20 mars 2022
3è Dimanche du Carême, année C
Ex 3,1…15 ; Ps 102 (103) ; 1 Co 10,1…12 ; Lc 13,1-9
Homélie du frère Hervé Ponsot
Frères et sœurs, sans doute avez-vous entendu au moins une fois dans votre vie sinon plus cette phrase : « ma conversion date de tel jour ! » A priori, nous ne pouvons que nous en réjouir. Je l’ai d’ailleurs prononcée moi-même au début de ma vie dominicaine, avant de me faire reprendre vertement par un frère aîné. Car si la conversion peut avoir une forme marquante de commencement, en particulier à l’occasion d’une vraie rencontre avec Jésus, elle est surtout une œuvre de longue haleine, un engagement appelé à se renforcer sur toute la durée d’une vie.
Voilà précisément ce que nous rappellent Paul dans la première lettre aux Corinthiens, ou Jésus dans l’évangile de Luc. Si tous les Hébreux se sont tournés vers le Seigneur et sont sortis d’Égypte pour s’engager dans le désert à la suite de Moïse, tous ne sont pas entrés en terre promise. Pas même Moïse, pourtant une référence de l’histoire biblique ! Alors qu’il avait, comme on dit aujourd’hui, « coché presque toutes les cases ». Et Jésus souligne de son côté qu’il serait vain de trouver une justification en se disant que seuls les pécheurs sont écartés : « pas du tout, si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de même ».
Mais alors, qu’est-ce qu’une conversion dans la durée ? Les deux mots, conversion et durée sont importants. Étymologiquement, se convertir revient à se tourner vers : vers Dieu bien sûr, mais plus encore avec son fils Jésus. De telle sorte que Jésus puisse nous dire : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis ». La conversion est donc conversion à une amitié forte avec Jésus. Elle conduit à reconnaître un avant et un après si bien que l’affirmation « je me suis converti le… » prend ici tout son sens.
Mais une telle conversion ne s’arrête pas là. Jésus attend de nous que cette amitié soit partagée et porteuse de fruits d’amour et de paix envers tous les hommes. Peut-on aimer tout le monde, objecte-t-on parfois ? La question n’est pas là : par-delà les inévitables difficultés, l’Esprit de Jésus se charge de conduire vers nous ceux qu’il nous invite à aimer, et il nous donne les moyens d’y parvenir. Souvent inattendus comme il l’a fait par exemple en nous envoyant Angelica et sa fille Daria, deux Ukrainiennes que nous accueillons chez nous depuis 48 h. L’amitié avec Jésus est donc exigeante, difficile, mais celle qui ne l’est pas est-elle encore une amitié ?
Et justement parce qu’elle est exigeante, cette amitié se construit dans la durée, au fil du temps. La mention d’un délai à la fin de l’évangile en est le meilleur signe. Pour nous, l’échéance ultime est celle du jugement final mais, plus proche de nous, celle de notre mort dont bien sûr nous ne connaissons pas la date. Jésus attend donc chaque jour à notre porte que nous renforcions notre amitié avec lui. Convertissons-nous à cette amitié qui ouvre un chemin de vie et dont nous ne cesserons ensuite de rendre grâce.