Venez, adorons-Le !

24 décembre 2022 – Nativité du Seigneur – Messe de la nuit
Is 9,1-6 ; Ps 95 (96) ; Tt 2,11-14 ; Lc 2,1-14
Homélie du frère Joseph-Thomas Pini



Nativité du Christ – Noyer polychromé, XVè s. – Strasbourg, musée de l’Œuvre Notre-Dame – Crédit photo: ville de Strasbourg

« 23 heures 34, chrétiens ! C’est l’heure solennelle où notre Dieu descendit jusqu’à nous, etc …. ». Le Verbe éternel, l’Unique Engendré et Fils bien-aimé, S’unit l’humanité de Jésus, conçu du Saint Esprit dans le sein de la Vierge, et naît d’une femme dans ce monde. Il descend en effet : sans altérer ni diminuer Sa divinité, Il S’abaisse en rejoignant la misère de l’homme condamné par le péché, mais non par Dieu, dont Il vient le relever et le libérer selon Son dessein d’amour et Sa promesse. Là où l’humanité s’est détournée et s’est abîmée, la sainte humanité du Christ, de Bethléem au Golgotha en passant par Nazareth, les chemins de Galilée et de Judée, les places de Capharnaüm, de Jéricho, de Jérusalem, le Temple de la Cité de David, devient l’instrument du salut du genre humain selon une haute convenance. Il descend : entré dans l’existence humaine par Son Incarnation dans le sein de la Vierge, Le voici visible aux yeux des hommes, à leur niveau, et désormais Sa présence n’est plus seulement colonne de feu ou de nuée, parole inspirée ou sagesse lentement assimilée ; tout en ne cessant pas d’être Dieu, le Seigneur Se révèle en cheminant avec les hommes.

Et il descend bas. Ballotté par les caprices des hommes et de leur histoire, évincé de la salle commune que la décence élémentaire aurait dû réserver à Sa mère sur le point d’accoucher et accorder à l’inquiétude de Son père gardien, mais qui était décidément trop remplie : à l’image de notre âme occupée de tant d’idoles réelles ou en puissance, de tant de biens terrestres matériels ou symboliques, si agitée. Le voici dans le lieu dévolu aux animaux et que les arrangements humains ont réservé aux plus petits de cette nuit, venant au jour dans un monde de guerre et de tristesse, dans des conditions bien éloignées du calme et de la sécurité.

Tel est l’élan de Sa descente et de Sa mission : « sorti du Père et venu dans le monde » (cf. Jn 16,28). Pourtant, deux éléments frappent dans ce récit des heures de Sa naissance. Certes, il y a Son immense amour des hommes et aussi Sa fidélité, mais d’où vient qu’Il descende jusqu’au plus simple, à l’intime, sous la forme la plus commune et la plus humble, là où Sa toute-puissance n’est pas altérée, mais pouvait faire autrement ? Par ailleurs, c’est Lui qui descend, nous dit-on, mais en réalité tout le monde est en mouvement vers Lui. C’est qu’en vérité, Il n’entre pas dans notre monde, mais Il vient nous faire entrer dans le Sien. La crèche n’est pas un cul-de-sac, ni une zone d’attente, mais une porte : celle du Ciel et de la vie en Dieu. Rien d’étonnant, même si cela demeure à tout jamais merveilleux, que le firmament s’illumine et s’égaye de la présence chantante de tant d’anges : la terre entre au Ciel. Et tous s’avancent : les bergers, à la fois les pauvres de cœur et les veilleurs de la nuit, sont appelés à contempler l’objet de leur attente. Les mages, aventuriers du désir et navigateurs de la sagesse, sont guidés par une étoile vers l’objet de leur quête. A eux tous, ils rassemblent et représentent la recherche et l’attente des hommes, leurs pauvretés, leurs chagrins, leur espérance dans la nuit générée par l’éloignement du Dieu lumière et vie. Et voici qu’ils rejoignent cette Lumière et cette Vie véritables présentes d’une manière nouvelle, efficace et définitive dans le cours de ce monde. Dieu qui Se révèle pleinement le fait en sauvant du péché et de la mort et en rassemblant toutes choses dans le Christ. L’homme voit se rouvrir pour lui la porte qui s’était fermée après la faute d’Adam. Dans l’admirable échange que constitue véritablement l’Incarnation, Dieu Se donne pour nous donner au Père en Son Fils. Nous entrons et découvrons ce que notre cœur attend au plus profond et sans détours. Nous découvrons Dieu Amour infini, Sagesse suprême, Parole de vérité, sous la forme la plus accordée, en cette nuit, à la simplicité et à l’éternité de Dieu. Nous découvrons aussi l’homme : cette créature à ce point chérie, qui est révélée plus grande qu’elle-même, dans sa condition présente, dans le salut et le bonheur qui lui sont offerts et seront scellés pour elle sur la Croix.

Dès lors, l’existence dans laquelle nous sommes placés à cause du premier Noël, de la nuit de Gethsémani et du Calvaire, et du matin de la Résurrection, à cause de tous les Noëls célébrés jusqu’à celui-ci, de notre baptême dans le Christ, de toutes nos communions au Corps et au Sang du Seigneur, est celle du monde entré en Dieu. Le Royaume de Dieu est maintenant et là, et l’entreprise de coopérateur de l’Esprit et de la grâce n’est pas de le faire entrer dans ce monde, mais d’y faire entrer et vivre le monde dès à présent, jusqu’au dernier Avènement du Christ qui parachèvera l’assomption de ce monde. Entretemps, déjà entrés en Dieu et établis en Lui qui est venu établir Sa demeure parmi nous et en nous, il nous faut cesser de vivre dans l’éloignement ou l’insouciance de ce qui est déjà notre vie et mûrit pour le devenir pleinement. La souffrance du monde et du cœur de l’homme n’est pas celle de l’attente stérile ou trop longue, mais celle de la séparation, de la tiédeur de la foi, de l’occultation de l’espérance. Que la contemplation de l’Enfant-Dieu nous ouvrant Ses bras nous éclaire, nous fortifie et nous entraîne. Venez, adorons-Le !

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