Dans le silence du cœur… de Fr Arnaud Blunat.

L’annonce faite à Marie par l’ange Gabriel. Reproduction de Botticelli.

L'annonce faite à Marie par l'ange Gabriel

Lc 1, 26-38

« Voici la servante de Seigneur; que tout m’advienne selon ta parole. »

Homélie dominicale de Fr Arnaud Blunat.

Version phonique:

Version écrite:

Dans le silence du cœur.

    Au milieu des derniers préparatifs de Noël, nous recevons comme un premier cadeau l’incomparable récit de l’Annonciation. Quel contraste entre l’agitation fiévreuse du monde qui nous entoure à l’approche des fêtes, et la calme réponse que Marie vient de donner à la demande de l’ange !

    En ce 4ème dimanche de l’Avent, ultime étape avant l’annonce de la Nativité, il est intéressant de souligner de semblables différences dans les textes que nous venons d’entendre. Nous voyons en effet que l’attitude un peu embarrassée du roi David, qui perçoit que Dieu n’a pas sa place sous une tente, est contrebalancée par l’humble étonnement et la foi si limpide de la jeune fille de Nazareth. Alors que David a laissé Dieu à la porte de son palais. Marie n’a jamais fermé la porte de son cœur à la présence de son créateur.

    Pour sûr, la manière dont Dieu se révèle apparaît pour le moins inattendue. David s’entend dire, par l’entremise du prophète Nathan, que Dieu suscitera dans sa descendance un successeur et rendra stable sa royauté. Or il se trouve que l’issue de la prophétie est pour le moins incertaine. Tant sont nombreux les meurtres, rivalités et luttes de pouvoir qui accompagnent la fin du règne de David. Son fils Salomon qui montera sur le trône connaîtra certes la gloire mais aussi provoquera, par sa démesure et son inconstance, la ruine de son royaume. Avec l’Exil à Babylone, les fondements de la royauté disparaissent et le temps des prophètes est suivi d’un long silence.

    Aussi, l’irruption de l’ange Gabriel dans la demeure de Marie, fiancée à Joseph, un descendant de David, laisse entrevoir une perspective qu’on ne pouvait pas soupçonner. Au fil des événements, il apparaît que c’est vraiment Dieu qui est le maître du temps et de l’histoire. Au milieu de l’effervescence que génère la présence romaine sur ce petit territoire de Judée, Dieu continue à tisser son plan de salut. A l’insu et dans l’ignorance de tous. Il nous fait ainsi pénétrer dans le silence de cette maison où la jeune Marie va consentir à laisser Dieu la prendre sous son ombre. Comme jadis la nuée avait recouvert le Temple bâti par Salomon.

    Dieu choisit d’entrer sans effraction dans notre humanité. Il vient pour y habiter d’une manière totalement nouvelle, mais selon un mode que lui-seul connaît et maîtrise. En s’adressant à son cœur et à sa conscience libre, en lui accordant la plénitude de sa grâce, Dieu permet à Marie de coopérer à son œuvre de salut. Marie est la personne qu’il fallait. Et le Seigneur l’a choisie entre toutes les femmes. Il l’a dotée de toutes les grâces, afin de pouvoir se manifester dans l’humanité sans cesser d’être ce qu’il est.

    Marie est totalement libre et disponible pour entrer dans le Mystère de Dieu. Mystère que Saint Paul a si bien perçu. Comme il l’écrit dans la conclusion de sa lettre aux Romains, ce « mystère » gardé dans le silence, manifesté par les prophètes, est maintenant révélé et porté à la connaissance de toutes les nations. Le mot « mystère », mysterion en grec, signifie, dans sa racine étymologique, « secret ». Le secret n’est pas une réalité qui doit demeurer cachée pour ne pas être révélée. Au contraire, le mystère de Dieu, son projet de salut, pour être bien reçu, pour être accueilli dans toute sa richesse, doit être préparé. Porté, mûri dans le temps. Reçu dans le silence du cœur. Dans une écoute attentive, dans une qualité d’accueil qui permet la reconnaissance, l’adhésion, ce qu’on appelle la foi.

    Autrement dit, Dieu ne pouvait venir habiter parmi les hommes et se faire homme sans cette longue préparation. Avec ces hésitations et soubresauts que comporte l’histoire humaine. De même, nul ne peut vraiment entrer dans le « mystère » de l’Incarnation s’il ne commence pas par faire silence dans son cœur. Par s’éloigner de tout ce qui est extérieur, parasite. Assumer les errances et les contradictions de sa vie. Dépasser les doutes, chasser les peurs, pour s’ajuster à l’attitude de Marie et imiter son exemple. Voilà comment, dans la foi reçue de Dieu, le Verbe, la Parole du Seigneur pourra se faire chair en nous. Comme il a pu s’incarner dans le sein de Marie.

     Dans le silence de nos cœurs…

    Loin de tout ce qui pourrait nous distraire, nous sommes invités à ouvrir notre esprit à l’Esprit du Dieu vivant, si nous voulons vraiment entrer dans la joie de Noël. Si nous n’avons pas la même foi, la même disposition que Marie, du moins pouvons-nous manifester le désir d’en recevoir une part. En fait, Dieu ne nous demande rien d’autre que de le laisser entrer chez nous, dans notre demeure intérieure. Comme le roi David, ce n’est pas nous qui devons lui construire une demeure. C’est bien lui qui fera de nous la demeure de son bon vouloir, à condition que nous y consentions.

    Alors, puissions-nous dire comme Marie et avec elle : « Je suis ton serviteur, ta servante. Qu’il me soit fait selon ta parole ». Et osons ajouter : « Viens encore, Seigneur, et aujourd’hui, puisses-tu naître en moi pour y faire ta demeure et me combler de ta joie ! »

Fr Arnaud Blunat op.

Lien vers la décoration florale du jour: « Chez Marie… »

Lien vers la prédication de la nuit de Fr Hervé Ponsot: Bergers, ou en est la nuit ?