Quand l’amour fait loi

14 mai 2023 – 6è dimanche de Pâques, année A
Ac 8,5-8.14-17 ; Ps 65 (66) ; 1 P 3,15-18 ; Jn 14,15-21
Homélie du frère Jean-Marc Gayraud

Lorsqu’il s’agit de conduire ses affaires humaines, de faire des choix, de décider de quelque orientation significative, c’est plutôt le manque de repères, de conseils avisés, de direction à suivre qui font particulièrement défaut aujourd’hui. Tel est le lot d’une époque de grand désert humain et spirituel. De plus, trop de sollicitations risquent de vous assaillir qui rendent toute prise de décision fort difficile. Tel est le lot d’une civilisation consumériste à tout va, qui vous engloutit sous la multiplication des possibles, aussi illusoires qu’éphémères le plus souvent. Bref, nous connaissons aujourd’hui un véritable drame dans la manière de conduire sa vie.

Cet évangile nous entretient de cela. Le Christ vient d’affirmer qu’il est le chemin, la vérité et la vie. Il affirme maintenant qu’un autre paraclet, un autre défenseur que Lui, viendra pour être toujours avec nous. L’Esprit, tel un interprète, fera comprendre et vivre de Jésus à même notre vie. Le terme paraclet signifie : « celui qui est appelé auprès » « celui qui est avec ». Le Paraclet, l’Esprit Saint, est cette présence qui vient habiter en nous et qui inspire la conduite de notre vie, en particulier à l’heure de choix décisifs à faire, d’épreuves à traverser, de décisions difficiles à prendre. Car il ne faut pas s’y tromper : notre vie va son chemin au gré de ce qui l’influence, l’attire, la captive. Et si ce n’est pas le Paraclet, l’Esprit Saint, qui conduit notre vie, ce seront les autres, nos instincts, nos besoins, mille sollicitations qui vont s’imposer d’elles-mêmes à nous.

L’Esprit est le seul influenceur qui ne vous veut que du bien. Il ne manipule pas plus qu’il n’est manipulable : il est l’Esprit de liberté et il rend libre, car il est Esprit de vérité. Il est bien plus qu’un influenceur d’ailleurs, il est l’acteur intime de notre vie et il nous fait agir selon la loi de Dieu. L’Esprit est cette loi nouvelle que Dieu nous donne afin que nous puissions cheminer dans ses voies. C’est Lui qui doit faire loi désormais et cette loi, c’est la loi de l’amour même de Dieu répandu en nos cœurs. Cet évangile insiste sur la nécessité de suivre le commandement de l’amour et de le garder. On ne garde avec soi que ce que l’on a de plus précieux, ce à quoi on s’attache le plus, ce que l’on aime vraiment. Garder la loi d’amour en nos cœurs est déjà une preuve d’amour et un fruit de l’Esprit.

L’homme ne saurait jamais ce qu’est aimer, aimer en vérité, s’il ne recevait de Dieu le don de son amour. Et cet amour ne peut se communiquer à nous que sous la forme d’une injonction radicale, d’un commandement. Car nous sommes des indigents de cet amour-là et trop de sollicitations de ce monde nous en détournent en permanence. Notre égoïsme obstiné ignorerait tout simplement l’amour de Dieu s’il n’était pour nous un commandement et s’il ne nous engageait résolument envers le prochain. L’amour-commandement souligne le caractère transcendant, insaisissable, impératif et absolu de l’amour de Dieu pour notre vie.

En ce qu’il est un commandement, l’amour de Dieu ne saurait être soumis aux caprices de nos passions et nos appétits de tous ordres. Il n’est pas davantage subordonné au jugement exclusif et bien souvent excluant de nos appréciations subjectives. Cet amour sans loi auquel se réfère si facilement le monde contemporain n’est d’ailleurs bien souvent que l’alibi justificateur de tous nos égoïsmes, nos comportements discriminateurs et nos instincts les moins désintéressés. C’est là le contraire même de l’amour. Que la loi d’amour, que l’Esprit d’amour, de vérité, de liberté, conduise donc notre vie ! Et qu’il nous conduise vers la vie éternelle !