Convaincre le scribe… de Fr Loïc-Marie Le Bot.

Dieu sait convaincre Moïse en lui remettant les tables de La Loi.

Dieu entrain de convaincre Moïse en lui remettant les tables de La Loi


Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. (Mt 22, 37-40)

Mt 12, 28-34

« Quel est le premier de tous les commandements ? »

 

Homélie dominicale de Fr Loïc-Marie Le Bot: Savoir convaincre…

Version phonique :

Version écrite:

Prédication du frère Loïc-Marie Le Bot, prieur provincial, à l’occasion du jubilé du frère Régis Bron

   Jésus se présente comme un maître qui enseigne, qui enseigne les foules, qui enseigne la parole de Dieu, et ceux qui tiennent la chaire de Moïse, les scribes, les prêtres de son époque si on peut dire, sont pleins d’interrogations quant à la source de son savoir. Aussi ils lui posent des questions, ils entretiennent des polémiques et des controverses, et la scène que nous venons d’entendre fait suite à une controverse sur Dieu et César, une controverse sur la résurrection des morts que nous n’avons pas entendue, scène où Jésus est pris à part par les Pharisiens et par les Sadducéens.

   Et maintenant voilà un scribe, une autre école dans le judaïsme de cette époque, et le scribe pose une question qu’on pourrait dire basique : « Quel est le premier de tous les commandements ? » C’est la première chose que l’on apprend à la synagogue, le décalogue que tout le monde connaît par cœur : pourquoi poser cette question aussi banale, est-ce qu’il a envie de coller Jésus sur le point le plus premier, le premier commandement, comme si on demandait à un avocat le premier article du code civil… Tout le monde le connaît par cœur, dans ce milieu-là. Donc si on pose une question de cet ordre, c’est qu’il y a quelque chose derrière ! Le scribe veut savoir comment Jésus lit la Loi en fait, pas s’il connaît le premier commandement, comment il comprend l’ensemble de ce que Dieu nous dit, et ce qu’il nous dit d’abord par ses commandements, ce que Dieu attend de nous en premier lieu.

   Une fois qu’on a répondu à cette question, c’est comme une clé qui permet d’entrer dans toute la révélation. Si on répond : « le premier commandement, c’est d’écouter ce que dit Dieu, d’obéir sans réfléchir », voilà une première réponse qu’on pourrait faire, et on pourrait dire qu’on comprend la loi comme quelque chose qui nous tombe dessus, à laquelle il faut obéir sans réfléchir. La réponse que Jésus va donner est une clé, sa clé pour expliquer ce que Dieu attend de nous. Aussi, quand il va répondre, il va prendre un peu notre scribe au piège !

   Parce qu’en effet, il ne va pas répondre : le premier commandement du Décalogue qu’on trouve dans le livre de l’Exode, est « tu adoreras un seul Dieu ». Il va prendre un commandement qui se trouve dans le livre du Deutéronome, le livre de la deuxième loi, que les scribes et les docteurs de la loi aiment à commenter, donc il va comme chercher dans un texte que ce scribe aime beaucoup, connaît sans doute, un commandement : « Écoute Israël, tu aimeras le Seigneur ton Dieu ». Voilà une clé et cette clé, elle a une surprise, parce qu’elle est à deux détentes, si l’on peut dire, elle ouvre une porte et une deuxième : il faut aimer Dieu et aimer son prochain, prochain qui est la créature de ce Dieu qu’il faut aimer. Ce commandement, tu aimeras ton prochain, Jésus le prend encore dans un autre livre de la Loi, le Lévitique, un livre que sans doute notre scribe connaît lui aussi.

   Et donc Jésus, dans la réponse à cette question anodine, construit toute une théologie, nous donne toute une clé de ce que Dieu est et veut pour nous : Dieu nous demande l’amour pour lui-même, et pour le prochain, celui qui est créé comme nous par lui. Il nous demande de l’aimer parce que Lui nous aime en premier lieu, et que lui aussi est amour par essence. C’est cette clé qui va permettre de comprendre la Loi. La loi que Dieu nous donne n’est pas abrutissante, elle n’est pas simplement à obéir sans comprendre, elle est mouvement de réponse à l’amour de Dieu.

