La nouvelle alliance… de Fr Jorel François.

La nouvelle alliance

Notre Dame du Saint Sacrement.

Mc 14, 12-16. 22-26

 » Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance,
versé pour la multitude ».

Homélie dominicale de Fr Jorel François: La nouvelle alliance…

Version phonique:

Version écrite:

La nouvelle alliance…

    Mon corps est vraie nourriture, mon sang, vraie boisson. ( Ex 24, 3-8 ; He 9, 11-15 ; Mc 14, 12-16. 22-26 ).

   La première lecture proposée pour ce dimanche de la fête du Corps et du Sang du Christ nous présente un décor sur le fond duquel se dessine l’alliance fondatrice d’Israël comme peuple. Imaginons quelque peu la scène. D’un côté le Sinaï et l’autel probablement fait de bois, et des pierres dressées, symbolique de la présence des douze tribus. De l’autre côté Moïse, l’intermédiaire entre Dieu, invisible, et le peuple. Puis des jeunes garçons pris dans le peuple, des animaux, le (les) couteau(x) et le feu bien sûr – puisqu’il est question d’holocauste.

   Le sang a giclé. Le sang a coulé sur l’autel préalablement dressé. Moïse en aspergea le peuple, offrant ainsi un sacrifice d’expiation. Et du même coup, il scella une alliance entre Dieu et ce peuple qui vient de naître au pied du Sinaï par le fait même de ce sacrifice offert. Par le fait même de cette liturgie. La liturgie de l’alliance, la liturgie de toute alliance où il était question de vie ou de mort dans le Moyen-Orient de ces temps-là.

   Des hommes de la famille d’Aaron de la tribu de Lévi se chargent de perpétuer le geste du sang versé, de le répéter. Et il faudra pour cela un cadre, un temple fait de mains d’hommes, pour actualiser l’alliance, pour faire mémoire de cet accord passé entre Dieu et le peuple. Ce mémorial est la condition de la pérennité de la constitution même de ce peuple en tant que peuple. Il est la condition de sa liberté, s’il est vrai qu’il ne veut pas revenir en Égypte et retomber dans sa vie d’esclaves. La liberté a un prix, et c’est souvent le prix du sang.

   La deuxième lecture présente un autre décor. Semblable au premier à la vérité, mais en même temps différent. L’aspect «ressemblance» est en continuité avec le premier sacrifice ; l’aspect «différence» témoigne d’une certaine rupture, d’une certaine nouveauté, radicale même.

   D’un côté un homme, on eut dit Moïse ; du sang versé, une alliance nouvelle à mettre en place. De l’autre côté, force est de remarquer l’absence d’animaux ; et il n’y a pas non plus d’aspersion proprement dite. Parce qu’il n’y a sans doute pas de peuple, ou plutôt parce que le peuple est encore à naître dans la symbolique des douze, comprendre les douze apôtres, qui ne sont même pas nommés. Et en arrière-plan de la scène : le Golgotha et l’autel de la croix.

   S’il est question de temple, il ne s’agit pas d’une construction faite de mains d’hommes. Il n’est pas question de liturgie ritualisée mais de culte spirituel. Il est question de conscience, il est question de l’Esprit, éternel, de libération définitive et d’alliance nouvelle.

   L’homme dont il s’agit, c’est bien sûr Jésus, le Christ, et donc le Messie, l’Oint de Dieu; celui en qui Dieu met toute sa complaisance. Il s’agit donc d’un homme bien supérieur à Moise : il est à lui seul, le Temple, le Grand-Prêtre et l’Offrande pour le sacrifice. Sacrifice, qui ne répète pas à l’identique celui de l’ancienne alliance, sacrifice qui n’a alors pas besoin d’être réitéré. Si tel n’était pas le cas, les prêtres de la nouvelle alliance, à commencer par les apôtres, seraient obligés de procéder comme ceux de l’ancienne. Ils seraient obligés de faire couler le sang, et qui plus est non des animaux mais des humains…, le sang de leurs semblables, leur propre sang en quelque sorte.

   Le sacrifice du Christ, nous rappelle l’écrivain biblique, met fin aux sacrifices du sang versé. Et en lieu et place de la chair des animaux, il met sa propre chair, et c’est déjà le cas dans la symbolique du pain. En lieu et place du sang des boucs et des taureaux et des agneaux, il met son propre sang déjà symbolisé dans le vin. Son sacrifice est unique, faite une fois pour toutes (ephapax cf. He 9, 12), sacrifice parfait, offrande de bonne odeur, agréable à Dieu.

   « Prenez, ceci est mon corps, ceci est mon sang », nous redit l’Évangile selon Saint Marc… Pain consacré, corps du Christ. Vin consacré, sang du Christ. Ce n’est donc vraiment plus le sang et la chair des boucs ni des taureaux, mais le corps et le sang du Fils de l’Homme à travers la symbolique du pain et du vin.

   Offrande admirable. Sacrifice irremplaçable. Un sacrifice éternel qui rend caduc l’égorgement des agneaux comme des humains d’ailleurs ; sacrifice qui met fin à l’hécatombe des taureaux, à l’effusion du sang.

   Le Christ est le médiateur d’un autre type de sacrifice, il est le fondateur d’une alliance qui supplante l’ancienne. C’est cette nouvelle alliance supérieure à l’ancienne, que nous fêtons, chaque fois que nous célébrons l’eucharistie. C’est elle que nous célébrons en la fête du Corps et du Sang du Christ. Et cette célébration ne vient pas de notre seule initiative : elle vient d’un ordre émané de Jésus lui-même, le Grand Prêtre par excellence : « Prenez et mangez, prenez et buvez. Faites ceci en mémoire de moi ».

   Mon corps est vraie nourriture, mon sang, vraie boisson

   Sœurs et frères, Église, peuple de la nouvelle alliance, nous ne ferons plus couler le sang, nous ne boirons plus du sang des boucs ni des béliers, puisque nous sommes abreuvés dans le sang du Christ. Nous ne mangerons plus de la viande sacrifiée de taureaux ni d’agneaux : le corps du Christ est vraie nourriture, le sang du Christ, vraie boisson. Le pain que nous rompons est Corps du Christ, le vin que nous buvons est Sang du Christ.

   Puisse le Dieu de miséricorde augmenter en nous la foi, nous ajuster à ce mystère que nous célébrons et nous rende dignes de communier avec nos frères les saints aux festins du Royaume. Amen.

Fr Jorel François op.

Lien avec la décoration florale du jour: La Rencontre…