Fête du monde étudiant 2023

Saint Thomas d’Aquin

Saint Thomas d’Aquin (1225-1274), théologien de génie, a contribué à l’essor initial de l’Ordre religieux des Dominicains. Sa réflexion allie une grande rigueur à un profond sens pédagogique. C’est pourquoi il est le saint patron des universités catholiques, et plus largement de tous ceux qui étudient ou enseignent, quelle que soit leur filière.

Sa fête figure au calendrier liturgique le 28 janvier, jour de la translation de ses reliques dans l’église des Jacobins de Toulouse en 1369. À Montpellier, le monde étudiant le célèbre chaque année à une date proche (le 26 janvier cette année), au couvent des Dominicains.

L’année 2023 marque le 7è centenaire de sa canonisation. En 2024 nous fêterons le 750è anniversaire de son Dies natalis (jour de sa naissance au Ciel), et en 2025 le 8è centenaire de sa naissance. Ces trois anniversaires donnent lieu à un jubilé spécial, en particulier à Toulouse où est proposé un riche programme artistique, théologique et spirituel. Pour en savoir plus: https://thomas-aquinas-jubileum.org/


26 janvier 2023 – Fête du monde étudiant
Messe en l’honneur de Saint Thomas d’Aquin
Sg 7,7-10.15-16 ; Ps 36 (37) ; Jn 17,11b-19
Homélie du frère Thierry-Marie Hamonic

Les frères dominicains de Toulouse ont remarqué depuis longtemps un curieux phénomène : en période d’examens, les étudiants toulousains ont tendance à visiter beaucoup plus nombreux l’église des Jacobins. L’explication de ce phénomène n’est pas difficile à trouver : dans l’église des Jacobins, il y le tombeau de Thomas d’Aquin… lequel est le saint patron des écoles et des universités. Et ma foi, même non-pratiquants, ces braves étudiants doivent se dire qu’un petit coup de pouce céleste de ce célèbre professeur du Moyen-Âge pourrait arranger leurs affaires : adoucir leurs examinateurs, ou qui sait, leurs donner quelques lumières pour réussir leurs études.
Ce n’est certes pas frère Thomas qui trouverait à redire sur cette pieuse visite. On raconte en effet que lorsqu’il butait sur une difficulté théologique, il posait sa bonne tête rondouillarde contre le tabernacle, et, en versant d’abondantes larmes, il suppliait Jésus en ces termes : « Seigneur, comment ce mystère est-il possible? »
Que cherchait S. Thomas en se conduisant de la sorte ? Pas la réussite aux examens, car il était déjà professeur, et du reste, il n’avait jamais eu de difficulté à les passer. Non, ce qu’il demandait, c’était tout simplement la vérité. Frère Thomas avait beau être l’un des plus grands génies que la terre ait porté, il savait qu’on ne peut pas trouver la vérité tout seul. Il savait bien que le plus sûr moyen de l’obtenir, c’était de la quémander auprès de celui qui se trouve dans le tabernacle sous les apparences d’un morceau de pain: Jésus Christ, la Vérité en Personne.

La vérité ? Dans ce monde qui pense être parvenu à l’âge de la post-vérité, cette requête obstinée de S. Thomas pourrait paraître bien naïve. Il est désormais bien entendu, n’est-ce pas, que toutes les opinions se valent. Toutes les opinions se valent ? A priori, la formule fait preuve de la plus grande tolérance : chacun est libre de penser ce qu’il veut ! En fait, prétendre qu’il n’y a pas de vérité prépare le terrain aux grands manipulateurs de l’opinion. S’il n’y a pas de vérité, si toutes les opinions se valent, la raison du plus fort, du plus astucieux ou du plus séducteur paraîtra toujours la meilleure. S’il n’y pas de vérité, rien ne peut protéger de l’asservissement du mensonge.

