Pentecôte dominicaine

23 mai 2021
Solennité de la Pentecôte, année B
Ac 2,1-11 ; Ps 103 ; Ga 5,16-25 ; Jn 15,26…16,15

Chaque année, le 24 mai, l’Ordre des Prêcheurs fait mémoire de la translation des reliques de saint Dominique : le 24 mai 1233, elles furent retirées du sol de l’église du couvent de Bologne, pour être placées dans un lieu plus digne de la même église. Cette année, en raison de la proximité des dates, nous avons commémoré cette fête en même temps que la Pentecôte.
L’année 2021 marque également le huitième centenaire de deux événements majeurs: la naissance au Ciel (Dies natalis) de saint Dominique, et la présence d’un couvent dominicain à Montpellier.

Homélie du frère Jean-Marc Gayraud

Saint Dominique au pied de la Croix – Fresque de Fra Angelico, XVè s. – Florence, Couvent Saint Marc

Il n’est sans doute pas de représentation plus suggestive de St Dominique que celles qui nous le montrent au pied de la croix, faisant corps avec elle, dans une attitude de profonde communion avec le Christ.
Nous voyons là Dominique au cœur du mystère du salut. La croix est ce lieu où se fait l’unité de tout ce qui était divisé, le salut de tout ce qui était perdu, l’acte recréateur de tout ce qui était anéanti. Le Christ noue en Lui, jusqu’en son cœur transpercé, ce bouleversement définitif. Par notre propre communion au Christ, nous sommes engagés à notre tour dans ce mystère. Dominique en est pour nous le guide le plus sûr.
Il n’est pas possible en effet de dire quoi que ce soit sur Dominique sans renvoyer chaque fois à ce lieu source de la foi. Son union au Christ, sa passion pour le salut des hommes, les événements liés à la fondation de l’Ordre, toutes les circonstances connues de sa vie sont toujours une expression particulière du mystère pascal. Du péché à la grâce, de la misère à la miséricorde, de la perdition au salut, de la peur à la paix, du malheur à la joie, c’est sur ce chemin de radical renversement que Dominique engage toute sa vie, « verbo et exemplo ». A sa suite, la vocation du Prêcheur trouve là toute sa raison d’être.

Tout fils de Dominique doit dépasser les horizons par trop étroits de sa seule subjectivité et se laisser rejoindre par l’objectivité totale du mystère du Christ. La pâque du Christ est ce qui façonne toute vie chrétienne et très particulièrement toute vie dominicaine. Mais ce mystère doit toujours prendre corps dans chaque vie humaine concrète, chaque histoire personnelle, chaque fois d’une manière inédite. Le plus universel du mystère pascal doit s’inscrire au plus personnel de chaque vie, et le plus personnel de chaque vie s’ouvrir à son tour au plus universel du mystère pascal. Au plus personnel du salut de chacun se joue le plus universel du salut de tous. En chacun se rencontre le drame du monde et le cœur de Dieu, en chacun se vit la pâque du Christ.

On peut faire de cette révélation une vie et c’est là tout le sens de la vocation dominicaine. Une disponibilité sans réserve y est alors requise, celle d’un « oui » marial au don de l’Esprit. Pour que le Verbe puisse prendre chair et la chair être sanctifiée par le Verbe. Pour que puisse croitre cette Parole aux entrailles mêmes de la vie. Pour qu’elle puisse être portée, jour après jour, devenir quotidienne, familière, intime. Et qu’elle puisse alors être donnée au monde. Il est parfaitement conforme à la vocation de l’Ordre que la Vierge Marie y soit située en son cœur.

Tout commence et recommence par le fait d’être saisi, bouleversé par l’amour de Dieu, sa miséricorde infinie, consommée et consumée sur la croix. Seul un tel amour peut donner foi et espérance à toute une vie et à toute vie, quel qu’en soit le parcours. Et pour en saisir chaque fois un peu mieux la portée infinie, il ne faut pas se lasser de contempler la croix du Christ. Le Christ est assoiffé, jusqu’à épuisement mortel, de désaltérer l’homme de sa vie livrée, de son amour sauveur. Comme Dominique au pied de la croix, il s’agit de recueillir cette source vive, ces flots de l’Esprit qui jaillissent du cœur transpercé du Christ. Un Prêcheur n’a rien à transmettre s’il n’est pas témoin de cette folie de Dieu pour l’homme.
Mais qui s’abreuve au pied de la croix est révélé à sa propre défaillance. Car c’est là précisément que doivent se recueillir les flots de l’amour du Christ. Blessure béante guérie par la blessure autrement béante de laquelle jaillissent l’eau et le sang qui nous sauvent. Ainsi se vit l’acte rédempteur du monde à travers l’expérience la plus personnelle qui soit. Ainsi, jour après jour, la vie s’élargit-elle aux dimensions de la mission du Christ et de son mystère sauveur pour le monde.

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