L’audace de la parole

Prédication du frère Arnaud Blunat le 21 juin (Jr 20,10-13 ; Mt 10,26-33)


Oser dire, avoir l’audace de la parole, aujourd’hui, c’est plus que risqué ! Jésus manifeste lui-même une telle audace ; il prend cette liberté incroyable de parler un langage de vérité, qui étonne, qui déconcerte, qui dérange.

Audace du prédicateur

Il invite ses apôtres à tenir le même langage. Quand il les envoie en mission, il leur demande de proclamer sur les toits ce qui est dit dans le creux de l’oreille, de dévoiler ce qui a été caché, de mettre en pleine lumière ce qui a été tenu secret dans les ténèbres.

Dans la Bible, ceux qui ont agi ainsi ont été persécutés, rejetés et mis à mort. Le prophète Jérémie est un exemple frappant. Lui qui a annoncé la destruction et la déportation du peuple d’Israël, lui qui a appelé à la conversion, a été pourchassé, insulté, humilié. On a tout fait pour le faire taire.

Les persécutions subies par Jérémie préfigurent le sort qui sera infligé à Jésus. Les premiers chrétiens ont connu le même rejet, la même incompréhension et ont payé de leur vie leur courage pour dénoncer les injustices, les malversations, les violences, tous les péchés dont les hommes se rendent coupables. Ce qui s’est passé pour les premiers chrétiens se reproduit encore aujourd’hui : en effet, toute référence à la vérité au nom de Jésus et de l’évangile est devenue impossible, inacceptable. Tout discours de vérité fondé sur la foi, toute parole en référence à Dieu, est niée, ignorée ou contrecarrée et même combattue. Dieu doit disparaître de nos écrans, de nos radars.

Témoigner, prendre la parole est pour le moins devenu compliqué. Quel langage tenir quand on entend une multitude d’opinions, quand l’information est brouillée, quand l’émotion l’emporte sur la raison et la superposition des points de vue favorise la confusion ?

De fait, dans ce contexte, le discours de Jésus aura bien du mal à passer. Son langage en apparence binaire nous encourage à toujours chercher la vérité, à débrouiller le vrai du faux. Certes, faire la vérité demande beaucoup de prudence, du temps et de la patience. Ceux qui s’exposent à la persécution n’auraient-ils pas manqué de ces vertus fondamentales. Ne se sont-ils pas imprudemment exposés ?

Si pour nous la perspective de la persécution ne doit jamais être écartée, il faut bien en saisir l’enjeu. Ne sera persécuté que celui qui prend le risque de révéler son attachement au Christ. Ce qui fait le cœur de notre foi, c’est bien la fidélité à Celui-là même qui a été le premier rejeté. Le cœur de notre foi, c’est Jésus lui-même, qui a payé le prix de la vérité et donné sa vie par amour pour tous les hommes.

Ce qui menace notre foi, ce ne sont pas tant les attaques, les critiques, que l’indifférence, le nihilisme qui nous entoure, et qui pourrait nous décourager, nous faire chanceler et nous pousser à quitter le bateau. Le monde qui nous entoure ne veut plus entendre la parole forte et exigeante de l’évangile. Notre société, qui ne veut plus entendre parler de Jésus, n’a pas d’autre perspective que l’argent et le bonheur immédiat.

Ce qui menace notre foi, ne serait-ce pas le doute qui nous fait tout relativiser et le silence dans lequel nous pourrions nous installer ? Ce que nous devons craindre, c’est bien cet esprit du monde qui nous étouffe lentement, nous empêchant de penser et de réagir. Ce que nous devons craindre, c’est ce monde qui veut nous formater dans un mode de vie individualiste auto-satisfait, auto-référencé et qui, finalement tue notre âme.
Notre âme, comprenons-nous bien, c’est ce que nous sommes en profondeur, c’est ce qui fait le cœur, le centre de notre vie, cet attachement à Jésus dont je parlais et qui permet d’articuler les trois dimensions fondamentales de notre existence : le lien avec Dieu, le lien avec les autres, et la conscience de notre dignité personnelle, la profondeur de notre liberté intérieure, ce qui fait que nous sommes uniques aux yeux de Dieu, ce qui fait que nous n’appartenons à personne d’autre qu’à lui.

Ne craignez pas pour votre vie, puisqu’elle est toute entière entre les mains de Dieu. Nous devons veiller les uns sur les autres, mais toujours dans cette confiance que nous mettons en Dieu. Au lieu de cette crainte qui met Dieu au dessus de tout, nous avons trop souvent préféré mettre notre confiance dans les hommes. Or, c’est par la grâce d’un seul homme que nous avons été sauvés, comme le dit Saint Paul, c’est par Jésus Christ que nous avons reçu la plénitude de la grâce de Dieu. Voilà pourquoi il est essentiel de rester profondément enraciné dans son amour. Car, ni la mort, ni la vie, ni présent ni avenir, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ.

Puissions-nous ne jamais douter de ce lien, ne jamais interrompre le fil de cet échange. Que notre vie soit cette « conversation », dont aime parler le pape François. Ayons toujours le souci de revenir vers Jésus, en ayant l’audace de dire comme l’apôtre Pierre : Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime !

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