Dimanche 20 novembre 2022
Solennité du Christ-Roi de l’univers, année C
2 S 5,1-3 ; Ps 121 (122) ; Col 1,12-20 ; Lc 23, 35-43
Homélie du frère Jorel François
Nous sommes dans l’évangile selon Saint Luc. Un premier procès religieux est déjà mené au Sanhédrin contre Jésus. Et il est condamné vraisemblablement pour avoir laissé entendre qu’il était le Messie (Lc 22, 66-71). Mais Israël est sous occupation romaine. Pour que la condamnation à mort de Jésus soit effective il faut un procès politique. Il est alors conduit chez Pilate où il est présenté comme un fauteur de trouble, comme quelqu’un qui appelle à ne pas payer l’impôt à César – parce qu’il est dit être le Messie. Et Pilate de lui demander : « es-tu le roi des Juifs ? » (Lc 23, 1-3)
On le voit bien : il n’était pas question de royauté dans le procès mais de messianité. On perçoit alors à la question posée ce que l’on pouvait entendre par messianité à l’époque dans certain milieu proche ou, à l’inverse, opposé aux Romains. Messianité et royauté étaient alors analogues, voire synonymes puisqu’il suffisait que le mot « Messie » soit prononcé pour qu’il y soit associé.
Pilate est le préfet de la région. Il représente le pouvoir de César. Se peut-il qu’il soit question de royauté non reconnue par César? Hérode ne s’était-il pas donné la peine d’entreprendre tout un voyage le conduisant jusqu’à Rome pour se faire nommer roi après avoir donné sans doute des gages de son allégeance à César?
S’il est vrai que ce Messie est roi sans qu’il tienne son pouvoir de César, c’est donc, de deux choses l’une : ou il tient sa royauté de lui-même ou d’un autre et que son territoire est ailleurs, loin des territoires de l’empire romain ou, s’il est proche ou même à l’intérieur de l’empire, ce roi est un concurrent de César, une menace pour son pouvoir.
Déjà Hérode, dans l’évangile selon Saint Matthieu, était tout surpris, intrigué, étonné d’apprendre la naissance d’un roi sur son territoire de la bouche des Mages venus de loin pour l’adorer. Mais en bon politicien, il cachait ses sentiments profonds. Faites donc, avait-il dit aux Mages, et une fois que vous aurez trouvé l’Enfant, revenez m’en informer pour que je puisse, moi aussi, aller lui rendre hommage.
Grâce à l’intervention de l’Ange qui leur avait démasqué la ruse d’Hérode, ils sont rentrés chez eux par un autre chemin. Hérode, furieux d’avoir été trompé, explique Saint Matthieu, fait alors massacrer les enfants de la région. Mais la « main » de Dieu protégeait l’Enfant-Roi…
Maintenant que l’Enfant a grandi, à présent qu’il est à deux doigts de recevoir la gloire qu’il avait auprès du Père, c’est à César qu’il paraît faire ombrage. Le voilà encore perçu comme un concurrent, comme une menace.
Les rois de la terre se sont ligués contre le christ, invite à chanter un Psaume (Ps 2). Mais ces derniers ont tort, puisque dans le cas de Jésus, la messianité dont il s’agit est tout à fait différente de ce que l’on pouvait penser. Elle ne renvoie pas à un royaume terrestre et par conséquent, elle ne peut entrer en concurrence avec les royaumes de la terre.
Mon royaume n’est pas de ce monde, témoigne Jésus, le Christ. Si mon royaume était de ce monde, j’aurais eu des gardes pour défendre mon pouvoir; des militaires auraient fait la guerre pour protéger mon territoire. J’aurais eu partout des espions, des mouchards qui surveilleraient, qui dénonceraient les éventuels concurrents. Et Jésus, nous le croyons, est Dieu parmi les hommes.
Si le royaume de Dieu n’est pas de ce monde, il commence pourtant bien dans ce monde, car tout est de lui, par lui et pour lui. Il est le maître de tout : le ciel et la terre racontent sa gloire… avec cette différence qu’il ne trône pas en tout-puissant, ou plutôt il ne fait pas peser son pouvoir comme font les rois de la terre. Dieu est un roi qui n’étouffe pas, qui ne prend pas toute la place; c’est un roi serviteur, pacifique, qui ne surplombe pas; un roi qui aime la liberté de ses sujets et qui en prend la défense.
Le royaume de Dieu n’est pas quelque chose que l’on peut observer de façon éclatante : il n’a ni frontière ni bannière. Seul Dieu peut en apprécier l’étendue, car c’est dans le cœur des hommes qu’il veut régner. Seul Dieu y a accès : seulement lui devine les pensées les plus secrètes.
Prions donc pour que vienne le règne de Dieu dans nos vies. Amen.