Le fils prodigue et le fils aîné. 4ème Dimanche de Carême.

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Lc 15, 1-3. 11-32

« Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie » .

1. Homélie dominicale de fr Arnaud Blunat. (version phonique)

2. Homélie dominicale de fr Arnaud Blunat. (texte)

Les deux Fils

« Un homme avait deux fils »… Voici une histoire qui commence comme tant d’autres histoires. Car les deux fils ne se ressemblent évidemment pas. Comme Caïn et Abel, Isaac et Ismaël, Jacob et Esaü… car s’ils avaient été pareils, il n’y aurait pas d’histoire ! De même si vos enfants étaient pareils, il n’y aurait pas de vie de famille. Imaginez une communauté religieuse où tout le monde serait pareil… Dieu n’aime pas nos schémas figés d’avance, nos volontés d’uniformité.

Le plus jeune de ces deux fils fait une demande insensée : il demande sa part d’héritage, et tout de suite ! Tout père sensé aurait répondu : « tu déraisonnes, mon fils, retourne à ton travail ». Mais ici, c’est tout le contraire : le père accède à la demande de son fils, il partage l’héritage, et nous connaissons la suite… Le père ne semble rien regretter, mais il se tient dès lors à l’extérieur, sur le seuil de la maison, et il attend le retour de son enfant bien aimé.

Le fils insensé, fils rebelle, indigne, perdu, ou comme on voudra… a tout dilapidé. Il n’a plus rien, pas même de quoi se nourrir ! Quoiqu’éloigné, il se souvient du passé, de l’époque où il avait tout pour être heureux. Mais à ce moment, pouvait-il s’en rendre compte ? Sur le chemin du retour, le voilà qui prépare ce qu’il va dire, supposant, à tort, une réaction de son père indigné. Il aurait pu s’attendre à une colère bien justifiée, un châtiment exemplaire. Mais pouvait-il imaginer un tel débordement de joie et de tendresse, tant d’affection et de sollicitude ?

L’attitude si déconcertante du père suscite la révolte du fils ainé. Cette démesure est inacceptable, intolérable, indécente ! Mais au fond, on peut se poser la question : que ce soit le fils cadet ou le fils ainé, connaissaient-ils vraiment leur père ? Et si le fils cadet était sagement resté à la maison ?… Le départ et le retour de ce fils illustre plusieurs niveaux ce que nous sommes nous-mêmes :

1. Nous éprouvons tous le besoin d’expérimenter le monde par nous-mêmes. Notre péché procède de ce besoin d’indépendance mais aussi de notre difficulté à revenir vers de Dieu qui nous a été présenté, de telle sorte que nous ne pouvions pas y adhérer.

2. Nous ne pouvons vraiment connaitre Dieu que parce que lui-même est sorti pour venir vers nous et parce qu’il est parti à notre recherche.

3. Nous ne nous connaissons vraiment qu’au travers d’une recherche de nous-mêmes et nous connaissons Dieu à travers une dure expérience de dépossession, de manque, mais aussi en nous confrontant au malheur.

En se découvrant intéressé, cupide, orgueilleux, centré sur lui-même, le fils cadet réalise que loin de son père, il est loin de lui-même, vivant dans la région de la dissemblance comme le dit Saint Augustin, alors que nous sommes faits pour la ressemblance, puisque nous avons été créé à son image.

La parabole du fils prodigue pourrait bien s’intituler la parabole du Père prodigue, ou du père improbable (du moins à nos yeux humains), un père qui se révèle en effet tel qu’on ne l’attendait pas. Prodigue en bonté, en générosité, en amour, toujours prêt à accueillir, à pardonner, à tout donner ! Dieu est un père plein de miséricorde qui nous aime infiniment, au-delà de toute mesure. Nos péchés nous tiennent souvent éloignés de lui, pleins de honte et de remords, mais ils ne tiennent pas en face de son amour et de sa tendresse.

Notre vie peut ressembler un temps à celle du fils prodigue mais il se pourrait aussi qu’elle ressemble à celle du fils ainé. Or le fils ainé est justement appelé à faire quotidiennement l’expérience qu’un amour donné à tout instant : « Tout ce qui est à moi est à toi ». Lui aussi a besoin de se convertir. Lui qui se croyait si proche est en réalité si lointain. Et le fils cadet, du fond de sa misère, restait néanmoins si proche dans le cœur de son père !

Le fils ainé ne voit que deux choses : le péché impardonnable de son frère et la rigueur impartiale de son père. Il ignore cependant deux choses : la souffrance et le repentir de son frère. L’amour inconditionnel de son père, qui voit bien plus loin que les limites de ses deux fils. Le fils ainé deviendra dès lors celui que le père va attendre patiemment.

Quel que soit notre péché, que nous soyons du côté du fils ainé ou du côté du cadet, tant que nous ne laissons pas rejoindre, et toucher par l’amour du père, prendre dans ses bras, tant que nous ne nous abandonnons pas, nous resterons avec nos péchés et la grâce, même accordée, ne produira pas son fruit. Suffirait-il de se confesser pour retrouver cette grâce, seul l’amour accueilli peut faire de nous les fils que le père espère.

« Un homme avait deux fils ». Tant que les deux ne sont pas réunis dans la maison, pour partager la joie du Père, celui-ci se tiendra là, inlassablement, toujours prêt à pardonner.

Frère Arnaud Blunat op

 

Psaume: Que je rende grâce à ton amour.

Offertoire: Ubi caritas et amor, Deus ibi est.

Communion: Vous tous qui êtes nés de l’eau et de l’Esprit…