Jésus rejeté par les siens… de Fr Arnaud Blunat

Jésus rejeté par les siens…

Jésus rejeté par les siens

Anthony van Dyck, début du 17e siècle. Esquisse au crayon et à l’encre.

Lc 4, 21-30

Dans la synagogue, tous devinrent furieux.
Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville,  mais lui,
 passant au milieu d’eux, allait son chemin.

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Homélie dominicale de Fr Arnaud Blunat: Jésus rejeté par les siens…

Version phonique:

Version écrite:

Jésus rejeté par les siens…

     En quelques minutes, tout a basculé. La foule assemblée dans la synagogue de Nazareth est passée de l’admiration à la colère, de la bienveillance à la violence. Ce qui se passe à ce moment préfigure ce qui se passera à Jérusalem, lorsque la foule se retournera contre Jésus pour le condamner.

     Jésus a bien saisi les véritables intentions de ses auditeurs. Derrière un étonnement de bon aloi, une admiration feinte, il a perçu en eux un sentiment d’incompréhension et un esprit de défiance. Les nouvelles qui sont parvenues jusqu’à Nazareth ne passent pas. Elles suscitent la consternation. Alors que Jésus a été accueilli favorablement partout où il est passé en Galilée, le voici reçu avec méfiance et suspicion quand il revient parmi les siens.

     Pour autant, mettons nous à la place de ces hommes. Ils ont de quoi être étonnés par ce qu’ils entendent. Jésus est bien l’un des leurs. Ils le connaissent depuis tant d’années. C’est un homme sans histoire, le fils de Joseph le charpentier. Sa famille est bien intégrée dans la vie du village. Or tout a changé lorsqu’il a décidé de partir vers le Jourdain où il a été baptisé par Jean, lorsqu’il a appelé à lui des disciples, commencé une vie de prédicateur itinérant, réalisé miracles et guérisons. On peut donc comprendre l’étonnement des nazaréens.

     Ce qui est d’autant plus surprenant, c’est que Jésus semble lire de l’intérieur ce qui est logé au plus profond des consciences. Et c’est pourquoi il n’hésite pas à faire référence à ce qui s’est passé au temps des prophètes Élie et Élisée. Au fond, Jésus ne fait que leur dire qu’ils sont en train d’agir de la même manière. Les enseignements du passé sont restés sans effet. Les habitants de Nazareth ont bien du mal à admettre que Jésus puisse agir au nom de Dieu. Et comment les en blâmer ? Sont-ils à ce point enfermés dans leurs modes de pensée étriqués, incapables de réaliser l’aujourd’hui de Dieu à l’œuvre dans la personne de Jésus ?

     Ce qui va déclencher leur colère, c’est le fait que non seulement que Jésus se présente comme prophète et envoyé de Dieu, mais c’est aussi qu’il les juge incapables de se convertir. Encore une fois, comment leur donner tort ? Rien ne pouvait laisser présager de ce changement de situation. Et d’autant plus que Nazareth était un village ignoré de tous, jamais évoqué par aucun prophète : que pouvait-il sortir de bon de Nazareth ? avait dit Nathanaël.

     Alors on veut bien croire que nul n’est prophète en son pays, mais comment faire pour reconnaître en celui qui nous est si proche, celui qui vient au nom du Seigneur ? Comment reconnaître que dans notre vie, Dieu nous parle à travers des personnes et des situations qui viennent nous bousculer, nous déranger. Comment reconnaître dans la vie la plus ordinaire, ce mode par lequel Dieu se rend présent ?

     Vous voyez, frères et sœurs, comment cet épisode peut nous renvoyer à notre propre expérience ? Dieu ne cesse de nous interpeller, de provoquer notre foi, au travers de ces innombrables situations de notre vie quotidienne, où nous avons tant de mal à réaliser sa présence et son agir.

     Les habitants de Nazareth n’attendaient pas davantage que ce que tous les juifs attendaient, à savoir la venue du Messie. Mais pouvaient-ils imaginer que celui-ci viendrait à travers l’un d’entre eux, et de cette façon si imprévisible ? Assurément non !

     Les hommes qui étaient ce jour réunis dans la synagogue de Nazareth connaissaient les Écritures mais leur cœur demeurait néanmoins fermé au sens des Écritures. Or, quand Dieu se révèle, ce n’est pas selon un mode extérieur à l’homme, mais c’est bien au plus profond de lui-même, dans le cœur et la conscience de l’homme. C’est en faisant route avec eux, en partageant leur existence, leurs joies et leurs souffrances. C’est le sens même de l’incarnation : Dieu se fait l’un de nous pour que nous découvrions en nous ce qui est appelé à la communion avec Dieu. Cette extrême simplicité, cette discrétion, cette justesse que Jésus a manifestée durant sa vie à Nazareth est la marque de Dieu en nous.

     Ce que le péché a hélas dénaturé, perverti, Jésus est venu le restaurer, le restituer par sa grâce. Or cette grâce, c’est cette capacité d’accueillir au plus profond de nous la présence de Dieu, comme un don gratuit. Ce don nous purifie de ce refus fondamental, radical, de laisser Dieu venir à nous pour y faire sa demeure.

     Les habitants de Nazareth pouvaient-ils réaliser et reconnaître la grâce qui leur était faite ? Il fallait sans doute cette étape dans le plan divin. Plus qu’un malentendu, c’est un drame, qui est en fait le drame de toute notre humanité, et que Dieu néanmoins assume en donnant son Fils.

     Voilà donc Jésus rejeté par les siens comme il le sera à Jérusalem, comme il peut l’être encore aujourd’hui, par tous ceux qui savent bien qui il est, mais qui refusent de dépendre de lui et de son amour.

     Le vrai problème pour notre humanité est de savoir si elle peut continuer à vivre sans Dieu, sans l’Amour qu’il nous donne. « Sans amour, je ne suis rien », dit Saint Paul, « je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante ». Comprenons : Ma vie n’est qu’un montage artificiel, une façade en trompe l’œil, une pitoyable gesticulation.

     Trop souvent, nous condamnons Jésus à rester en dehors de notre champ visuel et nous préférons continuer à gérer nos affaires par nous-mêmes.

     Mais Jésus ne se laisse pas impressionner. Personne ne peut mettre la main sur lui. C’est lui-même qui donne sa vie. Voilà pourquoi au moment où les habitants de Nazareth veulent le précipiter du haut de la falaise, Jésus passe au milieu d’eux. « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne ». «Mon heure n’est pas encore venue ».

     Puisse désormais notre vie basculer du bon côté, en n’étant pas du côté de ceux qui condamnent, par ingratitude, dureté de cœur, ou par lâcheté. Que l’amour de Jésus, que nous avons reçu au baptême, irrigue en permanence notre existence, dans l’espérance de le recevoir et d’en vivre en plénitude.

Fr Arnaud Blunat.op

Lien vers la décoration florale du jour : Il vient pour tous…

 

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