15 novembre 2020
33è dimanche du temps ordinaire, année A
Pr 31,10…31 ; Ps 127 ; 1 Th 5,1-6 ; Mt 25,14-30
Homélie du frère Joseph-Thomas Pini
Nous marchons, et plus précisément, nous montons à la rencontre du Seigneur. Alors que l’année liturgique s’achève et que s’approche, dimanche prochain, la solennité du Christ Roi de l’univers, nous montons vers la célébration de ce mystère d’accomplissement plénier du Royaume et du dessein de Dieu, et de récapitulation de toutes choses dans le Christ. Nous montons aussi vers notre propre rencontre finale avec le Christ, lorsque Dieu nous appellera à Lui et que nous paraîtrons en Sa présence visible. Nous montons vers l’Avènement final du Christ dans Sa gloire lorsque la fin des temps sera consommée. Chaque jour aussi, depuis la rencontre de notre âme et du Christ à notre baptême, nous montons, parce qu’Il nous ouvre ce chemin, vers notre rencontre personnelle avec le Seigneur, dans la familiarité quotidienne de notre vie dans le Christ, dans la Parole, dans nos frères, dans des moments de notre existence où le saut de la foi et l’élan de la charité se font plus nécessaires et pressants. Et dans notre marche, trois questions nous accompagnent : quand et où viendra-t-Il ? suis-je prêt(e) ? que puis-je et que dois-je faire ? La réponse aux deux premières ne nous est pas accessible. Mais les indications que le Seigneur nous donne, à travers les lectures d’Évangile de ces derniers dimanches, nous confirment aussi qu’Il ne nous abandonne pas dans nos interrogations. La parabole des talents, que nous venons d’entendre, vient donc à point nommé sur notre parcours et dans le chapitre 25 de l’Évangile de Matthieu, et sa leçon, précieuse pour chaque jour, est aussi un enseignement pour la rencontre avec Dieu, tel qu’Il S’est révélé en Jésus Christ. C’est incontestablement de Lui qu’il s’agit dans le récit : le maître, celui qui a distribué Ses biens, qui part et revient bien plus tard en demandant compte de la gestion, c’est Lui. Et la parabole nous fait progresser dans la connaissance de Dieu.
La connaissance du Dieu vivant et bon. Ces biens distribués, ce trésor attribué, ce ne sont les biens matériels et terrestres, qu’Il a donnés à tous les hommes en leur confiant aussi le soin de déterminer comment se les répartir et en user en considération de leur origine et de leur fin, selon la loi de Son amour. Et, en ce dimanche où l’Église se veut plus attentive à la communion de prière avec les plus pauvres et pour eux, il est bon de se souvenir que la création matérielle a été attribuée à tous et qu’il faudra aussi rendre compte de son usage. Ces talents distribués, ce sont les biens spirituels et célestes de Sa grâce, ceux-là qu’Il donne personnellement et souverainement, et qui échappent aux lois des biens matériels, comme nous le rappelait, dimanche dernier, l’image de l’huile dans la lampe des jeunes filles. Ce genre de bien, parce qu’il est cette part de la vie de Dieu adaptée à notre nature, qui nous unit plus à Lui en nous élevant et nous transformant, est donné pour du fruit, et ne doit pas être enfoui ni laissé en sommeil. La vie de Dieu n’est pas donnée comme un accessoire, un ustensile, un cadeau encombrant, une option superflue. Elle l’est pour que Dieu nous retrouve en Lui et pour Lui. Lorsqu’elle n’aura pas porté son fruit, quelque chose manquera donc dans notre relation d’amour vivant avec le Seigneur, nous privant alors de la plus grande récompense promise, le moment venu, comme attachée aux fruits et à l’œuvre de la grâce faite pour nous rendre saints.
La connaissance du Dieu juste. Juste d’une justice qui n’est assurément pas celle de la terre, qui devrait pourtant la refléter autant que possible et contribuer à nous conduire à Dieu. Car le traitement réservé par le maître à celui qui n’a reçu qu’un talent peut nous troubler : moins capable, et ayant reçu peu, le voilà non seulement durement traité en apparence, mais encore privé de son don au profit de celui qui a le plus ! Mais Dieu ne regarde ni n’agit ainsi, d’autant que les fruits des talents de grâce, c’est aussi Lui qui les donne en donnant ce qu’il faut pour en user et jouir comme il convient. Toute capacité à faire vivre la grâce doit permettre qu’elle porte du fruit : c’est à cela que les vertus, l’habileté à bien agir dans tous les domaines, peuvent et doivent servir. Il n’est pas injuste qu’ils ne soient pas de même ampleur pour chacun. Mais il est juste que celui qui a reçu beaucoup donne beaucoup de fruit. En tout cela, Dieu a disposé un ordre pour Son dessein d’amour et de vie. Celui qui le méconnaît ne sera finalement traité, comme le serviteur passif, qu’à la mesure de sa manière d’accueillir tous les dons et capacités venant de Dieu. S’il y voit le calcul d’un maître sévère, et une chose à thésauriser, il lui manquera la relation d’amour et de confiance qui a été à l’origine du don premier et qui anime le don en retour, ce seul vrai compte à rendre au retour du Maître, et la mesure de Sa justice.
Cela paraît clair, mais rude aussi, car nous ne savons que trop notre faiblesse, et, si Dieu est simple et sans incertitude ni mélange, notre existence humaine est complexe. Or, dans notre connaissance grandissante de Dieu, c’est ici aussi le lieu de la rencontre de Sa miséricorde. Le chemin nous est ouvert par le Christ, Lui dont la vie et l’offrande portent en perfection leur fruit pour l’humanité et à la gloire de Dieu, Lui dont la sève fait vivre et fructifier les sarments que nous sommes. Il est également le compagnon et le guide de notre chemin. La femme modèle de notre première lecture, ce portrait d’épouse, de mère et de maîtresse de maison sans défaut que dresse le livre des Proverbes, l’auditeur et le lecteur dans la foi y reconnaissent depuis longtemps la personnification de la Sagesse divine : un modèle et une règle, mais surtout une compagne de vie. C’est liée à elle, connaissance aimante de Dieu, que notre existence en route porte ses fruits. C’est notre union à elle qui constitue notre vrai bien à chérir et conserver : notre amitié avec Dieu.