Je commence par une confidence : mon père et ma mère ont déjà quitté ce monde. Je ne m’estime pourtant pas mieux placé pour parler de la mort. De cette réalité, nous n’avons aucune expérience. S’il est vrai qu’autour de nous nous voyons mourir des personnes humaines, à commencer par nos proches, et encore faut-il que nous y soyons et ayons le courage d’y assister, de pouvoir les accompagner dans cet ultime moment de leur vie, nous n’avons aucune expérience de la mort en elle-même. Et quant à ce que sont devenus nos défunts, nous n’avons que des conjectures, des espérances enracinées dans la foi. En même temps, nous savons tous que nous mourrons un jour.
Nous sommes donc tous concernés d’une façon ou d’une autre par cette réalité. À travers la mort de toute personne humaine et à plus forte raison à travers le départ d’un proche, c’est un peu notre propre départ que nous augurons, c’est un peu notre mort que nous vivons comme par procuration.
Dites-moi quelle idée faites-vous de ceux qui s’apprêtent à passer de l’autre côté, dites-moi comment sont traités les morts, quel regard nous avons sur ceux qui nous précèdent dans cette réalité, et je nous dirai l’image que nous avons de la vie, la conception que nous en faisons, les valeurs qui nous tiennent à cœur ou pas. La vie et la mort sont les deux faces d’une même médaille; avec ceci, comme le rappelle Épicure dans sa Lettre à Ménécée, quand l’une est là, l’autre n’est pas là. Mais en même temps, nous le voyons : c’est le vivant qui meurt; et face à ce constat l’homme est souvent désarmé, et cela depuis toujours, c’est-à-dire depuis qu’il a conscience d’être un être fait pour mourir.
Nous sommes en Mésopotamie, Gilgamesh, nous rapporte le mythe du même nom, voit mourir son ami Enkidou. Et pris de panique, il se met en route. Il ne veut pas finir comme son ami Enkidou. Il entreprend un long voyage pour trouver un remède contre la mort, obtenir quelque chose qui puisse le rendre immortel. Mais il est revenu déçu d’avoir appris que toute vie doive finir. La mort est inéluctable.
Grâce soit rendu à Dieu que nous, chrétiens, nous avons l’évangile qui nous apprend que Jésus, qui nous promet la vie éternelle, est mort et ressuscité. Nous pouvons alors, en lui, par-delà notre mort, espérer la vie éternelle; espérer pour nos morts et espérer pour nous-mêmes.
Les âmes des justes ne sont-elles pas dans la main de Dieu (Sg 3, 1) ?