L’Amour, Roi de l’Univers… de Fr Benoît-Marie Simon

.Le Christ séparant les brebis des boucs.

L'Amour Roi de l'Univers

Mosaïque de la basilique St-Apollinaire le Neuf – Ravenne – VIe siècle.

Mt 25, 31-46

« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères,

c’est à moi que vous l’avez fait. »

 

Homélie dominicale de Fr Benoît-Marie Simon.

Version phonique:

Version écrite:

Croyons en l’Amour, et célébrons le…

Vous avez sûrement entendu, autour de vous, cette accusation : « Si Dieu existait, il aurait des comptes à nous rendre ». Peut-être même, qu’à certains moments, elle est montée à vos lèvres, à vous aussi !

Et puis, parmi ceux qui croient en Dieu, il y a tous ceux qui imaginent le monde comme une immense horloge, que Dieu aurait créée et mise en mouvement. Mais qui, maintenant, fonctionnerait sans Lui. Si on les écoute, certes, Dieu n’a plus aucune responsabilité dans la situation actuelle, mais Il ne maîtrise plus rien du tout non plus !

Comment, dans ces conditions, célébrer le Christ Roi de l’univers ? C’est-à-dire, affirmer, non seulement, que Dieu existe, mais encore, qu’Il est le maître absolu de l’histoire, au point que, comme le dit l’Évangile : même nos cheveux sont comptés ! Car, n’en doutons-pas, le règne du Christ, c’est celui de son Père.

Il faut être inconscient pour s’imaginer qu’on va nous croire sur parole ! Et nous-mêmes, jusqu’où sommes-nous fermement convaincus de la vérité de ce que nous professons, aujourd’hui ?

Prenons un cas particulier : la sœur du roi Louis XVI. Tous les jours, en attendant d’être guillotinée, elle récitait cette prière : « Que m’arrivera-t-il aujourd’hui, ô mon Dieu ? Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’il ne m’arrivera rien que vous n’ayez prévu, réglé, voulu et ordonné de toute éternité. Cela me suffit. J’adore vos desseins éternels et impénétrables ; je m’y soumets de tout mon cœur pour l’amour de vous. Je veux tout, j’accepte tout, je vous fais un sacrifice de tout, et j’unis ce sacrifice à celui de mon divin Sauveur et vous demande, en son nom et par ses mérites infinis, la patience dans mes peines et la parfaite soumission qui vous est due pour tout ce que vous voulez ou permettez« .

D’après vous : il s’agit simplement d’un acte de piété, un peu infantile. Ou, au contraire, d’une conviction fondée sur la vérité ?

La question est très sérieuse.

En effet, si Dieu ne maîtrise pas tout, alors il n’y a que deux possibilités. Ou bien nous sommes le jouet de forces aveugles et mécaniques, dont rien ne dit qu’elles sont forcément des moteurs de progrès . Ou bien tout dépend de la volonté humaine. Mais comment le croire, au vu de toutes les catastrophes et les maladies qui s’abattent régulièrement sur nous, malgré les progrès de la technique ! Et, surtout, comment être convaincu que les hommes finiront bien par chercher, ensemble, la justice !

Là encore, les mensonges et les massacres qui se répètent, inlassablement, depuis le début de l’histoire humaine, constituent un démenti accablant. Et il faut être aveugle pour l’ignorer. Bien sûr, il y a du bon dans la nature humaine, du moment qu’elle a été créée par un Dieu Bon. Il n’empêche : il y a un abîme entre des velléités ou de simples aspirations, et une volonté déterminée à accomplir le bien, jusqu’au bout et quoi qu’il en coûte !

Et, même s’il y a des personnes qui se sacrifient pour la justice et la paix, prétendre que ce sont elles qui régneront bientôt, relève de l’autosuggestion, ou du refus de voir la réalité. D’ailleurs, la Bible l’affirme : « Malheur à l’homme qui se confie en l’homme » (Jr, 17,5).

Décidément, en dehors de la royauté universelle du Christ, il n’y a aucun motif sérieux d’espérance.

Attention, il ne s’agit pas seulement d’affirmer, qu’à la fin des temps, le Christ régnera. Cela, on peut encore le croire sans trop de difficulté. Du moment que cela concerne ce qu’on pourrait appeler un autre univers, dans lequel, par définition, tout est possible ! Il s’agit de proclamer que, dès maintenant, partout et toujours, le Christ règne, sans que rien ni personne ne puisse l’en empêcher !

Comment y croire. Concrètement, alors que, pour beaucoup, la toute première impression est celle d’être abandonnés de Dieu, plutôt que protégés par Lui ? En tout cas, une chose est sûre, la façon dont Dieu règne ne correspond absolument pas à l’idée que nous en avons.

