Rien à voir ? Vraiment ?

30 mars 2024
Vigile pascale
Gn 1,1 – 2,2 ; Ps 103 (104) ; Gn 22,1-18 ; Ps 15 (16) ; Ex 14,15 – 15,1a ; Cantique de Moïse (Ex 15) ; Is 54,5-14 ; Ps 29 (30) ; Rm 6,3b-11 ; Mc 16,1-7
Homélie du frère Marie-Philippe Roussel



Circulez, il n’y a rien à voir ! Voilà les paroles des soldats aux femmes. Ils gardent le jardin comme l’ange de Dieu barrait le chemin d’Eden. Rappel crucifiant : plus de vie, plus de communion et d’amitié possible. A la place : douleur, absence et tristesse. Mais voici que les femmes répondent : il n’y a plus d’être à aimer mais son corps à honorer, à parfumer. Et les soldats les laissèrent passer, non sans moquerie, non sans refuser de rouler la pierre. Qui s’en chargera ?

Et voici que les femmes vont de nouveauté en nouveauté. Car elles voient de leurs yeux la pierre roulée, elles contemplent en leur cœur un jour nouveau, la victoire invisible du Crucifié, elles reçoivent l’annonce d’un règne nouveau de la part d’un ange.

Une pierre roulée. Dans toute l’histoire de l’humanité, aucun tombeau n’a été gardé par peur du retour à la vie du mort. Un mort est inoffensif. Dans toute l’histoire de l’humanité, aucun tombeau n’a été trouvé ouvert en raison de l’action de celui qui se trouve à l’intérieur. Car si son corps s’est détaché de son âme, cette dernière, unie, portée par la divinité du Verbe du Père, s’en va encore plus profondément que son corps n’a été enseveli. Le tombeau était comme la forteresse de la mort, une citadelle réputée imprenable. Le Christ y est entré, tel un cheval de Troie, pour piller les richesses de la mort, chercher ceux qui gisaient dans ses ténèbres. Nos premiers parents en humanité, justes de l’Ancien Testament et justes des nations, les saints innocents et le bon larron, les voici pris par la main, sortant du shéol par la porte de la Vie, le vainqueur de la Mort. Gémissant dans le temps, les bons entrent dans l’éternité de gloire et les mauvais dans leur éternité malheureuse. Car les premiers suivent le vainqueur de la Mort et les seconds ont refusé sa main.

Pierre roulée qui résonne dans le cœur des femmes. Elles y voient un jour nouveau, une création nouvelle. Dans la Genèse, le premier jour est celui de la création de la lumière. Et à partir de ce premier jour de la création, tout l’univers se déploie comme l’eau qui se répand en rivières et en fleuves à partir de la source. Dieu avait comme vaincu le néant et fait jaillir la vie. De même, depuis 2000 ans, depuis ce jour nouveau, une nouvelle vie, spirituelle non charnelle, coule à flots dans notre humanité. La vie même de Dieu, vie d’amour, de sagesse, de bonté, entre le Père, le Fils et le Saint Esprit. Dieu, en sa Trinité, veut nous faire partager sa vie, non pas demain, non pas plus tard, mais dès aujourd’hui par la foi, et éternellement, au Ciel, lorsque nous verrons Dieu face-à-face. Cette vie ne finira pas, elle est éternelle.

Ce jour nouveau est un couronnement, inaugurant un nouveau règne. Il fallait des femmes pour cette nouvelle naissance, un ange pour annoncer ce Roi au territoire unique. Un Roi qui n’est pas comme ceux du monde. Ceux-ci veulent être vus, partout et sans cesse, se faire bien voir et s’imposer. Ils ont une garde rapprochée tant par peur d’être attaqués et de périr que pour se séparer du commun des mortels. Ils ont une cour d’élite. Leur puissance écrase et se fait sentir. Jésus n’est pas de ce genre de roi. Il se laisse voir à ceux qui le désirent, se laisse approcher facilement. La mort en a peur. Sa seule crainte est que nous nous séparions de Lui. Son entourage rassemble petits et grands, hommes et femmes, riches et pauvres, sans aucune distinction, ni de nations ni de peuples, ni de nos catégories trop superficielles pour être vraies, trop humaines pour être charitables. Sa puissance nous rend puissants, de manière imperceptible. Son territoire n’est pas fait de pierres et de landes. Ce sont les âmes qui vivent par Lui, en Lui, pour Lui. Parfois même à l’insu de ses sujets qui ignorent que où sont amour et charité, justice et vérité, bonté et fidélité, Dieu est présent. Son territoire n’a d’autres limites que celles que nous lui mettons par nos actes et nos pensées qui s’opposent à l’Amour, à son Amour.

Chers amis qui allez recevoir le baptême, un jour nouveau s’approche. Jour d’une nouvelle naissance, par l’eau et par l’Esprit. Vous allez sentir l’eau couler sur votre front et entendre les paroles que vous avez tant attendues : je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Le plus important, nous ne le verrons pas. L’œuvre de Dieu. Il va purifier entièrement votre âme et y faire sa demeure par son Esprit. Il vous reconnaitra comme ses enfants, vous en qui demeurera désormais l’Esprit du Christ. Vous allez voir Jésus en l’hostie, le recevoir par la communion. Vous qui allez répondre à la profession de foi dans laquelle vous allez être plongés, répondez au long de votre vie à l’Amour de Jésus par votre amour. Que soit détruit en vous tout ce qui est mauvais, tout ce qui vous aliène et vous entrave dans une pleine liberté qui ne se réalise que dans la volonté de Dieu. Que vivent en vous la foi, l’espérance, la charité et les dons de l’Esprit. Que, dans le chrétien que vous vous êtes préparé à devenir, le monde puisse voir le Christ Ressuscité qui vit en vous. Il vous faut et il nous faut passer par une certaine mort pour vivre véritablement, passer par notre vendredi saint pour aller à notre Pâques.

Frères et sœurs bien-aimés, dans le temps et l’histoire, dans notre temps et notre histoire, il y a eu et il y aura jusqu’à notre dernier jour, venant à l’oreille de notre cœur ou à celles de notre corps, l’interjection : « Circulez, il n’y a rien à voir ». S’il n’y avait de tombeau vide, s’il était resté fermé, il n’y aurait rien à voir à l’église, rien à contempler dans des rites vides et sans saveur si ce n’est des pièces esthétiques ou historiques, aucune raison de se réjouir devant de l’eau qui ruisselle sur une tête, aucun motif de s’émerveiller devant un bout de pain et une coupe de vin. Sans résurrection, pourquoi chanter ensemble, parler à Dieu comme à un sauveur, comme à un consolateur, comme à un ami ? S’il n’y avait de tombeau vide, la mort et tout ce qui conduit à la mort aurait le dernier mot et ce dernier serait cynique.

Le tombeau est vide. Que notre cœur se remplisse de joie. Un jour nouveau apparaît et nous nous réchauffons à sa lumière. Celui qui a triomphé de la mort ne se fait pas voir. Il ne veut pas parader. Il veut triompher de la mort en nous, celle de notre corps, celle de notre cœur. Il connait le chemin qui mène au Royaume où règne la justice et non l’infamie, l’union et non le conflit, la vérité et non le mensonge. Il est ce chemin de vie et de vérité. Il est ce Royaume. Il est notre Roi. Venez au tombeau vide et vous y verrez la source des merveilles de Dieu : Christ est Ressuscité, il est vraiment Ressuscité ! Pour que ce monde ait une nouvelle vie, vivons en ressuscités !

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