Dieu nous accueille à la porte du Royaume…
Lc 13, 22-30
» Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite,
car, je vous le déclare,
beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. »
de fr Jorel François:
Version phonique:
Version écrite:
Ceux qui pouvaient le faire, et qui ne l’ont pas fait…
Maître, le salut sera-t-il une affaire d’élites, d’une minorité de gens triés sur le volet, ou sera-t-il donné à tout le monde ou presque? Combien y aura-t-il de sauvés ?
Sœurs et frères, la question rapportée dans cette portion d’évangile peut, de près ou de loin, nous intéresser au moins pour autant qu’elle sous-tend une reconnaissance et trahit un aveu: nous sommes habités par des inquiétudes plus ou moins raisonnées et plus que moins dans le cas présent, car il parait clair, et nous en sommes même convaincus : le meilleur n’est pas dans l’instant présent; l’essentiel est ailleurs, il est peut-être à venir. Mieux qu’hier, et moins que demain… Aussi, cet essentiel, ce mieux-être le souhaitons-nous, l’espérons-nous de tout notre être, de toutes nos forces. Nous attendons ce jour béni où délivrés des réalités présentes, libérés de nos servitudes, de la contingence, nous pourrons enfin contempler, pour ainsi dire, de visage-à-visage, ce vers quoi nous tendons de tout notre être : Dieu notre paix, notre bonheur, notre béatitude sans fin. Mais s’il est vrai que nous l’espérons, l’obtiendrons-nous vraiment, serons-nous vraiment à ce rendez-vous final, ferons-nous partie de ce festin eschatologique, serons-nous admis au banquet du royaume, bref qui sera sauvé et qui ne le sera pas?
Sœurs et frères, à travers l’évangile de ce jour, Jésus nous dit sans ambiguïté qu’il y aura des surprises. Il y aura comme un renversement de l’ordre des choses, une commotion, une révolution. De même que le meilleur n’est pas donné tout au début mais le sera peut-être à la fin, de même les premiers dans ce monde-ci seront peut-être les derniers, et les derniers les premiers.
La logique du royaume semble être à l’opposé de la logique des hommes. Les valeurs évangéliques sont décidément aux antipodes de celles que fait miroiter le monde.
Étant donné le présage, sans curiosité malsaine, déplacée, peut-être serait-il intéressant de demander : qui sont pour l’instant ces premiers qui seront peut-être les derniers, et ces derniers qui seront les premiers?
Difficile à la vérité de le savoir avec exactitude et de manière arrêtée. Cela dit, le contexte de cette annonce permet de supposer que les premiers en question renvoient au moins en un premiers temps aux Hébreux, aux Juifs de l’évangile, comprendre le peuple dit béni de Dieu, son fils premier-né, la vigne qu’il a arrachée d’Égypte au-devant de laquelle il a fait place nette. Mais avec ces Hébreux, il faut comprendre en vérité tous les ouvriers de la première heure, le peuple chrétien inclus, qui croient avoir amassé assez de mérites pour franchir le cap, traverser le seuil et s’inviter, s’asseoir à la table des noces de l’Agneau, tel des invités de marque et, en conséquence, pleins de présomption, comme des goujats qui pensent qu’après tout il est du devoir du Maître de bien les accueillir et bien les régaler.
Quant aux derniers, ce sont probablement les goyim, les gentils, ceux qui sont apparemment loin, ou qui arrivent de loin; ceux que le peuple de la bible se plaisait d’appeler « prépuces », c’est-à-dire les incirconcis, les étrangers de la promesse, mais en même temps, ce sont peut-être en dernier lieu tous ceux que les héritiers de la promesse et les croyants considèrent comme des mécréants, des agnostiques, des athées, et qu’ils regardent de haut, comme des égarés, des perdus à tout jamais…. Puis, on ne sait par quel miracle : les voilà peut-être présents, là à l’heure, à table avec le Maître…
Pharisiens, moi je vous dis : en vérité, les prostituées, les publicains et les pécheurs vous précéderont dans le royaume – avertit Jésus!
Ces étrangers de la promesse représentent donc la cohorte des ouvriers de la dernière heure, les publicains et les païens qui n’osent pas lever les yeux vers le ciel, et qui sont pourtant entrés dans l’Alliance par le miracle de l’Incarnation du Dieu qui s’est toujours fait proche de l’homme, de tout homme, le Dieu qui a toujours rejoint l’homme dans sa misère, qui est tout entier miséricorde et qui ne fait pas acception de personnes.
Gens de près, gens de loin, ouvriers de la première comme de la dernière heure, tout le monde est finalement invité à prendre part au festin des noces de l’Agneau. Mais pour y parvenir, il est également demandé à chacun de s’efforcer, de lutter pour passer par la porte étroite, cette porte que refusent naturellement la plupart des gens, parce que trop difficile d’accès (cf. Mt 7, 13).
Aussi cette majorité aura-t-elle choisi peut-être de s’exclure, se soustraire du compagnonnage du Maître, à tout le moins en aura-t-elle pris le risque pour n’avoir pas tenté de faire le minimum demandé. Elle aura donc pris le risque de refuser le rendez-vous eschatologique et le manquer.
Mais en même temps, et soyons bien d’accord, l’évangile d’aujourd’hui rappelle que le critère définitif de l’élection ne sera pas si l’on avait toujours été sagement à la messe, si l’on avait auparavant mangé ou bu avec le Maître du festin, si l’on faisait partie de son cercle immédiat, de ses habitués ou non, mais le bien que l’on avait à faire et qu’on a fait. On y sera admis dans la mesure où l’on a été un bienfaiteur du genre humain, à tous le moins, de tel homme ou de telle femme placée sur notre chemin, qui nous était d’une manière ou d’une autre un prochain. Au cas contraire, le Maître sera obligé de constater qu’il ne nous connait pas parce que nous aurons été injustes, nous aurons mal fait.
Sœurs et frères, le texte d’aujourd’hui fait écho naturellement à celui du jugement dernier que nous pouvons retrouver dans l’évangile selon Matthieu. L’heure viendra où il faudra siéger : le Maître départagera les hommes en fonction de ce qu’ils auront fait. À droite pour la vie éternelle, ceux qui auront visité les prisonniers, donné à manger aux affamés et à gauche pour la perdition, ceux qui pouvaient le faire et qui ne l’avaient pas fait (Mt 25, 31-46).
Demandons à Dieu de nous maintenir dans le chemin du bien, et de sans cesse rallumer en nous les feux de sa pressante charité. Amen.
fr Jorel François op.
Lien avec la décoration florale du jour: Beaucoup de candidats, moins d’admis…