Chemin vers la Gloire du Père

14 février 2024 – Mercredi des Cendres
Messe de midi
Jl 2,12-18 ; Ps 50 (51) ; 2 Co 5,20-6,2 ; Mt 6,1-6.16-18
Homélie du frère Jean-Marc Gayraud



« Un moine parti au désert vint se plaindre à St Macaire de ce que tous les jours, dès neuf heures du matin, il sentait dans la solitude une faim étrange, quoique dans le monastère où il était auparavant il n’eût point de peine à passer quelquefois des semaines entières sans manger. Macaire lui répondit : n’en sois point surpris, mon fils, c’est que dans le désert tu n’as personne qui soit témoin de tes jeûnes, et qui te soutienne et te nourrisse de ses louanges, alors que la vaine gloire était ta nourriture dans le monastère, et le plaisir de te signaler parmi les autres te valait autant qu’un repas. »

La vaine gloire. Figurez-vous qu’il n’est peut-être rien de plus actuel que la vaine gloire. Voir et être vu, faire voir et se faire voir, voyeurisme généralisé, complaisamment entretenu par tout type de médias. Jamais comme aujourd’hui peut-être ne s’est-on autant épanché, raconté, décortiqué sous tous les angles, les plus obscurs n’étant pas les moindres à être exposés. Et en réalité, plus on montre, moins on voit. Nous vivons sous l’empire de l’image et de la représentation, de l’inflation verbale, d’un subjectivisme endurci. Le chemin vers Dieu, vers soi et vers les autres, n’en est que plus entravé.

Vous aurez remarqué en revanche l’insistance de cet évangile à devoir se mettre dans le secret pour devenir des justes, car seul le Père voit en vérité ce qui se fait et se vit. C’est une affaire de grâce et rien d’autre entre Dieu et nous. Et la recherche de soi comme l’exposition de soi en fonction du regard des autres substitue à la grâce un intérêt très mal placé. Nous nous aveuglons sur nous-mêmes et nous nous interdisons d’accéder au Père. La vaine gloire fait obstacle à la grâce qui est toujours gratuite et gracieuse.

Il s’agit donc de se détourner de soi en se tournant vers le Père. Le Père qui est dans le secret nous établit dans sa vérité et dans son amour, il nous éclaire sur cette vanité qui était la nôtre et il nous libère de tout souci d’autosatisfaction, de performance, de référence autoproclamée.

Il se produit alors un phénomène que nous ne pouvions pas anticiper : en changeant de comportement à la lumière de la grâce, Dieu nous donne de faire ce petit pas nécessaire qui laisse entrevoir tout le chemin qu’il reste encore à parcourir. Car la vaine gloire nous aveuglait et nous commençons seulement maintenant à le percevoir. Elle provoquait en nous des sentiments de suffisance ou de dépréciation de soi, sentiments qui ne sont opposés qu’en apparence. Devant le Père à qui on ne saurait mentir et qui est là dans le secret, nous apprenons maintenant à ne pas se mentir ni à mentir aux autres. Et ceci n’est possible que parce que le Père nous a saisis dans la vérité et dans son amour. L’exposition de soi deviendra alors témoignage, un parfum de bonne odeur.

Je vous propose trois efforts de carême dans ce sens :

Se mettre à distance du spectacle de vaine gloire qui nous envahit de toutes parts et auquel nous n’échappons pas si facilement.

S’exposer là où un parfum de bonne odeur fera du bien.

Enfin et surtout, prie ton Père qui est là dans le secret et donne-toi du temps pour cela. Tant qu’on ne s’est pas ennuyé de Dieu, on risque fort de se tromper de Dieu. Ce travail du temps permet de laisser la vaine gloire à sa vanité et de creuser ce réceptacle pour la grâce, ce lieu où nous pouvons écouter le Père et Lui parler.

Bref, prière, partage, jeûne. Passons ainsi de la vaine gloire à la gloire du Père, pour notre vie, notre paix et notre joie.

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