Renouveler sa façon de penser… de Fr. Hervé Ponsot

« La seule personne que l’on peut changer, c’est soi même ». Karen Casey

renouveler sa façon de penser

Mt 16, 21-2

 » Si quelqu’un veut marcher à ma suite,
qu’il renonce à lui même « .

Homélie de fr Hervé Ponsot:

Version phonique:

Version écrite:

Renouveler sa façon de penser.

   « Renoncer à soi-même »… Frères et sœurs, cette exigence de Jésus rejoint celle de saint Paul dans la lettre aux Romains « présenter sa personne tout entière en sacrifice vivant ». Elle nous est peut-être familière, elle n’en reste pas moins obscure et exige quelques explications. S’agit-il en effet pour chacun de vous de devenir moine, religieuse, prêtre pour ne pas rater sa vie ? Bien sûr que non. S’agit-il alors à tout le moins de multiplier les sacrifices personnels, les renoncements à la manière d’une Thérèse de l’Enfant-Jésus ? Là, c’est à la portée de tous, mais dans sa déclaration solennelle, il est probable que Jésus attend autre chose encore de nous… Alors, à qui s’adresse la demande de Jésus et à quel effet ?

   Dans la suite de son exhortation, Paul nous ouvre une piste parmi d’autres en invitant ses interlocuteurs à renouveler leur façon de penser, ce qui est déjà beaucoup plus clair. C’est d’ailleurs manifestement ce que Pierre, dans un premier temps, n’a pas su faire et la raison pour laquelle il est vertement repris par Jésus. On parle souvent aujourd’hui du « prêt à penser », et nous estimons sans doute que cela touche d’autres que nous. Mais je n’en suis pas si sûr : la réaction de Pierre est une réaction naturelle, et nous avons-nous-mêmes sans cesse des réactions du même type, sans en avoir nécessairement conscience.

   Permettez-moi de prendre un exemple tout récent et… très controversé. Je veux parler de la nouvelle invitation du pape à accueillir les migrants. Cris d’orfraie dans les journaux, sur les réseaux sociaux, y compris de la part de chrétiens avérés ou se disant tels. Mais ne sont-ils pas en train de réagir comme l’a fait Pierre, spontanément, naturellement, trop naturellement , oubliant de renouveler leur façon de penser ? Ont-ils d’ailleurs tous lu le texte du pape avant de réagir ? Ont-ils pris la distance nécessaire au bon jugement ?

   Je sais bien qu’en l’occurrence, les propos du pape ne s’imposent pas comme « paroles d’évangile » et qu’ils sont discutables. Mais que nous dit-il vraiment ? Depuis son passage sur l’île de Lampedusa, le pape François dénonce avec force « la culture de l’indifférence ». Des centaines, sans doute même des milliers de migrants en sont morts en traversant la Méditerranée, sans que cela ne fasse plus de quelques lignes dans les journaux. Sinon pour enjoindre parfois à ces migrants de « rester chez eux » ou de chercher un asile plus proche de chez eux…

   Ce que rappelle notre pape dans l’ensemble de ses discours sur le sujet, c’est d’une part que le refus égoïste de considérer le problème à sa racine, à savoir le déséquilibre économique et politique que connaît aujourd’hui notre planète, empêchera toujours de lui trouver une solution vraie et durable ; et d’autre part, que le repliement des individus ou des nations sur eux-mêmes blesse l’élémentaire charité fraternelle. Personnellement, je suis convaincu que le pape François est parfaitement au courant des « risques d’une ouverture tous azimuts ». Il s’est d’ailleurs exprimé en d’autres occasions sur ce point, mais pour lui le disciple du Christ auquel il s’adresse en premier lieu, et dont il est lui-même bien sûr, ne saurait s’en tenir là. Il doit justement renouveler en profondeur sa façon de penser. Je cite le pape, qui mêle l’évangile du Jugement et celui du bon Samaritain. « Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté » (cf. Mt 25, 35.43). Peut-on vraiment attendre du pape qu’il dise autre chose que l’évangile ?

   Frères et sœurs, sur ce sujet délicat de l’accueil des migrants dont personne n’a le dernier mot, je vais vous faire un aveu en vous révélant une question qui tourne dans ma tête. Si aujourd’hui, la question de l’accueil des migrants est si délicate, c’est sans doute pour des raisons économiques, politiques ou démographiques, mais pas seulement. Ne serait-ce pas aussi parce que, parmi tous ces migrants ou réfugiés, il s’en trouve un très grand nombre de confession musulmane ? Sans eux, n’aurions-nous pas plus de facilité à renouveler notre façon de penser, à « renoncer à nous-mêmes ?

    La question que je pose court tout au long d’un remarquable article publié cette semaine dans la revue La Vie par l’aumônier des parlementaires, le père Stalla-Bourdillon. Mais celui-ci ne s’arrête pas sur le point de la religion des migrants. Et je vous livre plutôt sa conclusion dans laquelle il justifie pleinement les propos de notre pape en rappelant qu’il n’a d’autre horizon que l’évangile.  « S’il appartient aux responsables politiques de gérer la sécurité des États face à l’évidente période de violence aveugle du terrorisme fondamentaliste, il appartient au Pape de regarder à ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, car l’horizon authentique de sa vie ne se voit pas à vue humaine, mais dans la Résurrection du Christ, gage de notre avenir commun ».

   Voilà, c’est cela même « renoncer à soi-même » et « renouveler notre façon de penser ». C’est un retournement qui nous est proposé, comprenez-bien, une conversion !

Fr Hervé Ponsot op.

Lien vers la liturgie florale: Mise au point, et choix difficile.