« De toutes les nations faites des disciples! »

Dimanche 8 août 2021
Solennité de Saint Dominique
Huitième centenaire de sa naissance au Ciel
Is 52,7-10 ; Ps 95 (96) ; 2 Tm 4,1-8 ; Mt 28,16-20
Homélie du frère Damien Duprat

Tableau : Saint Dominique – Fra Angelico, fresque, 1440-1441 (détail) – Couvent San Marco, Florence

« De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit ! » (Mt 28,19)
Qu’est-ce que Jésus demande là à ses apôtres ? De l’avis de beaucoup de gens, il se rend coupable de prosélytisme. Vous le savez, dans le contexte où nous vivons, le simple fait de prétendre affirmer la vérité en matière religieuse, même d’une manière très douce, risque d’être perçu comme une agression.
Alors je vous propose de réfléchir un instant : est-ce que cela constituerait un manque de respect envers les autres que d’annoncer l’Évangile de Dieu, par nos paroles et nos actes ?
Le prophète Isaïe, nous l’avons entendu en première lecture, dit tout le contraire : éclatez en cris de joie, vous qui entendez le messager de la bonne nouvelle, car vous voyez le salut de notre Dieu !

Dieu a pris la peine de se révéler à l’humanité, depuis des siècles, en s’adressant personnellement à Abraham, puis aux autres patriarches, à Moïse, aux prophètes, etc.
Cette Révélation s’est accomplie en Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui a vécu dans notre nature humaine pour nous élever jusqu’à lui ; cette œuvre grandiose n’est rien moins que le salut du genre humain. Il nous sauve en se révélant, il se révèle en nous sauvant.
Car l’humanité a besoin d’être sauvée. Oui, nous avons besoin d’être arrachés à la boue du péché qui risque de défigurer nos existences en nous conduisant à la mort spirituelle. Certains choisissent de fermer les yeux sur cette réalité : cela ne peut qu’aggraver leur problème. D’autres s’imaginent trouver un chemin de salut dans des solutions techniques, dans le culte de l’argent, dans le divertissement, ou au contraire dans le travail, que sais-je encore… pourtant, construire son existence uniquement sur de telles valeurs, c’est la voie assurée vers de cruelles désillusions ! Plus nous méditons sur ce que le Christ Jésus nous apporte, plus nous pouvons reconnaître qu’il nous montre un chemin de Vie incomparable, qui est en réalité l’unique chemin vers la Vie véritable.

Ne croyons pas que cela vaudrait seulement pour certains et pas pour d’autres. Non, il en va de même pour toute personne humaine ; comme le disait saint Augustin : « tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure pas en toi » (Confessions, I, 1, 1).

Mais alors, qu’en est-il par exemple de ceux qui ont vécu avant le Christ, ou de ceux qui encore aujourd’hui vivent dans des contextes culturels où ils n’ont pas accès à une annonce authentique et crédible de l’Évangile ? Ils ont autant besoin du Christ que nous ! Seraient-ils privés du salut de Dieu ?
Heureusement non ! Car Dieu n’a besoin de personne pour rejoindre tout être humain, sans exception, au plus intime de lui-même ; comme nous l’enseigne le Concile Vatican II : « l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal » (Gaudium et spes, n°22). Oui, le Seigneur est assez puissant pour parler au cœur de chacun, pour rejoindre mystérieusement même les personnes qui n’ont pas entendu la prédication évangélique.
Mais cela ne veut pas dire qu’il est inutile de parler du Christ ! Oserions-nous dire que ce n’est pas pour nous une chance inestimable d’avoir reçu l’annonce de l’Évangile ? Aurons-nous l’audace de prétendre que nous pourrions aussi bien vivre sans connaître et aimer Jésus-Christ ? sans nous rassembler pour nous nourrir ensemble de sa parole et de son corps ? sans recevoir régulièrement son pardon par l’intermédiaire d’un prêtre ?

En vérité, Dieu n’a pas manqué de sagesse quand il a fait Alliance avec nous. Il sait combien l’humanité entière a besoin de lui, besoin d’entendre sa parole de Vie et d’y répondre par la foi. Le Père a envoyé son Fils Jésus-Christ, il a envoyé son Esprit Saint ; l’Église tire son origine de ces missions du Fils et de l’Esprit, c’est pourquoi elle est missionnaire dans sa nature même, comme l’a aussi rappelé le Concile Vatican II (Ad gentes, n°2). C’est pourquoi le Christ a envoyé ses disciples dans le monde entier. Ses disciples, c’est nous ; pas seulement les Dominicains, pas seulement les prêtres, mais toutes les personnes qui ont reçu ce cadeau qu’est le baptême. Et sans nécessairement courir au bout du monde, il nous revient de témoigner de la vérité et de l’amour de Dieu, d’abord en faveur de nos proches. Cela, d’une manière adaptée, en cherchant la parole et le geste qui conviennent selon les personnes et les situations. Le Christ est avec nous chaque jour pour nous guider, nous inspirer, nous rendre inventifs dans nos façons de faire.

Saint Dominique, comme tant d’autres, comme nous tous j’espère, a compris la signification du mot Évangile : Bonne nouvelle ! Tel est bien le sens de ce mot grec. Oui, c’est une heureuse nouvelle de découvrir que Dieu nous aime ! Et non seulement il nous aime, mais il a soif de notre amour ! C’est la signification spirituelle que l’Église reconnaît depuis toujours dans le cri de Jésus sur la croix : « j’ai soif ! » (Jn 19,28). Cependant cela ne veut pas dire qu’il ait besoin de notre amour pour vivre, puisque étant Dieu il existe de toute éternité. C’est plutôt nous qui avons un besoin vital de son amour. Cet amour, il nous le donne sans condition, et il attend que nous nous jetions dans ses bras, sans jamais nous y forcer. A nous de nous laisser aimer par lui et de lui rendre amour pour amour : tel était le secret de Dominique, tel est le chemin de vie que Dieu ouvre devant nous.

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