L’apprentissage de la vie éternelle

1er décembre 2024 – 1er dimanche de l’Avent, année C
Jr 33,14-16 ; Ps 24 (25) ; 1 Th 3,12 – 4,2 ; Lc 21,25-28.34-36
Homélie du frère Jean-Marc Gayraud



Cette parole d’évangile peut paraitre effrayante ! Il y est en effet question de catastrophes, de cataclysmes cosmiques, d’ébranlement universel, bref : tout va s’écrouler ! Bien entendu, il s’agit ici d’un genre littéraire, le genre apocalyptique, qui n’a pas pour fonction de nous décrire par le menu les évènements à venir. En revanche, si les apocalypses ne nous donnent pas une photographie de ce qui doit arriver, elles ont pour but de nous dévoiler, non pas l’avenir, mais le sens de l’avenir, et par là, de nous entretenir sur l’orientation et la signification du monde présent.

Ce monde retourne vers son créateur d’où il provient et il doit passer pour cela par une refonte fondamentale. Car il est frappé d’impermanence et il est marqué par le péché. Ce monde passe et il doit passer en Dieu pour entrer dans l’éternité. C’est paradoxalement ce caractère provisoire du monde qui peut l’orienter vers son créateur, vers son fondement d’éternité, vers cette source éternelle cachée en son sein. La simple expérience humaine de la caducité de ce monde, de la condition humaine, est une puissante invitation à se mettre en quête des sources d’éternité. A contrario et en raisonnant un peu par l’absurde, pensez seulement à ce que serait une vie qui devrait durer indéfiniment : quelle valeur lui accorderions-nous ? Et cela ne nous rendrait pas éternels pour autant, car l’éternité est tout autre chose qu’une durée tendant vers l’infini.

Nous sommes donc toujours quelque part entre commencement et fin. Cet évangile nous dit que nous n’allons pas vers la fin mais vers un nouveau commencement et surtout, un commencement nouveau, qui est fait d’une éternelle nouveauté, une nouveauté faite d’éternité. Tel est le propre de la foi biblique et chrétienne : Dieu fait du neuf et ce neuf est commencement d’éternité dans notre devenir même. Ce monde doit donc disparaitre pour que le monde nouveau apparaisse. Il faut mourir pour vivre. Et ce renversement se vit dès à présent. Il s’agit donc de considérer tout autrement notre rapport au monde et de ré-habiter autrement notre présent. Tel est l’enseignement majeur de cette page d’évangile.

Face aux drames qui s’annoncent, cet évangile nous engage à rester debout et éveillés : c’est l’attitude de ceux qui sont ressuscités avec le Christ. Qui ne serait pas saisi de peur, d’angoisse, de désarroi devant les drames présents et annoncés ? L’Esprit du Ressuscité peut transformer la peur en espérance, l’angoisse en vie de foi, le désarroi en dynamisme de l’amour. Ce fut l’expérience fondatrice des premiers témoins du Ressuscité qui a soufflé sur eux. Ce doit être la nôtre. Mais être debout et éveillé suppose que l’on prenne ses distances avec un style de vie qui ne serait qu’assoupissement dans la suffisance et la vanité de ce monde. Cette vie ici-bas nous est donnée pour être un apprentissage de la vie éternelle et comme tout apprentissage, il faut s’y exercer, il faut savoir être vigilant, attentif et appliqué à la tâche. A chacun de créer les conditions qui le disposeront le mieux à ce divin apprentissage !

Cette vie qui passe est donc préparation à la vraie vie, ce que l’on appelle la vie éternelle, et cela lui en donne tout le prix et la valeur unique. Regardez par exemple l’importance que revêt la préparation d’un banquet afin qu’il puisse être réussi. Ce qui ne diminue en rien la remise de toute l’affaire à la providence, bien au contraire. Le temps de l’Avent resitue la vie présente dans cette perspective, il nous en rappelle la signification et l’orientation. Il correspond aux conditions réelles de cette vie : une vie qui est en attente, une attente active, attente d’un accomplissement bienheureux et définitif. Toute forme d’accomplissement ici-bas, et plus encore peut-être toute forme de manque, doit nous faire signe en direction de cet accomplissement d’éternité. Car telle est bien notre vocation : passer dans le Christ, Lui qui révèlera à chacun jusqu’où il est connu et aimé du Père, Lui qui fera entrer toute chose dans son éternité de paix et de joie. Et pour se préparer à cette heureuse rencontre, vivons-en dès à présent un petit quelque chose par une vie de foi, d’espérance et de charité. Amen.

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