» Père, glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie «
Homélie de Fr Rémy Bergeret :
Version phonique :
Version écrite:
La Gloire et la Croix
« Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie ». Quelle phrase étrange, si éloignée de la gloire mondaine à laquelle nous sommes habitués, rien à voir avec la série ‘Amour, gloire et beauté’ ! Arrêtons nous, justement, au verbe glorifier, cité cinq fois dans notre passage. La gloire, dans la Bible, on peut le deviner, est un attribut de Dieu : sa racine(Kabod) évoque le poids, mais pas un poids qui écrase, plutôt une présence de grand prix. Quand je confesse la gloire de Dieu -au moins chaque dimanche à la messe, en dehors du Carême-, je reconnais qu’Il a de l’importance pour moi, qu’il tient une place dans mon existence, bref qu’il donne sens à ma vie. Nous ne sommes pas loin du concept de la ‘shekinah’, la présence intense et intime de Dieu au milieu de son peuple : les tables de la loi, l’Alliance placées sous une tente ; dresser une tente, c’est demeurer(cf le Prologue de Jean « Et il a habité parmi nous »).
Mais au fait, pourquoi cette demande de Jésus, à la fin des discours d’adieux, peu avant sa Passion ? Parce que l’Heure est venue, quelle Heure si ce n’est l’heure de sa mort et de sa Résurrection. L’heure où son humanité va être pleinement glorifiée, l’heure où le Père manifeste sa divinité dans le Fils et réciproquement. Nous comprenons donc que cette gloire est inséparable de la Croix : cela, le théologien Urs von Balthasar(+ en 1988) l’a bien compris et déployé dans son œuvre magistrale « la Gloire et la Croix ».
Ainsi, nous sommes dans le registre d’une immense communion de grâces car cette gloire, apanage du Père, du Fils et de l’Esprit, est en quelque sorte communiquée aux hommes en vie éternelle. Nous sommes aussi dans le registre de la connaissance. Oui, nous sommes tous appelés à connaître le seul vrai Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ. Mais, qu’est ce que connaître ? Nous sentons bien que cela dépasse la connaissance intellectuelle, encore que la mémoire des paroles, des gestes, du comportement de Jésus, c’est déjà pas mal. Mais le connaître, c’est l’aimer vraiment par une sorte de sympathie extrême, le désir de lui consacrer notre vie entière. Et qu’est ce que glorifier Dieu si ce n’est faire sa volonté, réaliser totalement les œuvres de miséricorde (Mt 25). Cela, S.Irénée l’a fort bien exprimé « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». C’est-à-dire l’homme engagé dans le service de la Création, solidaire de toute l’humanité, faisant le bien sans relâche, accomplissant l’unique commandement de la charité. Bref, un homme debout, dans la posture de la Résurrection.
Dans ces hommes que le Christ a sauvés, libérés de l’esclavage du péché et de la mort, le Christ est glorifié « Je suis glorifié en eux ». Qu’est ce à dire sinon que Dieu est présent en tout homme de par leur Création d’abord et la Rédemption ensuite. Il en découle que tout être humain est mon frère en humanité et aussi mon frère en Jésus-Christ. Voilà, en clair, ce que signifie la glorification et la gloire. Deux mots bien difficiles pour notre mentalité moderne, mais qui gardent leur sens et leur actualité au cœur de notre foi chrétienne. Accueillons-les avec bienveillance. Ils nous disent dès maintenant quelque chose d’éternel du Mystère de la Trinité que nous célébrerons dans quinze jours.