Prédication du frère Jean-Marc Gayraud pour la translation de saint Dominique (Mt 5,13-19)
L’un des traits les plus remarquables de St Dominique, c’est son cheminement en tant que tel. Cheminement qui est par lui-même signe d’Évangile. Au hasard des événements et des circonstances, des rencontres et des remises en question, c’est toujours l’Évangile qui guide les choix et les décisions de Dominique. Il est « vir evangelicus » comme dit Jourdain de Saxe pour ne jamais cesser de confronter la réalité vivante qui s’offre à lui aux exigences de l’Évangile.
Dominique nous montre ainsi que l’Évangile est une invitation permanente à un renouvellement permanent, à une conversion, une transformation, une exposition sans réserve à tout imprévu pouvant toujours se présenter à nous. Détachement et engagement sont la marque propre et continue d’un tel cheminement. C’est la marque de Dominique.
Le « vir evangelicus » est sel de la terre et lumière du monde. Pour Dominique, le sel gagne en saveur s’il est servi, la lumière en intensité si elle est exposée. Cette saveur chaque fois plus exquise, cette intensité toujours croissante, c’est l’amour du Christ. Amour jusqu’à la croix, sans mesure, qui peut toujours croître en nous, dans les autres, des uns aux autres. Amour qui grandit toujours à proportion de l’expérience intime du salut.
La charité, la compassion de Dominique en est une expression remarquable. Charité qui s’approfondit et s’élargit à longueur de nuits et de jours, de prière et d’action. Elle est le cœur de son union au Christ comme de sa passion pour le salut des hommes. C’est là pour Dominique un seul et même acte vital, un acte toujours en mouvement, en recommencement.
Il est d’ailleurs significatif que l’on n’indique pas comme vertu première du fondateur des prêcheurs l’éloquence, l’intelligence, la sagacité, que sais-je, mais bien la charité.
St Dominique nous rappelle que les plus beaux actes de prédication, d’enseignement, de réussite apostolique ne valent pas le plus humble signe de conversion, de remise en question, de renouvellement ou plutôt, que ceci confère à cela sa validité. C’est la prédication même à laquelle nous sommes appelés qui exige de nous une telle disposition du cœur. C’est l’annonce de l’Évangile qui nous engage à vivre en charité : verbo et exemplo. Et c’est ce qui peut nous donner le droit d’appeler un couvent, une « sainte prédication », faire de nous des prêcheurs qualifiés de l’Évangile du salut.
Ce qui compte, à la suite de Dominique, ce n’est pas de savoir, entre tiédeur et ferveur, où pourrait se situer le curseur d’une vie de prêcheur. Personne ne peut d’ailleurs en juger et ça n’a en réalité aucun intérêt. Ce qui compte, à la suite de Dominique, c’est que ce curseur se déplace dans la bonne direction, surtout s’il a pu connaitre, par mégarde, quelques ratés en sens contraire. Ce qui compte, c’est de donner de la saveur au sel en le servant, de l’éclat à la lumière en l’exposant. Il s’agit donc, chaque jour plus viscéralement que jamais, de puiser aux sources de la charité du Christ et par là, et dans le même temps, d’être saisi par les appels de nos frères.
Peut-être l’avez-vous remarqué : frères prêcheurs, nous sommes ainsi faits que nous avons bien souvent l’opportunité de vivre des conversions dans notre existence religieuse, ad intra comme ad extra, au hasard des événements et des circonstances, des rencontres et de remises en question. Signe que nous sommes décidément faits pour annoncer le Christ, le sauveur de nos vies !