La tempête apaisée

20 juin 2021
12è dimanche du Temps Ordinaire, année B
Jb 38,1…11 ; Ps 106 (107) ; 2 Co 5,14-17 ; Mc 4,35-41
Homélie du frère Arnaud Blunat

Le Christ sur la mer de Galilée – Eugène Delacroix, huile sur toile, 1854 – Walters Art Museum, Baltimore (États-Unis) – https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 – Wikimedia Commons

A mesure que nous avançons dans la lecture de l’évangile de Marc, nous allons de surprise en surprise. Avec cet épisode de la tempête apaisée, nous sommes conduits à nous poser la même question que les apôtres :
Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ?
Mais bien d’autres questions se posent aussi par rapport aux apôtres, et donc par rapport à nous-mêmes.
Depuis le début de sa mission, Jésus surprend, déconcerte, dérange :
Lorsqu’il délivre un homme tourmenté, les gens disent : voilà un enseignement nouveau donné avec autorité !
La guérison du paralytique provoque une réaction de stupeur : nous n’avons rien vu de pareil !
Les malades habités par des mauvais esprits s’écrient : tu es le Fils de Dieu ! mais Jésus leur impose le silence.
Aux scribes qui l’accusent d’être possédé, Jésus répond qu’un royaume divisé contre lui-même s’effondre.
On peut comprendre la perplexité des disciples qui sont témoins de tout cela.
Aussi, la tempête apaisée les amène-t-elle à s’interroger sur la véritable identité de Jésus.
Qui est-il, celui-ci qui a une telle autorité sur les puissances de la nature ?
Qui est-il, celui-ci qui est la cause de toute cette agitation, qui dévoile ainsi les pensées des cœurs ?
Qui est-il, celui qui provoque toutes ces perturbations extérieures et intérieures ?

Tout l’évangile de Marc n’a en effet qu’un seul but : montrer que Jésus est le Sauveur du monde, révéler qu’il est le Messie attendu, celui qui vient libérer l’homme de son mal, le faire sortir des ténèbres pour le conduire à la lumière, celui qui vient le réconcilier avec Dieu et avec lui-même. La tempête apaisée est donc à comprendre dans la perspective pascale, comme la préfiguration et l’actualisation de l’événement qui est au cœur de l’évangile : la mort – résurrection de Jésus, la Pâque du Christ qui annonce notre pâque, notre libération définitive.
L’évangile est donc une relecture de tout ce que les disciples ont vécu à la lumière de Pâques.

Une fois dit cela, il nous faut regarder de plus prêt l’attitude des disciples pour essayer d’entrer dans leurs sentiments intérieurs.
L’évangile ne le dit pas, mais comment ne pas imaginer les questions qui affluent à leur esprit à chaque épisode ?
Comment ne pas imaginer leur désarroi quand Jésus prend la décision de passer sur l’autre rive ? Le passage précédent évoquait l’enseignement de Jésus en paraboles, comme une pause bienfaisante, ce temps qui permet aux disciples de réfléchir sur les réalités du royaume.
Alors, pourquoi, là, tout d’un coup, aller sur l’autre rive ? Pourquoi quitter la région habitée, les rivages connus autour de Capharnaüm, pour aller sur cette autre rive qui est en territoire étranger, la terre hostile des Géraséniens ?
Et pourquoi maintenant, alors le jour touche à sa fin et que la nuit approche ?
On imagine aussi la stupeur des disciples quand ils voient la tempête se lever. Les voilà impuissants face aux éléments déchaînés. D’autant que Jésus n’est plus avec eux : il s’est endormi à l’arrière du bateau. Bref, les pêcheurs pourtant expérimentés du lac n’en mènent pas large !
Et enfin, comment comprendre ce reproche que Jésus leur adresse ? « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? »
On ne saurait donner tort aux disciples. A vue humaine, l’enchainement des événements est difficile à suivre. Et cependant, la remarque de Jésus éclaire un aspect essentiel de notre condition humaine. L’enjeu de la vie humaine, c’est la foi. Croire en Dieu. Croire que Dieu est avec nous, qu’il a partie liée avec nous. Tout homme livré à lui-même est fragile, très fragile. Parfois il fait preuve de présomption, d’une audace incroyable. A d’autres moments, il se sent abandonné, démuni, dépouillé. Autant il peut prendre des risques inconsidérés, autant il peut redoubler de prudence, et reculer. Mais l’homme reste libre, libre pour s’ouvrir à Dieu, pour le laisser entrer chez lui.

