La foi des bergers

Dimanche 1er janvier 2023
Solennité de Sainte Marie, mère de Dieu
Nb 6, 22-27 ; Ps 66 (67) ; Ga 4,4-7 ; Lc 2, 16-21
Homélie du frère Arnaud Blunat



L’adoration des bergers – Lorenzo Lotto, huile sur toile, v. 1534 – Pinacothèque Tosio Martinengo, Brescia, Italie

Dimanche dernier, nous étions restés sur notre faim. Enfin, vous peut-être pas, mais moi oui ! Je m’explique. Dans la nuit de Noël, nous avons entendu l’évangile de la Nativité, la naissance de Jésus. Mais le récit s’est interrompu après la mention du chant des anges et l’annonce faite aux bergers. Il manquait la suite…

La suite, c’est ce que nous venons d’entendre à l’instant, la visite des bergers à la crèche. J’attendais ce moment extraordinaire, cette incroyable rencontre entre Marie et les bergers. « Les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire »

Qu’est-ce qu’il y a donc d’extraordinaire ? Et bien, c’est que les bergers ont d’abord vu Marie, puis Joseph et enfin l’enfant nouveau-né.
Pourquoi Saint Luc a-t-il ainsi choisi cet ordre ? Il aurait en effet pu dire : ils découvrirent l’enfant nouveau-né, Marie et Joseph. Pourquoi avoir donc choisi de mettre Marie en premier ?

Luc aurait pu aussi bien dire : Ils virent Joseph et Marie. Non, Marie est citée en premier.
Normal, me direz-vous, ils voient d’abord la mère, ils sont touchés par ce spectacle si émouvant d’une mère penchée sur son enfant.

Mais c’est pourtant l’enfant qui leur a été donné comme signe, non sa mère, encore moins son père.

Luc n’a pas laissé ce détail par hasard. Voilà pourquoi il nous faut chercher à comprendre le sens de cette disposition des mots.

Les bergers sont donc saisis en voyant au premier regard cette jeune mère, que Luc désigne d’ailleurs par son prénom, Marie, comme à l’Annonciation. Ils voient ainsi Marie toute rayonnante de sa maternité, dans la gloire de sa virginité, comme le dira la préface et l’introduction de la prière eucharistique.

Marie leur apparaît remplie de simplicité, de douceur et d’amour, de sorte que les bergers ne sont nullement gênés, ils se sentent comme accueillis par la tendresse de cette mère, atteints par la grâce dont elle est elle-même comblée.

Les bergers voient aussi Joseph avec elle, manifestement tout près d’elle. Tous les deux forment un couple uni, aimant, penché sur cet enfant dont il est dit qu’il sera le Sauveur de tous les hommes.

Cet enfant couché dans une mangeoire, un peu comme eux, les bergers, parce qu’ils n’ont pas d’autre berceau à offrir à leurs propres petits. Couché dans une mangeoire, lui qui sera donné en nourriture, parce qu’il sera le pain vivant descendu du ciel.

Joseph se tient entre Marie et l’enfant, comme l’homme juste dont parle Saint Matthieu, l’époux et père attentif, prévenant, à l’écoute de ce que Dieu lui indique par l’intermédiaire de son envoyé, son ange. Joseph assume sa responsabilité de protecteur de cette sainte famille dont il est le pilier central.

Marie, Joseph, et l’enfant – qui recevra son nom au 8ème jour selon la coutume juive, constituent une famille équilibrée, unie par des liens d’amour, d’affection, de mutuelle dépendance.
Telle est la sainte famille qui nous est donnée en modèle.

Marie, quant à elle, accueille les bergers et leur communique sa propre joie spontanée qui surpasse les inquiétudes et les angoisses des jours précédents. Les bergers repartent tout joyeux et deviennent les premiers messagers de l’évangile, la bonne nouvelle qui leur a été communiquée par les anges, et qu’ils sont venus constater en direct. Leur témoignage surprend, étonne, réjouit les habitants des alentours. N’est-ce pas là assurément un signe du ciel ? Que Dieu s’adresse à des bergers, c’est bien cela qui est extraordinaire.

Et si les bergers ont ainsi été émerveillés et transformés par cette belle nouvelle, c’est bien pour que nous-mêmes le soyons à notre tour.

Ainsi nous sommes invités à vivre cette même rencontre au seuil de cette nouvelle année. Marie nous est donnée pour mère parce qu’elle est vraiment la Mère de Dieu, du Dieu qui s’est fait homme, qui a pris chair de sa chair comme le dit le credo, tout en étant consubstantiel au Père.

Vrai Dieu et vrai homme, Jésus assume parfaitement les deux natures divine et humaine dans l’unité du Verbe. Dieu dans sa parole, son verbe, assume notre condition, pour que nous puissions être unis à lui.
Cette union se fait déjà pour nous et en nous par la foi, avant de pouvoir être réalisée par la vision.
La parole et la vision, c’est bien cela qui constitue la matière de cette rencontre entre l’homme et Dieu. Et c’est en ce sens qu’elle est extraordinaire. Car lorsque s’associent la parole et la vision, la parole et l’action, c’est là que la rencontre peut se passer. Les bergers ont entendu la parole de l’ange, ils ont vu la Vierge Mère. La conjugaison des deux, la parole et la vue produisent ainsi ce choc intérieur, cette expérience intime que nous appelons la foi. Les bergers sont ainsi les premiers témoins, les premiers croyants, avant que Saint Jean ne dise lui-même : « ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons » (1 Jn 1,1.3).

Frères et sœurs, comprenons bien l’importance de placer la Vierge Marie au commencement de cette année civile, afin que ce soit vraiment elle qui nous accompagne au milieu de la vie de notre monde, au cœur de notre société où nous devons témoigner de la présence et de l’agir de Dieu.

Que notre année soit portée par la prière de Marie, par la bénédiction que nous recevons depuis des générations, ainsi qu’elle a été exprimée dans la première lecture, avec la bénédiction donnée par Dieu à Moïse, transmise à Aaron et à ses fils, et par eux à tous les fils d’Israël. Quelle est donc cette bénédiction, quels sont ces bienfaits que nous attendons de Dieu ? Non pas seulement de pouvoir vivre en bonne santé et dans la paix, mais de pouvoir recevoir sa lumière, que la lumière de son visage puisse rayonner sur notre propre visage, comme il en fut pour Marie et pour les bergers. Oui, nous aspirons à vivre dans la lumière de notre Seigneur et Sauveur, afin de pouvoir un jour le voir, le contempler face à face, dans la lumière véritable.

Alors que vous souhaiter, sinon que vous viviez une année de grâce, lumineuse, rayonnante, ardente, une année à vivre dans la foi, l’espérance et la charité, où vous ressentiez vraiment la présence de Marie à vos côtés dans les moments de joies comme dans les moments de peines, les doutes et les épreuves.

Que le Seigneur vous bénisse et vous garde, qu’il vous découvre sa face et vous donne sa paix. Amen !

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