30 juin 2024 – 13e dimanche du T.O., année B
Sg 1,13…2,24 ; Ps 29 (30) ; 2 Co 8,7…15 ; Mc 5,21-43
Homélie du frère Damien Duprat
La puissance de la foi en Jésus ! Tel est bien le thème essentiel de cet Évangile. Au début de ce récit se trouve une demande qui paraîtrait presque banale : guérir des malades en leur imposant les mains, voilà quelque chose que Jésus fait presque à longueur de page d’Évangile. Ces innombrables miracles sont l’un des fondements de l’activité de Jésus et de sa notoriété ; c’est sur cette base qu’une certaine confiance, une certaine foi en Jésus, est née dans le cœur de Jaïre, le chef de synagogue. Lui qui est dans l’angoisse que sa fille meure d’un instant à l’autre, il supplie Jésus de faire pour elle comme il a déjà fait pour tant d’autres personnes. Et Jésus accepte de venir ! C’est déjà un soulagement, mais il faut faire vite !
Et voilà qu’advient un autre miracle, un miracle à la dérobée. L’évangéliste nous renseigne d’emblée sur ce qui se passe en secret, mais prenons un instant le point de vue des spectateurs. Plus précisément, mettons-nous à la place du chef de synagogue qui voit Jésus s’arrêter au milieu de la foule qui le presse et poser cette question incompréhensible : « qui a touché mes vêtements ? » On ne sait pas si Jaïre a été aussi perplexe que les disciples de Jésus qui l’interrogent sur ses propos, ou s’il a d’emblée pressenti que le maître en qui il mettait sa foi ne saurait se tromper sur ce qui se passe vraiment. Quoiqu’il en soit, ce contretemps fait perdre de précieuses minutes ! Quelle catastrophe si Jésus était retardé au point de ne pas pouvoir arriver avant la mort de la fillette ! Et voilà qu’une femme sort de la foule et commence un récit qui prend du temps.
Là non plus, on ne connaît pas les sentiments qui dominent dans le cœur du chef de synagogue : est-il effondré intérieurement, de peur que ce retard soit fatal à sa fille ? Mais d’un autre côté, comment ne pas être bouleversé par le témoignage qu’il entend ? Comment ne se sentirait-il pas soudain étrangement proche de cette femme qui fut frappée par la maladie douze ans auparavant, comme l’âge de sa fille ? Et pas n’importe quelle maladie : un écoulement de sang qui la mettait en état d’impureté et lui interdisait l’accès à la synagogue que lui-même dirige ? Comment ne pas admirer la foi de cette femme qui ne réclamait aucun geste de Jésus, et bien plus, qui n’attendait même pas que Jésus sache quoi que ce soit de sa démarche ? Et le miracle s’est accompli ! C’est donc que la puissance de la foi est grande, peut-être encore plus grande que ce qu’il pensait !
Là-dessus tombe la nouvelle qu’il redoutait : sa fille est morte. Il a de quoi être terrassé. Dire que si Jésus n’avait pas été arrêté en chemin, il serait peut-être arrivé à temps ! Est-il possible que la mort et la vie se décident sur de telles contingences ? Si la puissance de Jésus s’arrête à guérir les vivants, c’est fini. Il n’y a plus rien à espérer. Mais aussitôt, Jésus l’appelle à croire sans rien craindre. Jaïre vient d’être le spectateur d’un miracle qui lui a montré la puissance de la foi ; sans plus tarder, il lui est demandé d’en tirer les conclusions, de devenir en quelque sorte acteur en faisant preuve lui-même d’une foi encore plus grande. Jamais il n’aurait osé imaginer que Jésus pouvait ramener un mort à la vie ; il n’avait pas de raison de le croire. C’est Jésus, en cet instant, qui lui demande de croire ce qui lui paraissait jusque là incroyable. Une telle audace dans la foi peut sembler folle, mais justement Jésus vient de montrer qu’il avait raison face à une foule qui ne comprenait pas pourquoi il s’arrêtait. Si maintenant le même Jésus lui dit de croire, n’aurait-il pas encore raison face à la foule d’objections qui se bousculent sans doute dans le cœur de Jaïre ? « Crois seulement » : c’est son unique planche de salut. Peut-être que la vie de sa fille dépend moins d’un retard de quelques minutes que de la confiance qu’il osera mettre ou pas dans les paroles de Jésus.
Et voilà que Jésus accomplit un second miracle, là aussi malgré l’incompréhension et même les moqueries initiales des témoins du décès. Désormais, ceux qui osaient mettre en doute ses paroles tout comme ceux qui le considéraient déjà comme un maître ne peuvent faire autre chose que de reconnaître en lui un maître encore plus grand, encore plus puissant.
Cet épisode est riche en émotions fortes, et je n’ai pas parlé de ce qu’a dû vivre intérieurement la femme guérie. Jésus l’a pour ainsi dire contrainte à dévoiler au grand jour la guérison qu’elle espérait sans doute secrète. Comment ne pas comprendre qu’il a voulu mettre en évidence, pour nous aussi, la puissance de la foi ? Qu’il fortifie aujourd’hui en nos cœurs la foi qu’il a fait naître lui-même, pour que nous puissions entendre nous aussi : ta foi t’a sauvé ; et aussi, lorsque nous quitterons cette vie : lève-toi, autrement dit : ne reste pas au séjour des morts mais ressuscite pour entrer dans la vie éternelle !