   Ce que Dieu nous donne dans sa révélation, lui-même, ce qu’il nous donne pour que nous puissions le rejoindre, les commandements, ne sont pas des choses à appliquer mécaniquement, mais des préceptes qui nous tracent une route, des indications pour faire grandir notre amour envers le Seigneur. Et si on prend les 10 commandements, ils ont aussi cette double dimension d’amour de Dieu d’abord, et d’amour du prochain : on dit « les deux tables », découpant les commandements, ceux qui sont tournés vers Dieu, « tu adoreras le Seigneur, tu respecteras le sabbat », et ceux qui sont tournés vers les autres, « tu ne voleras pas, tu ne commettras pas l’adultère, tu ne mentiras pas, tu honoreras ton père et ta mère ». Et ces deux grands axes du Décalogue, Jésus les résume et les unit : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu », voilà le premier commandement, et le second qui lui est intimement uni, « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Comment peux -tu aimer Dieu que tu ne vois pas quand tu n’aimes pas ton prochain que tu vois ?

   La réponse de Jésus dépasse donc largement une colle qu’on poserait au catéchisme, elle est une véritable clé pour entrer dans la révélation. Si on rentre dans le mouvement d’amour, on peut comprendre les choses, ce que Dieu attend de nous et ce que nous pouvons donner à nos frères. Le scribe, pour une fois ils ont un scribe assez intelligent, comprend la réponse du Seigneur, la reprend à sa manière, faisant comme une interprétation de ce que Jésus venait de dire : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai, Dieu est unique, il faut l’aimer de tout son cœur, et aimer son prochain ».

   Il va même pousser un peu plus loin pour montrer qu’il a bien compris, il dit : « Tout cela vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices de tous les rites ». Peut-être il y a une pointe contre une autre école, contre les Sadducéens ou des prêtres du temple de Jérusalem, peut-être, mais l’idée c’est que le ritualisme n’a d’efficacité que s’il est porté par l’amour, les offrandes et les holocaustes n’ont du poids aux yeux de Dieu que s’ils sont faits par amour pour lui, et pas simplement pour se conformer à un précepte. Donc là, nous avons un scribe qui entend la parole de Dieu, qui la comprend. Et quand Jésus son interprète lui donne aussi des clés nouvelles, il les comprend et pousse même le raisonnement un peu plus loin, et du coup Jésus lui ouvre les portes du Royaume : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu, tu as compris ce que le Seigneur attend de toi ».

   Ce soir, nous fêtons avec le frère Régis, ses 50 ans de profession et il a de la chance parce qu’il a un provincial qui est un peu un scribe, oui, parce que j’enseigne le droit canonique : donc nous sommes les lointains successeurs des docteurs de la Loi, donc nous aimons bien raisonner sur les canons, ce qui est obligatoire. Donc j’ai envie de te dire : « après 50 ans, quel est le premier commandement que tu as voulu vivre, qu’est-ce qui t’a porté à rentrer chez nous il y a 50 ans, et ce qui a permis que tu vives ce charisme de la prédication en plusieurs lieux, parfois tout près d’ici à Montpellier, ici dans ces murs, à Marseille, à Paris mais aussi au loin, en Haïti pendant presque 15 ans, dans l’île de Corse aussi, et puis maintenant où tu rends service aussi à Boscodon dans les Alpes ? ».

   C’est cette question aussi du Seigneur qui te rejoint : « En fait, qu’est-ce qui t’a porté, quel est le premier des commandements que tu as voulu vivre, cet évangile qui te rejoint aujourd’hui ? ». Nous ne doutons pas que tu as médité les écritures pour prêcher la parole de Dieu et donc tu connais aussi les bonnes réponses à donner, et que sans doute l’amour du Seigneur et l’amour du prochain portent ta vocation, comme le scribe de notre évangile de ce soir. Alors, j’aimerais continuer aussi ce que l’évangile nous dit en te disant que tu n’es pas loin du royaume de Dieu, et que c’est toujours un point de départ, un jubilé, ce n’est pas simplement un point d’arrivée où on fait le constat de 50 ans de choses qui se sont passées, mais c’est aussi un appel a toujours aller plus loin. Et je te souhaite d’entendre encore cette phrase que Jésus dit aux scribes comme si elle t’était personnellement adressée : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu ».

Fr Loïc-Marie Le Bot op.