La vraie sagesse… de Fr Jorel François.

 Sagesse, Grâce et Vérité.

Sagesse, Grâce et Vérité

Christ pantocrator

Jn 6, 51-58

Pr 9, 1-6  & Ep 5, 15-20

« La Sagesse a bâti sa maison, à qui manque de bon sens, elle dit :

Quittez l’étourderie et vous vivrez, prenez le chemin de l’intelligence ».

 

Homélie dominicale de Fr Jorel François:

Version phonique:

Version écrite:

    La vraie sagesse…

   Depuis quelques dimanches il est question de façon récurrente de pain, de vin, d’Eucharistie. Et voilà que c’est encore le cas ce dimanche. C’est à cela que nous sommes invités dans nos eucharisties : à rendre grâce pour la vie donnée, pour la vie reçue. Tout est grâce, et c’est justice de n’être pas ingrats et donc d’être dans l’action de grâce.

   Qu’avons-nous que nous n’ayons reçu, demande l’Apôtre ? Et que donnerions-nous au Seigneur pour le bien qu’il nous a fait, interroge le psalmiste…?

   Prenez et mangez, prenez et buvez… ces gestes, et ces paroles qui les accompagnent, ont été faits et dits par Jésus, lui-même. Ils lui sont donc propres, d’une certaine façon, surtout dans le cadre de la liturgie eucharistique, puisque, comme vous le savez, c’est bien lui aussi qui a demandé à ses apôtres de les refaire, de les redire, d’être dans l’action de grâce en mémoire de lui. Tout cela est donc propre à Jésus : il est d’ailleurs le premier à rendre grâce. Tout ce qu’a le fils, confesse-t-il, il le tient du Père. Le fils est donc le premier à rendre grâce pour la vie reçue du Père; il est aussi le premier à avoir donné cette vie reçue pour la multitude, le premier à l’avoir déposée pour l’humanité tout entière, le premier à s’être sacrifié pour chacun de nous.

   Sacrifice fait une fois pour toute, sacrifice qui met fin aux sacrifices de l’ancien temps, aux sacrifices de tous les temps. Sacrifice dont il faut pourtant faire mémoire,qu’il faut rendre actuel.

   Aussi le Christ demande-t-il aux apôtres d’être dans l’action de grâce, de refaire en quelque sorte ce qu’il a fait. Et en même temps, chacun de nous, dans son état, est invité à prendre Jésus comme exemple et faire comme il a fait : se répandre en action de grâce, donner à manger et à boire comme il a fait, se donner aux autres, refaire, pour ainsi dire, le sacrifice qu’il a fait pour chacun de nous.

   Dans l’Ancien temps, les hébreux ont offert brebis et bétail en mémoire non seulement de la sortie d’Égypte, mais encore de tout ce qui a été fait de merveilleux en la circonstance : ils ont par exemple mangé la manne et ont bu au rocher transformé en fontaine.

   Dans les temps que voici, ce n’est plus la manne et de l’eau naturelle qui sont données, mais la chair et le sang du fils de l’homme.

   « Vos pères ont mangé la manne et ont bu à la fontaine du désert, et ils sont morts, mais la nourriture que je donne, si quelqu’un la mange, il ne verra pas la mort. Parce que la nourriture que je donne, c’est ma chair, parce que la boisson que je donne, c’est mon sang. Ma chair est nourriture et mon sang, vraie boisson ».

   Une affirmation comme celle-là, comme nous venons de l’entendre, faisait déjà scandale au temps de Jésus. Parce qu’elle sous-tend et rappelle que seul Dieu peut tenir pareil propos. Dieu seul est capable de merveilles, lui seul est immortel, lui seul est source de vie éternelle. Or pour la plupart des contemporains de Jésus, il va de soi qu’il est le fils de Marie et du charpentier de Nazareth. Vous voyez donc bien que selon eux, s’il fait une telle affirmation, c’est qu’il blasphème et dans une religion comme celle-là, et comme c’est le cas encore dans certaines autres religions, le blasphémateur mérite la mort, ou si on le lui pardonne, c’est simplement parce qu’on le prend pour quelqu’un qui déraisonne, voire un fou.

   Cette affirmation continue de faire scandale en notre temps d’autant plus que nous sommes, et même plus que les contemporains de Jésus, devenus trop rationnels, nous sommes devenus rationalistes. Mais une raison raisonnante, qui ne laisse pas de place à l’imagination, au rêve, au mystère, est une raison malade, affaiblie par le fait même qu’elle est tronquée, amputée d’une partie d’elle-même.

   Si l’on regarde bien, mangez et buvez… pour que vous ayez la vie, parce que ma chair est vraie nourriture, parce que mon sang est vraie boisson, est une affirmation qui est dans la droite ligne de l’incarnation, elle est tout simplement un prolongement de ce mystère. Si l’on croit vraiment que l’enfant de Nazareth n’est pas seulement le fils de Marie et du charpentier mais aussi et surtout fils de Dieu fait homme, alors on peut croire tout à fait que Dieu puisse se donner en nourriture dans un morceau de pain, qu’il puisse se donner en boisson sous l’espèce du vin.

   Le Dieu de Jésus Christ n’habite pas dans les nuées, ce n’est pas un Zeus ou Jupiter, son équivalent, qui trône au loin. C’est un Dieu ami des hommes, qui embrasse la cause des hommes, qui fait route avec les hommes, qui épouse leur vécu. C’est un Dieu incarné, compagnon de l’homme dans son pèlerinage; un Dieu-copain, qui dresse la table, rompt le pain et mange et boit avec les hommes (Pr 9, 1-16); un Dieu qui rigole avec eux, et qui souffre également de leurs souffrances. Et l’homme ne peut l’aimer, l’adorer qu’en aimant l’homme, qu’en s’engageant au côté de l’homme, pour qu’il y ait du pain et du vin pour tous les hommes, pour faire diminuer les souffrances, les rendre moins atroces, plus supportables et faire croître la vie, contribuer à son épanouissement, la rendre plus agréable, plus humaine.

   Je suis le pain de vie venu du ciel (Jn 6, 51), la vraie sagesse (Pv 1, 6). Voulez-vous devenir un sage, voulez-vous vous rassasiez, voulez-vous être raisonnable, je ne dis pas rationaliste mais vraiment raisonnable, et donc cesser de courir derrière les fausses sagesses qui ne sont que de la folie, et du vent ? Enivrez vous du vin de la vraie sagesse, fortifiez-vous du pain venu du ciel, donnez-vous vous aussi à manger aux autres, c’est-à-dire comme nous l’a redit Saint Paul à suite de Jésus, offrez-vous comme sacrifice vivant à Dieu pour vos frères et sœurs les humains (Rm 12, 1), Amen.

Fr Jorel François op.

Lien avec la décoration florale du jour : Faim de Dieu…