Laissez-vous réconcilier avec Dieu… de Fr Arnaud Blunat.

Retour du fils prodigue,  le vrai bonheur est de se laisser aimer.

le retour du fils prodigue

Rembrandt (16061669).

Lc 15, 1-3; 11-32

 » Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. »

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Homélie dominicale de Fr Arnaud Blunat:

Version phonique:

Version écrite:

    Laissez-vous réconcilier avec Dieu.

     Au début du carême, nous avons entendu cette invitation : « revenez à moi de tout votre cœur ». Au milieu du carême, nous entendons cet appel : « laissez-vous réconcilier avec Dieu »

     Le carême est le temps du retour à Dieu. Mais pourquoi ce retour est-il donc si difficile ? Il a fallu 40 ans aux fils d’Israël pour sortir de leur désert et gagner la terre promise. 40 ans à manger de la manne, avant de pouvoir manger des produits de la terre.

     Nous ne savons pas combien de temps le fils prodigue a mis pour revenir vers son Père, mais nous savons ce par quoi il est passé.

     Ce fils rebelle a d’abord voulu vivre par lui-même, libre, sans contrainte, loin du regard de son Père. Il a tout de même pris soin de demander sa part d’héritage.

     Alors, il a expérimenté un semblant de bonheur, il s’est nourri de fausses illusions, avant de connaitre la misère et la dure réalité de n’être plus rien, de ne plus compter pour qui que ce soit. Il a été confronté à son vide intérieur, à son existence dénuée de sens. Il a fini par toucher le fond, en éprouvant sa déchéance. Dégoûté de lui-même, il s’est néanmoins souvenu d’où il venait et ce qu’il avait reçu pendant tant d’années. Et pourtant…

     Une seule chose lui avait échappé. Un seul détail dont il n’avait sans doute nullement pris conscience.

     Quand il arrive en vue de sa maison, il aperçoit de loin son père qui court vers lui. Lui, le fils gâté, le fils chéri, le fils bien-aimé, il était bien loin de penser que son père allait venir à lui en courant. Comme son frère aîné, si différent et en même temps si proche, il avait tout faux, car il prenait son père pour un chef d’entreprise, généreux parce que bien organisé, un patron soucieux de ses ouvriers, un homme juste, loyal, irréprochable.

     Il n’avait jamais vu en lui un Père, qui ne demande pas de comptes, qui ne fait pas de reproches, qui ne pose pas de questions ni de conditions.

     Il avait jugé son père, sans doute un peu trop vite, peut-être à partir de ce que certains avaient pu lui en dire, un personnage important, qui malgré tout maintiendrait toujours la distance qui convient.

     Aussi, cette image si ancrée en lui-même est-elle complètement pulvérisée en l’espace de quelques instants. Le voilà enveloppé par les bras puissants et affectueux de son père, étourdi par la joie débordante qu’il manifeste sans retenue, stupéfait devant un tel accueil qui le touche au plus profond de son âme, lui qui se pensait même pas digne d’être appelé son fils.

     Reconnaissons-le, nous avons-nous-mêmes du mal à imaginer que nous méritons un tel traitement, une telle faveur. Et chacun de nous de se dire : « Après tout ce que j’ai fait, après tant d’ingratitude et d’indifférence, tant de détours et de contours, comment imaginer que Dieu m’attend pour me serrer fortement contre son cœur ? Non, Seigneur, franchement, je ne mérite pas que tu m’accueilles en ta maison… Non, Seigneur, je pense que je suis plutôt fait pour supporter encore un bon temps de mise à l’épreuve. Je sais bien que ma vie peut ressembler à un long purgatoire, mais en réalité, qui suis-je pour douter de l’amour que tu me portes, comme à n’importe quel autre de mes frères ? »

     « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » nous lance Saint Paul. Oui, laissons-nous réconcilier avec ce vrai Dieu qui n’est qu’Amour, tendresse, miséricorde. Et goûtons cette joie intérieure de nous savoir aimés. Ce qui peut nous empêcher de recevoir cette joie, c’est de rester encore dans notre péché. Ce péché qui est de vouloir tout juger par soi-même, comme le fils prodigue, c’est de dicter à Dieu l’attitude qu’il doit avoir, comme le fils aîné. Ce péché qui nous rend tristes quand nous le laissons pourrir au-dedans de nous. Ce péché dont nous nous complaisons, parce que n’arrivons pas à demander la force de nous en libérer. Ce péché qui finit par nous décourager, nous faire honte, nous anéantir ou bien nous laisser insensible, indifférent, incrédule, froid, sec.

     Le fils prodigue n’aurait pas pu imaginer ce qui allait se passer pour lui s’il ne s’était pas décidé à se lever et à se mettre en route. Désormais, depuis cet instant des retrouvailles avec son Père, tout ce qu’il va vivre, voir, sentir, sera radicalement nouveau. Il sait qu’il est aimé pour lui-même. Il sait que le vrai bonheur est de connaitre son identité de fils.

     A notre tour, nous pouvons découvrir que nous sommes fils, fille de Dieu, en regardant le Fils unique du Père. Si jour après jour, nous écoutons les paroles de Jésus, si nous marchons sur ses traces, si nous cherchons inlassablement son amour, alors, nous découvrons que le vrai bonheur, c’est de sans cesse revenir à lui de tout notre cœur, le vrai bonheur est de se lever chaque matin pour courir à sa rencontre. Le vrai bonheur est de croire que tout homme peut vivre cette rencontre et de partager ainsi la même expérience de tendresse.

     Au fond, n’est-ce pas la seule vraie joie que le monde ne peut pas nous enseigner ni nous communiquer ? Cependant cet itinéraire de retour à Dieu, personne ne peut le faire à notre place, et il se fait seul, et, comme pourrait le dire Saint Jean de la Croix, il se fait de nuit. Il faut sans doute être passé par bien des épreuves pour découvrir à ce point l’amour dont Dieu nous aime. Mais l’enjeu n’est-il pas d’abord de se laisser aimer par delà notre propre jugement ?

     « Notre cœur aurait beau nous condamner, Dieu est plus grand que notre cœur » (1ère lettre de S Jean)

     Et si le Carême était justement cet apprentissage à ne plus penser, ni voir ou juger, à partir de ce que nous croyons connaitre, mais bien de repartir de Dieu, de ce qu’il fait, de ce qu’il dit, de ce qu’il est ? Notre vie pourra alors devenir chemin de libération, gage d’une promesse, aurore d’une terre nouvelle !

Fr Arnaud Blunat op.

Lien avec la décoration florale du jour: Lucidité, pardon…  miséricorde.