Être berger de ses frères… de Fr Arnaud Blunat.

Jésus le berger de ses frères.

Jésus berger de ses frèresFresque église Saint Pierre Chanel.

Mc 6, 30-34

 » Alors, il se mit à les enseigner longuement « .

 

Homélie dominicale de Fr Arnaud Blunat: Version écrite uniquement

 

Être berger de ses frères

     La foule, les foules, je ne peux pas dire que j’aime vraiment.

Des foules, nous en avons vu, nous en voyons durant cet été :

Des foules joyeuses, turbulentes, parfois violentes,

Des foules de touristes sur nos plages, dans les rues de nos villes,

Des foules de migrants, hagards, désemparés, ne sachant où aller.

Des foules où on se sent à la fois étrangers et solidaires, ignorant qui est celui qui est à vos côtés, tout en partageant une même joie, une même attente, un même espoir.

      La foule, les foules, Jésus les a fréquentées.

Il en a vu de nombreuses, semblables et différentes :

Des foules bigarrées avec des riches et des pauvres,

Des foules vindicatives, des foules affamées,

Des foules avides de savoir, de comprendre,

Des foules touchées par tant d’attention, tant de compassion.

     Jésus ne s’est pas contenté de les regarder de loin,

il s’est laissé suivre et prendre par elles.

Avec ses apôtres, il a pris le temps de laisser venir à lui tous ceux qui avaient besoin de guérison, de réconfort, d’écoute, de tendresse et de pardon.

      Mais le passage de l’évangile d’aujourd’hui évoque aussi le besoin de prendre un peu de recul, un peu de repos, car la foule est innombrable, elle avance en flots continus, et chacun a besoin qu’on s’intéresse à lui. Jésus veut aussi apprendre à ses apôtres à savoir s’éloigner, le temps nécessaire, pour retrouver des forces, se ressourcer intérieurement, reprendre dans la prière ce qui a été vécu.

     Cette expérience, nous la faisons à des degrés divers, en différentes circonstances.

Être au contact des autres, se laisser approcher, se laisser toucher par celui qui a besoin d’attention, de douceur et de bonté, c’est un peu une des marques du chrétien.

Cela peut se passer dans la rue, mais aussi dans votre propre famille. Tel ami, tel parent attend de vous un peu de temps, d’attention, un peu d’affection.

     Certaines personnes au nom de leur foi n’ont pas peur de cette sollicitation. D’autres ont plus de mal, hésitent, évitent ou refusent carrément. Peut-être vous retrouverez-vous dans l’une ou l’autre de ces catégories.

     Alors, faut-il s’en vouloir parce qu’on en pense ne pas être assez disponible « donné » aux autres ? Ou parce qu’on peut être inquiet et se poser des questions devant certaines situations ?

Être chrétien ne veut pas dire être naïf, et en même temps cela veut dire rester attentif, ouvert.

« Prudents comme les serpents et candides comme les colombes », dit Jésus dans l’évangile de S. Matthieu.

      Le Pape François invite les chrétiens à s’ouvrir toujours plus aux périphéries, mais il est aussi sensible aux difficultés que tout un chacun peut vivre et rencontrer sur son passage. La mission d’évangélisation ne s’est jamais avérée aussi utile et nécessaire pour le monde d’aujourd’hui. Cependant, comment croire que l’évangile puisse atteindre chacun des 8 ou 9 milliards de personnes qui vivent sur notre terre ? Comment en effet relever un tel défi ?

     Et comment ne pas penser au cri de Saint Dominique, qui avait un sens si aigu de l’annonce de l’évangile : « mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs ? »

Pour le fondateur de l’Ordre des Prêcheurs, aucun homme ne devait être exclu du Salut en Jésus. Et si Dieu est ce Dieu d’amour et de miséricorde, comment ne se pencherait-il pas sur le sort de chacun de ces hommes pécheurs ?

     Aussi Dieu a-t-il fait ce pari fou de compter sur tous ceux qui croient en lui pour rejoindre et sauver tous les autres.

Mais, nous aurions vite fait de ne retenir que la première partie de l’évangile : « venez à l’écart vous reposer » et laisser la deuxième partie sans réponse : « Jésus fut saisi de compassion envers ces foules car elles étaient comme des brebis sans berger », mais la conclusion a de quoi surprendre : « Alors il se mit à les enseigner longuement ».

     Quel paradoxe ! Les foules demandent du pain et des jeux, elles n’attendent pas de discours. Or, nous n’avons que l’évangile à proposer. Nous voudrions pouvoir parler, témoigner, mais c’est si difficile, si ingrat, et souvent on ne nous demande rien, quand bien même on ne nous fait pas taire. Les foules n’attendent rien, et pourtant chacun a besoin d’entendre une parole de vie et de salut. L’évangile n’intéresse pas les foules, et pourtant il doit être annoncé à temps et à contre temps.

     Alors faut-il se contenter de se lamenter en voyant les foules sans berger ?

Jésus, en réalité, ne compte-t-il pas sur chacun de nous pour être berger de ses frères ?

Être berger, n’est-ce pas finalement chercher à retrouver et rencontrer la brebis égarée qui n’intéresse plus personne ?

Fr Arnaud Blunat OP.

 Lien vers la décoration florale du jour: Troupeau sans berger…?