Prédication du frère Damien Duprat le 22 mai (Ac 18,9-18 et Jn 16,20-23a)
Douleurs et tristesse, puis la joie : tel est le thème de cet Évangile. Dans sa Passion, le Seigneur Jésus a éprouvé la souffrance, mais cette souffrance a laissé la place à la joie de sa résurrection.
Pour évoquer cela, Jésus utilise l’image de la mise au monde d’un enfant. Le choix de cette comparaison est riche d’enseignements. C’est pourquoi je vous propose d’explorer quelques caractéristiques les plus habituelles des douleurs de l’enfantement, et de voir ensuite comment cela peut s’appliquer non seulement à la Passion du Christ, mais aussi à notre propre vie.
La venue au monde d’un enfant occasionne ordinairement une douleur à laquelle sa mère ne peut se soustraire, et qu’elle n’a pas le pouvoir de retarder. Voilà une première propriété à retenir : c’est une peine inévitable.
Mais heureusement, si la femme qui enfante souffre, ce n’est pas en pure perte : ses douleurs ne sont pas vaines, elles sont au contraire le plus souvent fécondes, et c’est là une deuxième caractéristique importante.
Enfin, Jésus attire notre attention sur un troisième élément : les douleurs d’une naissance sont temporaires. Non seulement elles ne durent qu’un temps, mais il faut remarquer aussi que la cause même de ces souffrances, c’est-à-dire la mise au monde de l’enfant, est elle-même un sujet de réjouissance. C’est pourquoi la joie qui succède à la peine n’arrive pas par surprise ; au contraire, en entrant dans les douleurs, la femme qui enfante sait déjà que celles-ci laisseront bientôt place à l’allégresse de la naissance.
Jésus nous parle donc d’une peine inévitable, féconde et temporaire.
Il n’est pas difficile de constater que ces trois caractéristiques conviennent à sa propre Pâque. Son passage de cette terre à la gloire s’est accompagné d’une douleur inévitable, du moins dans le cadre du dessein de Dieu pour nous sauver. Peut-être le Seigneur aurait-il pu nous sauver autrement… mais cela n’a pas été le cas, et comme dira Jésus aux disciples d’Emmaüs : « ne fallait-il pas que le Messie endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24,26).
Aussi, rien de ce qu’il a enduré n’a été perdu ; au contraire, ses blessures sont porteuses d’une extraordinaire fécondité. Dans l’eau et le sang qui ont jailli de son côté transpercé, l’Église reconnaît depuis toujours des symboles de la vie que l’Esprit lui donne sans mesure.
Enfin, est-il besoin de souligner que les souffrances du Christ ont été temporaires ? En entrant librement dans sa Passion, il savait déjà quelle en serait l’heureuse issue.
La seule raison d’être de la Croix, c’est de nous réconcilier avec Dieu pour toujours, pour que nous connaissions auprès de lui une joie sans fin. C’est pourquoi nous pouvons appliquer à nos propres tribulations les trois caractéristiques que j’ai mises en évidence.
Notre existence est en effet marquée par des douleurs inévitables. Bien sûr, cela ne concerne pas seulement les fidèles du Christ, mais bien plutôt tout le monde, même si c’est à des degrés très variés. Pourtant, il est vrai que le choix de vivre en communion avec le Dieu vivant et vrai occasionne souvent des souffrances supplémentaires. « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu », diront Paul et Barnabé pour encourager les disciples (Ac 14,22).
Nos épreuves peuvent donc être fécondes, porteuses d’un fruit de salut pour nous et pour les autres, et cela dans la mesure où nous les traversons en étant unis au Seigneur. Enfin, les angoisses de cette vie n’ont qu’un temps ; comme dit encore saint Paul : « il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous » (Rm 8,18).