La parabole du gérant malhonnête

6 novembre 2020
Dans notre diocèse, mémoire du Bx Urbain V, pape (XIVè s)
Ph 3,17-4,1 ; Ps 121 ; Lc 16,1-8
Prédication du frère Joseph-Thomas Pini

Marinus van Reymerswaele, La parabole du gérant malhonnête, sur bois, 1540

Dans la merveille immense de la Révélation, acquise une fois pour toutes en Jésus Christ, mais en développement continuel dans les cœurs qui s’ouvrent à elle, la méthode de Dieu revêt une importance presqu’aussi grande que le message lui-même. Et pour cause : si le message est tout entier dans le Christ Verbe de Dieu, la méthode, de patience, d’avertissements, qui mêle la lente imprégnation et croissance de la sagesse dans les cœurs droits et attentifs aux chocs de l’histoire et à leurs relèvements, et aux messages prophétiques, cette méthode culmine dans l’Incarnation et tout ce qu’elle implique de la saisie de l’humanité par la divinité. Alors il ne faut pas nous laisser désorienter ni désarmer : le Dieu d’amour qui veut qu’aucun parmi ses enfants ne chute, lorsque Jésus accomplit des gestes ou prononce des paroles déroutantes, ce Dieu parle, comme Il nous invite à regarder avec Lui et en Lui les évènements déroutants du monde et de notre vie, et Il parle de Son dessein de vie et de bonheur pour nous en rappelant Sa bonté en même temps que Sa puissance.

Ce préambule de la foi apparaît d’autant plus nécessaire aujourd’hui, et au fil de notre lecture de l’Évangile de Luc, car le début du chapitre 16 que nous venons de proclamer, comme celui qui suit, peuvent décontenancer, car l’oreille y entend Jésus faire l’éloge de la ruse et de la malhonnêteté du mauvais gérant. Ajouter le faux en écritures privées à l’escroquerie et à l’abus de biens ne semble, a priori et à vue humaine, pas souhaitable moralement, à tout le moins. Mais voilà précisément une clé de la leçon donnée par le Seigneur. « Voici ce que vos yeux humains voient et vos oreilles humaines entendent », dit-Il, et voici, plus largement, où et à quel point vos cœurs sont engourdis par le péché, rendant les fils de ce monde effectivement les plus habiles dans le monde et selon l’esprit du monde, au sens des Évangiles. Paul le redit autrement : le ventre peut facilement devenir un dieu, et l’homme s’attacher aux seules choses de la terre. Or, la Croix du Christ, le don suprême de l’amour divin dans l’humanité offerte de Jésus, qui seul sauve le monde et redonne la vie véritable, oblige à regarder plus haut et autrement, et remet tout en ordre en tant que sagesse de Dieu. Vivre ainsi est antinomique avec la vie en Dieu. Cette dernière ne nous fait pas quitter le monde, où nous avons un office à tenir, celui de la sanctification par nos activités pour le Royaume, et de témoignage de la joie de l’Évangile dès à présent et pour toujours. Mais elle nous ouvre déjà à la vie de lumière, en fils de lumière, et nous y oblige au nom de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ. Car « nous avons notre citoyenneté dans les cieux », établis dans l’espérance de l’avènement définitif du Christ Seigneur qui déjà est présent et est à l’œuvre pour Son Père par l’Esprit Saint. A notre office s’ajoute ainsi la feuille de route : non pas faite d’extraordinaire ni de grandeur, mais d’abord de ténacité dans le Seigneur, appuyés sur Son amour.

Appuyés aussi sur Sa puissance. Car, derrière la parabole de Jésus, qui nous invite instamment à fixer notre horizon et notre principe dans les cieux, se dessine aussi la figure du Dieu seul Sauveur : l’imperfection de ce monde, ses blessures, auxquelles nous avons part et où nous devons rayonner pour nos frères du visage d’amour de Dieu, un seul les corrige vraiment, un seul les rattrape, lui qui seul diminue notre dette insolvable. Oui, notre seule vraie joie, c’est notre marche vers la maison du Seigneur, et notre véritable destination et notre paix, c’est la Jérusalem d’en-haut et sa splendeur !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*