« Il n’est pas ici, il est ressuscité ! »

3 avril 2021
Vigile pascale
Gn 1,1-2,2 ; Gn 22,1…18 ; Ex 14,15-15,1a ; Is 54,5-14 ; Is 55,1-11 ;
Ba 3,9…4,4 ; Ez 36,16…28 ; Rm 6,3-11 ; Mc 16,1-8
Homélie du frère Arnaud Blunat

Les femmes au tombeau – Fra Angelico, fresque, v. 1440 – Florence, couvent San Marco

Quelle déception ! Oui, quelle déception, en entendant ce récit de l’évangile de Marc. La nouvelle de la résurrection de Jésus confiée à trois femmes effrayées et toutes tremblantes !

Après avoir entendu l’extraordinaire évocation de la création, après avoir été entrainés dans la fabuleuse traversée de la Mer Rouge, après cette invitation du prophète Isaïe à venir nous régaler des viandes savoureuses, nous sommes quelque peu déconcertés par ce récit minimaliste.

La résurrection de Jésus n’a pas été cette explosion de lumière que certains imaginent, plus forte qu’une irradiation nucléaire. La résurrection n’est même pas le pendant de la crucifixion avec le tremblement de terre, le déchirement du voile du temple, les cris, la confusion.

Non, la résurrection de Jésus s’est faite sans bruit, sans témoin. Il y a juste ce jeune homme en blanc assis sur le rebord qui désigne la place vide, en disant simplement : « il n’est pas ici, il est ressuscité », façon de dire : Circulez, il n’y a rien à voir. En revanche, il vous attend en Galilée. Allez le dire à Pierre et aux disciples !

D’après ce que dit Marc, les femmes sont tellement terrorisées qu’elles n’osent rien dire. Même Marie Madeleine, à qui Jésus va apparaitre, n’a pas été crue. Les disciples sont tous dans le déni, dans le refus de croire. Bref, l’évangile apparait comme un fiasco. Et le texte n’est pas à la gloire des disciples.

Mais alors, la résurrection, c’est quoi, si personne n’y croit ?

La résurrection, c’est un envoi en mission : « allez dans le monde entier, proclamez l’évangile à toute la création ». Jésus ressuscité, Jésus vivant, ne demande pas qu’on croie à sa résurrection, mais qu’on croie à son évangile. Il nous envoie pour proclamer ce qu’il a fait. Il nous envoie pour dire que c’est lui le Vivant.

L’événement de la résurrection en lui-même demeure incompréhensible à nos intelligences. Mais ce qui est sûr, c’est que Jésus est avec nous pour vivre cette aventure, car c’est lui qui fait de nous des vivants, si nous le suivons, et si nous croyons en Lui.

Mais, revenons à notre passage d’évangile, car il nous réserve quelques surprises :

Il nous dit en effet que ces femmes sont venues avec des parfums qu’elles sont allées acheter.

Par ailleurs, elles se posent la question de savoir comment elles vont pouvoir entrer dans le tombeau.

Voilà bien qui est extraordinaire. Ces femmes qui ont suivi Jésus sur les routes, qui ont entendu ses paroles, qui ont vu tant de guérisons de boiteux, de sourds, d’aveugles, les voilà enfermées dans la mort, tournées vers le passé, paralysées par la peur. Elles sont devenues sourdes à la parole de Vie dont elles ont bouché la source. Leur cœur s’est refermé, il est désormais vide comme le tombeau, sec comme le désert, anesthésié par des interrogations qui sont des impasses. Ces femmes sont devenues incapables de s’ouvrir au mystère de la Vie qui fait éclater la mort. « Il n’est pas ici, il est ressuscité ! »

Du coup, ces femmes ne sont-elles pas en fait des témoins providentiels ? Car elles sont le miroir de nos propres difficultés à croire l’incroyable, à penser l’impensable. Elles sont le reflet de nos hésitations et de nos lenteurs à nous laisser rejoindre par la Parole de Dieu. Car sans la lumière de la foi, sans l’aide de la grâce, il est en effet illusoire de se dire croyant. Sans la foi, la résurrection est un message vide.

Or c’est précisément, comme par inversion, le tombeau vide qui ouvre une faille, une brèche, par laquelle la lumière peut s’infiltrer. Oui, de la mort jaillit la Vie. Oui, nous sommes bel et bien morts si nous restons enfermés dans nos tombeaux, si nous demeurons dans l’illusion de vivre, si nous restons recroquevillés dans nos peurs. Mais si nous acceptons de voir, dans l’opacité de nos tombeaux, cette lumière poindre, surgir, alors il se passe quelque chose de radicalement nouveau.

Comme le dit bien Saint Paul, si avec le Christ, nous avons été mis au tombeau, c’est pour que nous mourions au péché afin de mener une vie nouvelle. Il nous faut donc passer par la mort, la mort à nous-mêmes, pour renaître dans la lumière du Christ, et ainsi vivre pour Dieu.

Bref, l’expérience des femmes au tombeau est révélatrice de nos comportements humains, nos habitudes invétérées, nos peurs de perdre ce que nous pensons avoir et ce que nous pensons être. Elle éclaire en creux ce chemin que nous avons à faire en allant à leur suite en Galilée pour témoigner de ce que nous avons vu et entendu.

La crise actuelle qui dure depuis maintenant plus d’un an est intéressante parce qu’elle révèle derrière la peur de mourir une autre peur : celle de vivre, vivre en Dieu et pour Dieu. La peur d’aller au delà des discours déprimants pour chercher une nouvelle manière de vivre, adopter un comportement nouveau, pour inviter à l’espérance, ouvrir à la joie.

Si Jésus est ressuscité, n’est-ce pas pour que nous aussi nous ressuscitions avec lui ?

Alors vivons dès à présent avec lui, afin de participer à la plénitude de sa Vie dans la Résurrection !

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