« La vérité vous rendra libres », dit Jésus (Jn 8,32). Mais qu’est ce que la vérité ? Et en quoi peut-elle nous rendre libres ? Une formule toute simple, de S. Thomas, peut nous mettre sur la voie : « la vérité, dit-il, c’est l’adéquation de l’intelligence aux choses ». Autrement dit, on est dans le vrai quand ce que l’on pense au sujet de quelque chose est conforme à ce que cette chose est en elle-même. Ça a l’air tout bête, mais c’est l’une des clefs de la liberté.
Par exemple, si je suis dans l’erreur quant au lieu où je veux me rendre, je n’aurai pas le pouvoir, je n’aurai pas la liberté d’y arriver.
Autre exemple : si je ne connais pas les dangers auxquels mon existence est exposée, je n’aurai pas la liberté d’échapper aux pièges du chemin.
Encore un exemple : si je ne sais pas qui je suis, je risque fort de devenir esclave de mes impulsions, de mes émotions, de mes illusions.
Dernier exemple : si je ne connais pas les diverses options qui se proposent à moi, je n’aurais pas la liberté de choisir la meilleure.
Savoir où l’on va, savoir ce que l’on peut faire, connaître les dangers de la vie, mais aussi connaître en vérité les formidables opportunités que nous offrent la vie… et Dieu: voilà l’indispensable pour être vraiment libre. Plus facile de le dire que d’y parvenir, nous en sommes bien d’accord. Mais enfin, c’est le minimum pour réussir sa vie. Reste à savoir de quel appui nous disposons pour y accéder.

Pourquoi le nier ? En ce domaine, le chrétien dispose d’avantages considérables. Comme le dit S. Thomas, en effet, Dieu a donné à l’intelligence de l’homme deux livres pour parvenir à la vérité : le livre de la création, et le livre de sa parole.

Dieu nous a donné d’abord le livre de la création. En le lisant, notre intelligence peut déjà entrevoir quelque chose de la splendeur, de la vérité de Dieu. Mais pour y parvenir, chacun doit cultiver l’étonnement admiratif face au monde qui l’entoure. Considérez par exemple les atomes et les cellules dont sont faits les vivants. Comme cela est bien fait, comme cela fonctionne intelligemment une cellule vivante! Et l’être humain, donc ! Malgré tous ses défauts – et Dieu sait qu’il en a –, c’est tout de même bien pensé, l’être humain ! Considérez les prouesses dont il est capable, dans le domaine de la technique, dans le domaine de l’art. Considérez plus encore jusqu’où peut aller son ingéniosité lorsqu’il est porté par le désir d’aider ses semblables, ou de les secourir. Voilà déjà quelque chose qui vous donne une certaine idée Dieu
Mais bien sûr, le monde est loin d’être parfait ! Quant à l’homme, nous ne le savons que trop : lorsqu’il chasse le Créateur pour prendre sa place, il ne tarde pas à devenir  la plus malfaisante bestiole qui ait jamais infesté la terre.

Et c’est pour cela que Dieu nous a donné un second livre : celui des Saintes Écritures.
Les Saintes Écritures – autrement dit la Bible – : on pourrait déjà dire qu’elles nous donnent la notice du fabricant. Dans la Bible, Dieu nous explique pourquoi il a créé l’homme, et comment utiliser intelligemment les ressources qu’il lui a données pour réussir son existence. Mais les Saintes Écritures, c’est bien plus qu’un mode d’emploi de la vie humaine : elles nous livrent le secret de Dieu lui-même.
On raconte que lorsqu’il n’était encore qu’un tout jeune enfant, Thomas posa cette grave question à des moines stupéfaits : « qu’est-ce que Dieu ?». Cette question n’a cessé de l’habiter tout au long de son existence. Très tôt, il a su qu’il trouverait la réponse en scrutant les Écritures. Mais ce que disent les Saintes Écritures, ce n’est pas si facile que cela à comprendre. Aussi a-t-il recouru à toutes les ressources dont on pouvait disposer alors : non seulement les Pères de l’Église, mais la philosophie, même celle de ce païen d’Aristote, même celle de philosophes musulmans !
Ne croyez pas que cette quête inlassable de la vérité sur Dieu procédait de la curiosité indiscrète d’un surdoué avide d’accumuler des connaissances. Non, mais Frère Thomas savait qu’on aime d’autant plus quelqu’un qu’on le connaît mieux. Et c’est pour cela que ce grand affectif, extérieurement impassible, versait d’abondantes larmes sur le tabernacle. S’il mendiait au Seigneur la moindre parcelle de sa vérité, c’était afin de mieux l’aimer ; mais c’était aussi pour inciter ses étudiants à mieux aimer le Seigneur.
Car voyez-vous, lorsque cette drôle de bestiole qu’est la créature humaine se met à aimer Dieu en vérité, elle devient tellement attachante !

Fr. Thierry-Marie Hamonic


Une prière de S. Thomas que l’on peut dire en période d’examens… et même en toutes circonstances:
 
« Accorde-moi, je t’en prie,
une intelligence qui te connaisse,
une volonté qui te recherche,
une sagesse qui te trouve,
une vie qui te plaît,
une persévérance qui t’attend avec patience
et une confiance qui parvienne à la fin à te posséder! »

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