A partir de là, il n’y a qu’une seule solution. Pour comprendre la vraie nature de cette royauté, il faut nous remettre en question, très profondément.

Point de départ de cette réflexion, cette vérité toute simple : régner, au sens noble du terme, c’est conduire, ceux dont on a la charge, à la fin pour laquelle ils ont été créés. Dans le cas présent, la fin en question c’est la vie éternelle. C’est donc à l’aune de notre enfantement à la vie éternelle qu’il faut juger de la puissance agissante de Dieu parmi nous.

Eh bien, sans crainte d’être démentis, nous pouvons être sûrs que rien ni personne, jamais, n’empêcheront Dieu de réaliser son dessein. Faire naître à la vie nouvelle ceux qui ouvrent leur cœur à Son amour.

Et c’est, précisément, ce qu’enseigne l’évangile que nous venons de lire. En effet, ni les élus, ni les réprouvés ne savaient que le frère qu’ils rencontraient était le Christ. Mais, avaient-ils besoin de le savoir pour décider de se laisser toucher ou pas ? L’amour n’est-il pas quelque chose de gratuit ? Et, soyez-en sûrs, dans les conditions concrètes dans lesquelles Dieu nous place, il est impossible d’aimer, toujours et jusqu’au bout, sans aimer Dieu plus que nous-mêmes.

Voici donc ce que nous proclamons aujourd’hui, de toute la force de notre foi. Quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous aurons toujours la possibilité de décider d’ouvrir notre cœur. Avec une profondeur telle que le Christ puisse nous sauver. N’est-ce pas la preuve qu’Il est le maître de nos vie !

Certes, nous préférerions, qu’en prime, Dieu enlève tous les maux qui pèsent sur nous. Mais, qui nous dit que le monde idyllique dont nous rêvons serait plus propice au salut ? D’ailleurs, il a existé, au tout début de l’histoire du monde, lors-qu’Adam et Eve étaient dans le paradis terrestre. Eh bien, ils ont péché.

En clair : personne, jamais, n’a été sauvé dans un monde paradisiaque. Tandis que beaucoup sont devenus des saints, dans le monde que nous connaissons.

Dernière objection. Tout de même, aujourd’hui, le Christ ne domine pas sans partage, puisque le mal existe ? C’est donc seulement dans les cieux nouveaux et la terre nouvelle qu’Il sera vraiment Roi !

Réfléchissez : le Christ n’est-il pas déjà assis sur son trône de gloire, à la droite du Père ? Bref, croire qu’Il ne règne pas encore tout à fait est aussi absurde que d’imaginer un temps où Dieu mettrait Sa Toute-puissance entre parenthèses !

Prenons une comparaison : est-ce qu’un agriculteur maîtrise moins son sujet lorsqu’il cueille une fleur que lorsqu’il fait pousser une semence ?

Eh bien, il en va de même avec nous. Pour que la gloire soit le germe de la grâce, il faut que nous choisissions Dieu au milieu des tentations et des persécutions. Il faut encore que nous puissions nous convertir. Bref, il faut que l’ivraie ne soit pas arrachée tout de suite. Mais, soyez sûrs que, lorsque le but sera atteint, alors le Christ apparaîtra dans tout l’éclat de sa gloire. Et Il séparera, comme nous le dit l’Évangile d’aujourd’hui, les bons des méchants. Cela ne signifie pas que, seulement à ce moment Il commencera à régner, mais simplement que son pouvoir royal infaillible aura réalisé ce à quoi il travaille, inlassablement, depuis toujours.

Reste, frères et sœurs, à nous convaincre que tout cela est vrai, juste et bon, pour, qu’à notre tour, nous puissions réciter la prière de la sœur du roi Louis XVI. Pour cela, il faut, d’abord, que nous soyons bien convaincus que le salut de notre âme est la seule chose qui compte vraiment. Alors, nous nous réjouirons de lire, dans le Dialogue de sainte Catherine de Sienne, que : « Tout procède de l’amour, tout est ordonné au salut de l’homme, Dieu ne fait rien que dans ce but« .

Mais il faut, encore, que nous ayons eu un avant-goût du « poids de gloire » que Dieu a préparé pour nous. Lequel, nous dit saint Paul, est sans proportion avec la somme d’horreurs qui défigurent l’histoire de l’humanité.

D’où l’invitation, que nous allons entendre, dans quelques instants, à manger – c’est-à-dire à savourer – le pain du ciel, dans l’eucharistie…

Fr Benoît-Marie Simon op.

Lien vers la décoration florale du jour: Scission, l’heure du jugement.