Tous en Lui…
Jn 17, 20-26: « Afin que l’Amour dont tu m’as aimé soit en eux. »
La prière sacerdotale de Jésus nous dévoile en quelque sorte le grand dessein de Dieu sur le monde. «Que tous soient un, comme toi Père tu es en moi et moi en toi. Que tous soient un en nous pour que le monde croie que tu m’as envoyé.»
Oui, dans cette prière Jésus n’a qu’un mot à la bouche : l’unité, comme condition pour que le monde croie.
Homélie dominicale de fr Rémy Bergeret
Il est beaucoup question d’unité dans l’évangile de ce jour, dans un contexte dramatique qui précède la Passion : la grande prière du Ch 17 de St Jean où le Christ lance par 4 fois un appel pressant, « Qu’ils soient UN ». Mais quel type d’unité ? d’abord, ce qu’elle ne sera pas : le résultat d’une paix armée(romaine ou américaine ou russe ou chinoise). Non plus le résultat d’une paix idéologique uniformisée dans la pensée unique. Ces deux points sont clairs, mais il nous faut aller plus loin en faisant un petit bilan de 2000 ans d’histoire : comment l’unité désirée par le Christ s’est-elle manifestée, a-t-elle progressé ?
L’unité des chrétiens ? elle semble marquer le pas, après les années assez enthousiastes qui ont suivi Vatican II et l’œcuménisme de terrain vécu dans de multiples groupes. Et cela malgré les initiatives et les gestes symboliques, comme la rencontre de François et Kiryl à Cuba. En même temps, des théologiens sérieux nous le disent : il y a une unité qui a subsisté dans les profondeurs, celle de l’Église indivise du 1er millénaire, l’unique Église du Christ dont l’unité n’a pas été atteinte par les divisions de surface, historique, politique ou personnelle.
Aussi importante, l’unité de l’Humanité. Elle est de nouveau mise à mal depuis 25 ans (la chute du mur de Berlin) par des conflits délocalisés mais extrêmement violents sans parler de l’émergence du terrorisme à grande échelle (al Qaida, Daech), au point que le Pape François a parlé d’un 3ème conflit mondial ‘par morceaux’. L’analyse de situation est complexe car nous ne sommes plus dans le champ des idéologies ou des religions : le monde entier est immergé dans un ultralibéralisme exacerbé qui prête le flanc à l’esprit de division, l’ambition des egos, le culte de la personnalité, le pouvoir de l’argent bien sûr et l’amour de la guerre : toutes les pulsions les plus négatives du cœur humain.
Ce que je viens de vous dire paraîtra bien noir et pessimiste; or ce n’est pas mon style ni mon caractère. Mais, quand on à faire avec une épreuve, difficile, il est important de la décrire, d’en soupeser toute la gravité. Notre terrain de combat, celui de l’évangile de ce jour, c’est celui de l’unité spirituelle, c’est bien celle-là que Jésus vise et ce n’est pas un hasard que nous entendions cette parole à une semaine de Pentecôte, fête de l’Esprit: l’unité est fruit de l’Esprit. Elle se fonde dans notre foi en Dieu, notre confiance en, l’homme, notre confiance dans l’Église.
Au delà de nos différences -car nous ne sommes pas clonés- nous chrétiens tirons fondamentalement notre unité de notre foi en Dieu, Créateur et miséricordieux, que nous pouvons prier, adorer, que nous savons présent à notre existence. Un Dieu qui nous a parlé par son Fils, lequel nous a révélé que Dieu est vraiment Père et Amour; ce Fils, nous sommes appelés à l’imiter pour être heureux tout simplement et réussir ainsi notre vie.
Les chrétiens ont aussi confiance en l’homme ou plutôt ils savent que l’homme a été créé à l’image de Dieu, avec de grandes potentialités, dont celle d’aimer comme Dieu. Un homme à qui Dieu a confié la Terre et toutes ses richesses, pour qu’il la gère en bon intendant. Oui, la Terre est notre Maison commune pour reprendre l’expression du Pape François dans ‘Laudato Si !’ Je ne sais pas si la Lune ou Mars seront un jour durablement habités; ce qui est sûr, c’est qu’on ne pourra pas y transporter les 7 milliards d’individus que nous sommes actuellement. La Terre reste donc notre habitation principale, notre unité d’espace, de lieu.
Enfin, notre confiance dans l’Église : je veux parler ici de l’unité de notre mission à tous, baptisés/confirmés, quel que soit notre statut en Église. Et cette mission, c’est de témoigner du Christ Ressuscité, en paroles et en actes. Combien de groupes, de mouvements, d’associations et d’ordres religieux expérimentent cette réalité : la communion progresse quand on fait des choses ensemble(quand on prie, on partage le repas, et), quand on a un même objectif. En bref, l’union fait la force. Que dire alors de l’unité spirituelle quand elle est investie par la force de l’Esprit saint !
fr.Rémy Bergeret op.