retiens aussi cette idée : une certaine pauvreté, ou du moins simplicité de vie, permet davantage aux familles de vivre les valeurs de l’Evangile. C’est ce que nous enseigne la Sainte Famille de Nazareth, non ?
Propos recueillis par Elisabeth de Baudoüin