Dans le silence du désert, de Fr Denys Sibre

La première tentation du Christ au désert. (vers 1222)

Le Christ au désert - La première tentation

Mt 4, 1-11

Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable.

Homélie dominicale de Fr Denys Sibre :

Version phonique :

Version écrite :

 Dans le silence du désert.
            Le coup d’envoi du Carême a été donné le mercredi des Cendres. Il faut maintenant partir. Pas seulement d’un bon pied mais de bon cœur. A nous d’être tout tendus vers le seul but qui justifie le Carême : devenir des hommes nouveaux, des hommes de Pâques.
            Mais au début de ces 40 jours, nous sentons bien où le bât blesse. Il y a en nous tant de choses qui demanderaient à être déblayées, à être changées si nous voulons célébrer en vérité la Sainte nuit de Pâques. Nous ne savons peut-être pas par quel bout commencer. Et puis nous sommes peut-être fatigués pour nous lancer une nouvelle fois entreprise. Je pense à ce que me disait hier cette personne.  » Depuis des années, j’essaie de vivre le Carême mais rien ne change. Je suis toujours le même, toujours aussi loin de l’Évangile. Je pense que je n’arriverai pas à changer. » Frères et sœurs, bien fraternellement, je vous le dis : « Ayons confiance ! Essayons encore ! Ne craignons pas de prendre le chemin qui nous conduit à Pâques ! Le Seigneur marche avec nous et, jour après jour, il nous donne les vivres dont nous avons besoin. »
            Eh bien, sans attendre, entrons dans le vif de notre Carême. Le rideau se lève sur ce paysage fabuleux : Le désert.
            Le désert ! Là, le Christ revit l’histoire de ses ainés. Durant 40 ans passés au désert, les Israélites avaient succombé à la tentation. Tentation de l’infidélité. Tentation de l’idolâtrerie. Lui, Jésus, tenté reste fidèle. Fidèle à son Père. Fidèle à la mission reçue. Loin de tout pouvoir. Loin de toute domination. Dans l’humilité servante.
            Au désert, Jésus se montre vainqueur dans la force de l’Esprit et par là nous donne un avenir tout en nous indiquant ce qu’est en fait tout itinéraire vers Pâques : Un COMBAT ! Nos voilà renvoyés, frères et sœurs, à ce constat qui ne vieillit pas : la vie chrétienne est un combat. Un combat contre quoi, contre qui ? Contre tout ce qui en nous et surtout de nous cherche à nous faire perdre notre visage du Christ. Combattre, oui, pour demeurer fidèles. Au Christ, à notre baptême, à notre Église, à  notre prière, et à nos engagements. Chacun sait très bien où il doit bagarrer pour demeurer fidèle. C’est dans l’Esprit que Jésus a été vainqueur. Nous aussi, en compagnie de l’Esprit, nous pourrons être vainqueurs.
            Le désert : un lieu de combat. Mais aussi un lieu de silence.
Vous le savez bien, le désert est à l’opposé de ce que sont nos villes et nos cités. Le désert, oui, comme une offrande de silence. Nos villes et nos cités sont devenues la proie de tant de bruits, bruits de toutes espèces, bruits que l’on déclare fuir mais que l’on recherche insidieusement comme une drogue, sans nous rendre compte que nous sommes en manque de nous-même et en manque de Dieu.
            L’Évangile de ce dimanche nous révèle à sa façon, le bruit peut être aussi une tentation. Non seulement de nous laisser envahir par le brouhaha extérieur mais encore de nous rendre esclaves des folles rumeurs de nos passions intérieures. Elles font parfois un tel remue-ménage qu’elles forment en nous un mur qui nous empêche de nous retrouver nous-même et d’être disponible à l’aventure intérieure en compagnie du Dieu vivant.
            Frères et sœurs, je le crois, il y a peut-être urgence à faire désert en nous. Il y a peut-être urgence à réapprendre le silence. Faire désert en nous pour écouter le silence qui a ses intensités, ses couleurs et ses messages. Faire désert en nous pour rencontrer une PRÉSENCE, la PRÉSENCE du Dieu vivant, plus intime à nous-même que nous même.
            Mais me direz-vous, le silence a ses ambiguïtés. C’est vrai, il peut être qualifié de coupable. Il peut être provoqué par la peur. Des silences moqueurs. Des silences d’indécision. Sans compter ce terrible silence qui s’appelle la solitude. Mais vous l’avez bien compris, il est question ici d’un autre silence, d’un tout autre silence qui est disponibilité, réceptivité, accueil, et c’est ce silence-là qui nous installe en nous et qui nous apprend aussi l’écoute des autres.
            Pas toujours facile, je le sais bien, d’abandonner le chantier de nos activités pour faire silence. Peut-être pourrions-nous quand même pendant ce Carême essayer de nous orienter vers ces lieux et ses instants plus paisibles que d’autres… le fond de notre chambre, ce coin de nature, cet oratoire… ou ailleurs… C’est là que Dieu nous attend et veut parler à notre cœur. Une fois de plus, c’est l’Esprit Saint qui nous offre ce temps de désert qui n’est pas évasion du réel mais enracinement dans la charité.
            Ce soir, frères et sœurs, laissons monter cette prière : « Restaure en nous Seigneur, tout au long de ce Carême, la part de silence dont nous avons tant besoin et que nous volent tant de bruits ! « 
Fr Denys Sibre op.

Lien vers la liturgie florale du jour:Il a vaincu la tentation