« Je suis la Porte »

30 avril 2023 – 4è dimanche de Pâques, année A
Ac 2, 14a.36-41 ; Ps 22 (23) ; 1 P 1,20b-25 ; Jn 10,1-10
Homélie du frère Arnaud Blunat



Manifestement, le discours de Jésus se situe dans un contexte tendu, quelque peu polémique. Les pharisiens à qui il s’adresse dans un langage qu’on pourrait qualifier d’imagé, de parabolique, ne semblent pas comprendre. Jésus parle à des hommes qui sont censés donner l’exemple. Les pharisiens sont des juifs observants qui prétendent vivre la loi intégralement. Mais tous ne sont pas des modèles de vertu.
Dans l’enclos des brebis peuvent s’introduire des gens malfaisants, que Jésus qualifie de bandits, de voleurs. Ils escaladent les murs plutôt que de passer par la porte.
Jésus, lui, prétend être la porte par laquelle passent les brebis. Il serait donc le vrai, le seul vrai berger du troupeau d’Israël ? On peut dès lors saisir l’incompréhension des pharisiens. Ce Galiléen serait donc le nouveau Moïse, le Messie de Dieu ?
Jésus laisse entendre qu’avant lui se sont levés de faux prophètes, des voleurs, des bandits. Peut-être désigne-t-il ces responsables religieux qui ont usé et abusé de leur pouvoir, ou encore ceux qui ont cherché d’abord leur profit personnel, ou encore ceux qui pensaient être envoyés par Dieu pour guider le peuple.
Dans le contexte de l’évangile de S. Jean, écrit vers la fin du premier siècle, cette attaque pourrait viser de mauvais pasteurs qui se seraient introduits dans les communautés chrétiennes. Si c’est effectivement cela, nous savons qu’à toutes les époques, l’Église a hélas compté de mauvais bergers, qui ont abusé de leur pouvoir, se sont mal comporté envers les fidèles, jusqu’à aujourd’hui.

Parmi les images que Jésus utilise pour dire qui il est, la porte est peut-être la plus évocatrice. Une porte est indispensable pour protéger une maison. Il n’est pas rare qu’elle soit blindée, équipée d’un système d’alarme, de grilles, de verrous. Dans notre monde violent, où tout peut se produire, personne de quitte sa maison sans s’être assuré d’avoir bien fermé sa porte.

Mais Jésus n’est pas une porte blindée, verrouillée, il est une porte qui permet de passer, de sortir, d’entrer, de circuler librement. Jésus est le chemin qui conduit vers le Père. Il est le chemin, la vérité, la vie.

Or comme le dit la lettre de S. Pierre, il est notre berger, le gardien de nos âmes. Notre vie passe immanquablement par lui, depuis le jour de notre baptême. Il est notre meilleure assurance, parce qu’il a pour nous donné sa vie. Il nous a sauvés de la mort éternelle, il a pris sur lui nos souffrances, nos blessures, et il nous a ouvert le chemin du royaume.
En lui nous pouvons mettre toute notre confiance, car il nous connaît personnellement, infiniment mieux que nous mêmes. Il connaît les épreuves que nous traversons, il sait par où nous faire passer pour éviter les ravins de la mort, comme le dit le psaume 22. Nous trouvons en lui notre repos, car auprès de lui nous ne manquons de rien. Par lui, nous avons reçu le don du Saint Esprit et tous les dons nécessaires pour avancer sur le chemin de la justice. Enfin, nous avons tout reçu, mais nous n’avons jamais fini d’accueillir ce qu’il veut nous donner, cette vie en abondance, en surabondance dont il veut nous combler.

Ce qu’il est important de souligner en ce jour, c’est que Jésus a voulu faire un don, un cadeau à son Église, aux hommes qu’il est venu rassembler. Ce cadeau, ce sont ceux qu’il appelle à sa suite, à la suite des apôtres, pour accomplir son œuvre dans le cœur des hommes. Ce cadeau, vous le savez, ce sont les consacrés, en particulier les prêtres, parce qu’ils participent directement de son sacerdoce. De ces prêtres, il attend beaucoup, il exige un don total, un sacrifice qu’il est à vue humaine impossible de mesurer et de sonder.

