Incarnation et résurrection de la chair… de Fr Jorel François.

Incarnation du Christ: La Nativité – Georges de La Tour-1644.

Mystère de l'incarnation du Christ

Lc 24, 35-48

« Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi !
Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os. »

 

Homélie dominicale de Fr Jorel François: Incarnation et résurrection de la chair…

Version phonique:

Version écrite:

Incarnation et résurrection.

Les disciples étaient terrifiés, car ils pensaient qu’il s’agissait d’un fantôme (Lc 24, 37)

    Sœurs et frères, un récit tel que nous venons de l’écouter peut à bien des égards choquer nos oreilles modernes. En effet, qu’est-ce que c’est que cette histoire d’un homme mort revenu à la vie et qui apparait aux vivants, et qui demande à manger? Les disciples ne sont-ils pas tout aussi modernes, n’ont-ils pas bien raison d’être surpris, troublés, choqués?

    Faut-il pourtant, sœurs et frères, le rappeler? L’idée de résurrection n’est pas spécifiquement chrétienne, elle n’est pas du tout, au moins d’une certaine façon, une invention du christianisme. Dans le judaïsme, les pharisiens croyaient déjà en une possible résurrection des morts. On peut d’ailleurs en trouver des analogies dans des milieux encore plus anciens : chez les Égyptiens comme chez les Grecs anciens par exemple.

    Chez les Grecs, encore moins que chez les Égyptiens, on pensait qu’à la mort, l’âme du défunt se transformait en une sorte de spectre, de fantôme pour revenir hanter les vivants. Cette vision participe de la perspective dualiste de l’humain, très présente dans la mentalité grecque mais plutôt étrangère au monde juif.

    Dans l’univers grec, on avait d’un côté l’âme, l’esprit, de l’autre le corps, le tombeau de l’âme. À la mort, l’âme se libère de ce tombeau qui l’emprisonnait, se désolidarise du corps qui l’alourdissait et qui la tenait captive.

    Depuis les conquêtes d’Alexandre le Grand, la culture grecque a beaucoup influencé le bassin méditerranéen, et même au-delà. Et c’est encore le cas, à l’époque de l’émergence du christianisme. Ce que rapporte l’évangile d’aujourd’hui (Lc 24, 35-48) par rapport à l’attitude des disciples face à l’apparition de Jésus, c’est-à-dire face à leur expérience de la présence mystérieuse du Crucifié revenu à la vie, montre qu’ils participent d’une certaine manière de cette anthropologie dualiste contestée par le Christ ressuscité : regardez mes mains et mes pieds, regardez la marque des clous… J’étais mort, mais je suis revenu à la vie. J’ai un corps glorieux qui n’a cependant pas cessé d’être mon propre corps, ce corps dans lequel j’ai vécu parmi vous, et sillonné les routes des hommes. Voulez-vous en avoir le cœur net ?

    Donnez-moi à manger… oui je peux pour ainsi dire manger… parce que je suis encore mon corps, je suis encore ce corps que vous avez connu, et vous pouvez le toucher. Non, je ne suis pas un spectre, un fantôme comme vous le croyez !

    Autant dire hommes et femmes appelés à ressusciter, notre corps, lieu de nos expériences humaines, spirituelles, est à respecter. Compagnon de notre être profond, de notre âme comme nous disons, le corps est appelé à une certaine éternité, il est appelé à transcender la mort.

       Le christianisme est bien l’unique religion à professer la foi en la résurrection de la chair.

     Sœurs et frères, qu’il y eut des analogies de la résurrection dans certaines cultures anciennes, cela est certain. Mais tel que nous venons d’en parler, tel que nous venons de le montrer, le christianisme est bien l’unique religion à professer la foi en la résurrection de la chair. Et cela, très probablement parce qu’il est la religion de l’incarnation. Le christianisme est la religion qui assume la réalité de la chair, il est la religion qui prend la chair au sérieux, qui lui donne sa place, toute sa place, qui lui donne tout son poids.

    « Le christianisme […] est la religion de l’incarnation et de la résurrection de la chair » (Olivier Clément). C’est d’ailleurs ce que nous affirmons ensemble quand nous récitons le credo. Notre corps de souffrances et de misères mais aussi, et pourquoi pas, d’émerveillement et de joie, est destiné à l’immortalité. Il est notre ami d’aujourd’hui, de demain, de toujours. Le christianisme n’est donc pas une religion de la méprise du corps. La foi chrétienne n’est pas un dualisme ou un avatar de l’orphisme; les chrétiens ne sont pas des manichéens.

    « Quand je regarde un corps humain, cet outil unique qu’est chaque individu, alors, je crois en Dieu » (Marc Gentilini).

     Mais demandons à Dieu de venir en aide à notre foi, demandons lui de nous augmenter la foi dans le mystère de la résurrection de son Fils, gage, prophétie de notre propre résurrection. Amen.

Fr Jorel François op.

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