« N’avez-vous pas encore la foi ? »
Manifestement, ils ne l’ont pas encore. Et Jésus ne cessera de les interpeler là-dessus. Mais alors qu’est-ce que la foi ? Comment savoir qu’on a la foi ?
La foi, c’est être centré sur Jésus Christ mort et ressuscité. Savoir qu’à tout moment, il est là. En toute circonstance il est avec nous. La foi consiste à rester les yeux fixés sur Jésus Christ, comme nous dit Saint Paul.
« Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui qui est mort et ressuscité pour eux »
Quoi qu’il nous arrive, Dieu – en Jésus Christ, mort et ressuscité – veille. Il veille sur nous et avec nous. C’est cela la foi.
Dans nos tempêtes extérieures et intérieures, dans tous les drames de notre vie, il est là.
Dans nos doutes, nos hésitations, nos colères, nos interrogations, il est encore là.
Dans l’épreuve de la maladie, de l’abandon, de la solitude, il est là. Il semble dormir mais il est en fait toujours là dans notre barque.
« Seigneur, nous sommes perdus ! Cela ne te fait rien ? »
Combien de fois ne pensons-nous pas que nous sommes perdus, que tout est perdu.
Et quand tout est perdu, c’est comme si Dieu n’était qu’une illusion. Comme si tout ce qu’on nous avait dit n’a plus de sens, plus de poids, plus de réalité.
Il arrive que certaines de nos aventures humaines ressemblent à l’histoire de Job. Homme riche et considéré, pieux et prudent, le voilà qui perd tout ce qu’il avait, y compris ses repères, ses appuis humains. Il est dépouillé de tout et se retrouve dans une misère totale. Ses amis l’accablent de reproches et de conseils décalés. Job se tourne vers Dieu pour lui crier son amertume et son incompréhension. Ce qu’il vit est injuste. Il ne lâche rien et lutte pied à pied avec Dieu, lequel finit par intervenir pour rappeler qu’il est Dieu, que lui seul sait ce qu’il fait, qu’il est le maitre de tout, et que lui seul détient le sens de toute chose. C’est lui qui a établi les lois de l’univers dès le commencement, il en est le garant et le gardien.
Alors, dans l’adversité, il ne faut pas renoncer à la foi, à la constance, à la persévérance. C’est bien ce que Job a fait et c’est ce qui lui vaudra d’être intégralement réhabilité.
Voici une belle leçon qui nous est adressée.
Dieu sait ce qu’il fait quand il nous permet de traverser des tempêtes. Il nous donne ce qu’il faut pour cette traversée. Il nous donnera la foi, comme il l’a donnée à Marie sa mère, fidèle jusqu’au pied de la croix.
Remarquons enfin, pour conclure, la parfaite maitrise de Jésus, son calme absolu. Sur cette attitude nous pouvons nous appuyer et trouver notre force.

Que le Seigneur vienne fortifier en nous cet homme intérieur, en purifiant notre foi de nos peurs, de nos regrets, de nos désillusions, de ces fausses idées que nous pouvons avoir sur lui et sur nous. Que notre vie soit ainsi de plus en plus centrée sur lui, puisqu’il est notre Père, et qui, avec son fils ressuscité et l’Esprit Saint, est un seul Dieu pour l’éternité !

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