Les prêtres de Jésus Christ sont envoyés pour faciliter l’accès vers le Christ. Ils sont destinés à être des portiers, des relais, des ponts, des canaux, des médiateurs.

Leur mission les oblige à être d’abord en relation étroite avec le Christ, à être profondément unis à lui, car c’est à lui et non pas à eux qu’ils conduisent les hommes. En se nourrissant de la parole qu’ils sont appelés à proclamer, ils reflètent le visage du Dieu qui a pris chair, qui s’est fait homme en Jésus. Ministres des sacrements, ils n’œuvrent pas seuls mais aux côtés des autres ministres ordonnés, au service de l’ensemble du peuple de Dieu, en, lien avec l’ensemble du peuple de Dieu, au contact des hommes et des femmes du monde, de la société, dans sa pluralité.

Au fil des années, ils sont transformés au contact des réalités humaines les plus diverses.
Oserai-je vous témoigner de tout ce que j’ai moi-même reçu et appris durant ces 30 années de ministère sacerdotal, de ce que mon humanité doit à ses rencontres, à ces expériences de vie si variées, de ce que j’ai appris de mes insuffisances, de mes échecs, de mes limites, de mes maladresses ?

En ce dimanche de prière pour les vocations, comment ne pas vous encourager à prier pour que les prêtres ne cessent d’être d’abord à l’écoute du Christ bon berger à travers ceux et celles que le Christ met sur son chemin. Comment ne pas vous encourager à accueillir les prêtres, tous les prêtres, tels qu’ils sont, dans leur extrême diversité, avec leurs richesses, leurs charismes, l’idéal qu’ils portent, la foi qui les anime, de prier pour eux jour après jour, car leur mission est difficile, exigeante, fatigante, parfois usante, vécue le plus souvent au milieu de beaucoup d’indifférence, de dépréciation, de méfiance. Certes, les communautés chrétiennes dans leur ensemble leur manifestent une grande reconnaissance et s’efforcent de croire que le Christ agit vraiment au plus profond d’eux, malgré leurs limites et la part de péché qu’ils portent.

Oserai-je vous demander de croire encore que Dieu peut susciter réellement un élan de don total et de générosité dans le cœur de jeunes hommes pour répondre à son appel et se mettre au service du peuple de Dieu ?

Un frère dominicain, il y a déjà bien des années, avait suggéré à ceux qui prient régulièrement le chapelet de ne pas hésiter à ajouter une dizaine supplémentaire pour les vocations. Dans la liste d’intentions que vous avez peut-être avec vous dans votre prière quotidienne, pourquoi ne pas inclure les prêtres et tous ceux que le Seigneur souhaite appeler à sa suite ?

Quand bien même notre Église aura encore à subir les méfaits de prêtres indignes, devrait-elle pour autant défier le Christ qui a pris le risque d’appeler des pécheurs à sa suite ?
Ne perdons jamais de vue, et gardons au plus profond de nous, que le Christ est venu pour nous rendre libres et nous donner la vie en abondance. Voilà pourquoi il appelle chacun à écouter sa voix, et avancer dans une confiance inébranlable, car en toute assurance nous pouvons faire nôtres les paroles de l’apôtre Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jn 6,68)

Une réponse à “« Je suis la Porte »”

  1. Enfin une homélie où le prédicateur ne se croit pas  » obligé de s ‘ agenouiller devant le monde  » , une homélie dont le prédicateur n ‘ a pas pour souci le  » qu ‘ en dira le monde ? ‘ .
    Grand merci pour cette homélie qui nous apprend enfin quelque chose : elle nourrit notre méditation biblique , notre vie spirituelle , notre prière , notre oraison , notre contemplation .
    Comme les pèlerins d ‘ Emmaüs ( cf St Luc ) nous pourrions dire :  » Notre coeur n ‘ était – il pas tout brûlant …?  » .
    Merci , cher frère , vous n ‘ avez pas parlé pour rien !

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