Du corporel pour le ciel

15 août 2022 – Solennité de l’Assomption de la Vierge Marie,
patronne principale de la France
Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab ; Ps 44 (45) ; 1 Co 15, 20-27a ; Lc 1, 39-56
Homélie du frère Jean-Marc Gayraud



L’Assomption de la Vierge Marie – Jacques de Létin, huile sur toile, XVIIè s. – Troyes, église Saint-Remy

Assomption. Dans son sens premier, le terme signifie : « assumer ». Marie a été totalement assumée, prise en charge, jusque dans son corps, par le salut de son Fils. Elle participe ainsi d’une manière unique à la résurrection de son Fils. Son corps qui a porté le Verbe du Père est porté maintenant dans la gloire du Père. Marie préfigure ainsi notre propre résurrection. Car la résurrection dans le Christ est celle de tout l’humain, et donc l’humain corporel, ce qui revient à dire, l’humain jusque dans son histoire la plus concrète. Le corps s’inscrit toujours en effet dans le temps et dans l’espace, il exprime la condition historique de l’humain.

Le corps équivaut ici à ce que la Bible appelle « la chair et le sang » à savoir, l’humanité concrète, dans sa beauté fragile, sa précarité, son histoire, mais également dans le fait qu’elle peut se couper de Dieu, être livrée à elle-même, à son désarroi, à la mort. Le corps représente l’humain dans sa beauté et sa misère à la fois. Il n’est pas respecté quand il est idolâtré ou méprisé. Le corps exprime, communique, donne, révèle. Mais il peut aussi être blessé, humilié, exploité, mercantilisé, anéanti. Le corps parle toujours. Le rapport à mon propre corps comme au corps de l’autre montre ce qu’il en est de mon rapport à moi-même et aux autres.

L’Assomption n’est pas une question physiologique, c’est un mystère théologique. Le corps est appelé à être assumé dans la gloire de Dieu. Qu’est-ce à dire ? Qu’il n’est rien de la condition humaine la plus réelle, la plus concrète, la plus passagère, qui ne puisse ni ne doive être sauvée, que l’humain est un tout et que c’est ce tout, dans son intégralité, qui est appelé à passer en Dieu.

En célébrant l’Assomption, nous célébrons cet humanisme intégral auquel Dieu nous appelle, l’humanisme de la vocation divine de l’homme, une vocation qui s’accomplit dans l’humanité de Dieu. L’humanisme chrétien est à la fois à hauteur de vie humaine et à hauteur de vie de Dieu. C’est un humanisme spirituel dans le charnel et charnel dans le spirituel. L’humanisme chrétien n’est pas perdu quelque part entre ciel et terre, il fait advenir le ciel sur la terre pour faire passer la terre dans le ciel. Tel est l’humanisme du Christ en son mystère d’incarnation, de mort et de résurrection.

Marie se trouve ainsi au cœur de notre cheminement d’humanité. Son Assomption signifie que notre histoire d’humanité n’est pas derrière nous mais toujours devant nous. A quelque moment que ce soit de notre vie et quel que soit la situation dans laquelle celle-ci nous trouve, nous avons toujours plus d’avenir que de passé. L’histoire la plus personnelle, aussi personnelle et unique qu’est chaque corps humain, cette histoire est assumée, prise en charge par le Christ. Marie en son mystère d’Assomption intercède pour nous en ce sens. Une vie peut éprouver durement le poids de ses limites, de ses failles, de son péché. Elle peut expérimenter l’urgente nécessité d’être sauvée, relevée, purifiée. Elle peut porter comme un pesant fardeau telle ou telle situation vécue. Marie opère cette profonde réconciliation avec notre propre histoire, une histoire définitivement prise en charge, assumée par son Fils. C’est au creuset de cette réalité humaine la plus concrète et la plus personnelle que Marie nous rejoint en son Assomption.

Dès lors, l’histoire présente est ancrée dans l’éternité de Dieu. Dieu fait corps avec l’humain comme il fait corps avec Marie pour assumer dès à présent notre devenir d’éternité. Il transfigure en vie nouvelle toute vie mortelle et le tout de cette vie mortelle. C’est bien ce que nous célébrons à chaque Eucharistie où nous recevons le Corps du Christ dans notre corps d’humanité. Nous faisons corps alors avec lui et entre nous. Que Marie en son Assomption, elle qui fait corps avec son Fils, nous conduise au cœur de ce mystère.

Une réponse à “Du corporel pour le ciel”

  1. Merci pour cette homélie qui nous fait mieux comprendre la signification pour toute créature humaine qu ‘ implique l ‘ Assomption de Marie : nous contemplons en elle ce que nous serons un jour si , comme elle , nous  » croyons les paroles qui nous sont dites par le Seigneur et les mettons en pratique  » .
    Il aurait été  » juste , bon  » et judicieux de parler de  » la Conception Immaculé  » de Marie , cause de son Assomption . Nous autres , pécheurs , vivrons la résurrection fruit de la Rédemption , mais pas d ‘ assomption .;  » Nous sommes poussière et retomberons en poussière  » .

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