Limites humaines… de Fr Arnaud Blunat

Le Bon Samaritain – Delacroix.

Amour du prochain-Le-Bon-Samaritain

Mt 22, 34-40

 » Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et ton prochain comme toi-même « 

 

Homélie dominicale de Fr Arnaud Blunat.

Version phonique:

 

Version écrite:

 Limites humaines.  

   Une nouvelle fois, Jésus est mis à l’épreuve. Une question lui est posée, pour le tester, voire le prendre au piège, en tout cas pour susciter la polémique. Quel est le grand commandement ? La question est étonnante. Elle révèle implicitement la même volonté de mettre en opposition deux termes. Comme dans la discussion précédente, que nous avions entendue dimanche dernier : Dieu ou César ? Ici, en l’occurrence, c’est Dieu ou l’homme, Dieu ou le prochain. Avec suffisamment d’habilité, Jésus n’oppose pas mais il rassemble les deux, en disant que le 2ème est semblable au 1er. Aimer Dieu et aimer son prochain, c’est la même chose.

   Dans l’évangile de S. Luc, celui qui pose la question renchérit : et qui est mon prochain ? Alors Jésus raconte la parabole du Bon Samaritain. Dans la version de Marc, le docteur de la Loi répond qu’aimer Dieu et son prochain comme soi-même veut mieux que tous les sacrifices. Mais ici dans le passage de Matthieu, la discussion ne va pas plus loin.

   Nous pourrions alors nous demander : qu’est-ce qu’aimer et comment aimer ? En français, nous le savons bien, il n’y a qu’un seul mot pour dire qu’on aime aussi bien le chocolat, sa grand-mère, ou Dieu. On n’hésite même pas dire qu’on adore l’un ou l’autre. Laissons le chocolat de côté et voyons plutôt comme ont peut articuler l’amour de Dieu et l’amour du prochain, quel qu’il soit.

   Pour tous les hommes en général, aimer l’autre, c’est forcément aimer celui qui nous veut du bien, celui qui est comme nous. Une telle conception de l’amour créé une distinction entre ceux qu’on aime, et les autres qu’on ignore. C’est risquer de s’isoler dans un monde narcissique, un monde hermétiquement clos, un univers factice. Au fond, j’aime l’autre pour ce qu’il m’apporte, pour le bien qu’il me procure. L’autre est un peu comme un objet qu’on utilise à sa guise. Dont on se débarrasse quand on n’en n’a plus d’utilité. Si je n’aime que ceux qui me conviennent, je vais forcément vivre dans un monde à part, qui est hélas celui dans lequel vit la majorité des hommes. Mais ce n’est pas le monde que Dieu nous propose.

       Car d’abord rappelons que Dieu est le premier à nous avoir aimés. Et il aime tous les hommes, les justes et les injustes. Et Dieu me demande précisément d’aimer celui qui n’est pas comme moi. Celui qui est différent de moi, celui que je n’apprécie pas et qui peut-être ne m’apprécie pas. Celui que je ne comprends pas et que peut-être je ne veux pas essayer de comprendre. Dieu est celui qui veut nous ouvrir à la vraie réalité, à l’universel, bref, à entrer dans son univers à lui. Et cela ne pourra se faire qu’avec son aide, avec sa grâce.

   Quand bien même quelqu’un voudrait m’ignorer, ou pire voudrait ma mort, Dieu me demande aussi de l’aimer, comme lui-même l’aime. Ce message radical constitue le sacrifice suprême qui dépasse tous les sacrifices qu’on pourrait offrir à Dieu. Aimer Dieu et son prochain nous configure au Christ mort sur la croix. Face à la croix, tout le reste n’est qu’idolâtrie. Nos appétits d’avoir, de pouvoir, de plaisir, de reconnaissance sont des expressions de notre limite humaine mais qui- il faut bien le dire – nous éloignent de Dieu. C’est bien le message que S. Paul adresse aux Thessaloniciens, comme nous l’avons entendu dans la 2ème lecture, eux qui ont abandonné les idoles pour suivre le Christ, mort et ressuscité.

   Suivre le Christ, ce n’est pas seulement l’aimer dans les pauvres. Certes en aimant les plus pauvres, nous nous rapprochons de Dieu. Mais comme Jésus ne nous l’a pas caché, c’est d’abord en acceptant de porter notre croix à sa suite, en souffrant à cause de lui, c’est comme cela que nous pourrons prétendre savoir aimer. Aimer, c’est vraiment accepter de prendre le chemin que nous n’aurions pas choisi en premier, celui que Dieu a choisi pour nous.

   Voilà pourquoi, quand on parle d’amour, si on est chrétien, on ne peut pas ne pas évoquer ce qui spontanément répugne à l’esprit humain. A savoir le renoncement à tout idéal, à toute perfection qui ne soit pas d’abord l’œuvre et le fruit de la grâce, et qui immanquablement se confronte au mystère de la croix. Cette croix, qui en insupporte tant (au point de vouloir la supprimer) cette croix restera un passage incontournable pour celui qui voudra sauver sa vie. Car la croix n’est pas tant un rappel des souffrances endurées par le Christ qu’un mémorial de son amour universel. Un signe du seul véritable amour auquel tout homme est en définitive appelé.

Fr Arnaud Blunat op.

Lien vers la décoration florale du jour.