12 février 2023 – 6è dimanche du T.O., année A
Si 15,15-20 ; Ps 118 (119) ; 1 Co 2,6-10 ; Mt 5,17-37
Homélie du frère Jorel François
« Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes; je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5, 17).
Jésus fait cette déclaration alors qu’il vient de prononcer les « béatitudes ». Nous sommes au début d’une sorte de discours-programme, cœur de la bonne nouvelle de Jésus, et qu’il accomplit avant tout dans sa vie, par sa pratique, lui qui, de condition divine, nous rejoint dans notre humanité pour lui rendre sa dignité.
Heureux les pauvres en esprit, heureux les affligés. Heureux les doux, les affamés, les assoiffés de justice. Heureux les miséricordieux, les cœurs purs. Heureux les artisans de paix, ceux qui sont insultés, calomniés; jubilez de joie, car votre récompense sera grande dans les cieux (cf. Mt 5, 3-12).
Si nous faisons le décompte de ces béatitudes chez Matthieu, nous constaterons qu’il y en a neuf, arrondissons alors à dix, ce qui renvoie, pour une oreille avertie, au décalogue, ce que nous appelons les dix commandements, qui méritent aussi d’être rappelés, étant donné la suite :
Tu n’auras pas d’autres dieux que moi ni ne feras d’images taillées; tu ne me mêleras pas à ce qui est mensonger ni ne travailleras le jour du repos; tu ne déshonoreras ni ton père ni ta mère, tu ne seras pas homicide; tu ne porteras ni de faux témoignages ni ne mentiras; tu ne convoiteras ce qui est à ton prochain ni ne voleras et ni seras adultère. Un seul Dieu tu adoreras (Ex 20, 1-17).
Dix paroles donc données par Moïse au Sinaï pour qu’Israël puisse vivre tranquillement, paisiblement une fois en terre promise.
De même que Moïse gravissait la Montagne pour dicter ces dix Paroles, et donc la Loi ancienne, Jésus escalade, prend de la hauteur, et dicte, pour ainsi dire, la Loi nouvelle.
Mais ses auditeurs ont-ils compris qu’il y a dans cette mise en scène et tout ce symbolisme quelque chose qui renvoie à Moïse, ont-ils compris que l’écrivain biblique est en train de présenter Jésus comme le Moïse de la Loi nouvelle? Dans quelle mesure cette loi est-elle vraiment nouvelle?
Toujours en étant sur la montagne, Jésus poursuit son propos, et c’est bien ce que nous avons écouté, au moins en partie, dans l’évangile du jour.
Un enseignement nouveau, dira-t-on. Au moins par six fois de suite, Jésus semble prendre le contre-pied d’une certaine tradition (Mt 5, 22.28.32.34.39.44). Et l’auditoire l’a bien compris. À la fin du discours, au septième chapitre, la foule ne manque pas de faire remarquer, sous la plume de l’évangéliste, et avec admiration, que Jésus n’enseigne pas comme les docteurs de la loi (Mt 7, 28-29).
La précaution oratoire qui ouvre la démarche de Jésus invite pourtant à ne pas trop crier à la caducité de l’ancien tout comme accomplir n’est pas non plus reprendre textuellement, ni platement appliquer la lettre de ce qui est donné, demandé (Mt 5, 17).
Accomplir, c’est même, manifestement, aller au-delà de la lettre pour s’ouvrir à l’Esprit, c’est transcender le juridisme pour laisser le champ libre au bien.
Il s’agit d’approfondir, ou encore de savoir tirer du neuf de l’ancien; il s’agit de savoir apprécier, dans son cœur, la nouveauté du message évangélique, s’ouvrir à ce Dieu qui fait toute chose nouvelle.