25 avril 2021
Quatrième dimanche de Pâques, année B
Ac 4,8-12 ; Ps 117 ; 1 Jn 3,1-2 ; Jn 10,11-18
Homélie du frère Jorel François
Très tôt les chrétiens ont annoncé la foi et le salut en Jésus pour tous les hommes de bonne volonté, c’est-à-dire qui acceptent de répondre à l’appel et à la main tendue pour ainsi dire par Dieu qui aime tous les hommes sans exclusive mais en même temps qui respecte profondément la liberté de chacun.
Il est raisonnable de ne pas savoir ni pouvoir savoir par soi-même, étant donné les conditions présentes, s’il est vrai que Jésus est mort pour nos péchés, pour les péchés des hommes, de tous les hommes et que le salut est universellement donné. Un tel savoir relève de l’acte de foi du croyant chrétien. Il n’est pas un acte simplement intellectuel, naturel : il tient aussi de la grâce. S’il est tout à fait raisonnable de ne pas pouvoir savoir que Jésus est mort pour le péché du monde, il est tout aussi raisonnable de pouvoir savoir qu’il n’est pas mort de sa belle mort dans son lit, qu’il a été tué, cloué sur une croix suite à un procès inique, parce qu’il était accusé d’ambitions religieuses (blasphème : il s’est dit fils de Dieu) et politiques (il est le roi des juifs), quand bien même il allait son chemin en faisant le bien. Point n’est besoin d’avoir la foi, point n’est besoin d’être chrétien pour le savoir : il suffit d’être une personne de bonne volonté et de s’ouvrir à l’histoire, et à ce qu’elle rapporte comme fait. Mais s’il est vrai, comme le soutiennent les premiers chrétiens, que Jésus est mort pour tous les hommes, comme chacun de nous le croit, il est tout aussi vrai que l’évangile d’aujourd’hui est en train de rappeler et du coup de nous réinviter à croire que Jésus est le seul, bon et vrai pasteur.
Auparavant dans le récit l’évangile rappelle même que tous ceux qui sont venus avant Jésus, et peut-être par inférence tous ceux qui viendront après lui, ne sont pas des pasteurs mais, le texte est catégorique et sévère, des voleurs et des brigands (Jn 10, 8). Traduisons alors: ils ne sont pas le pasteur mais seulement des collaborateurs et encore dans la mesure où ils y mettent tout leur cœur, toute leur bonne volonté et savoir faire, dans la mesure où ils y vont avec une certaine abnégation tout en étant très sérieux et déterminés dans la mission qui leur est confiée.
Nous sommes habitués à ce que le pasteur vive de son troupeau, élève du bétail pour en profiter et pouvoir se mettre à l’abri de certains besoins. L’évangile évoque une autre logique, propose une autre façon de faire. Le pasteur qui vit de son bétail est un mercenaire, et même un brigand qui fait un job. D’ailleurs il se sauve quand survient le danger, il s’enfuit quand surgit le loup. Le vrai, le bon pasteur dépose son souffle (tèn psychèn autou tithésin), accepte d’être tué, il donne son âme et sa vie pour et à la place de celle de ses brebis.
Reconnaissons que ce sont là des paroles dures et terribles, qui sont pourtant rapportées et proclamées pour qu’elles soient bonne nouvelle pour notre vie et que nous puissions aujourd’hui en vivre. L’évangile est donc en train d’indiquer à chacun de nous la voie à prendre pour être un bon pasteur pour autant qu’il soit possible de l’être: sortir de la logique mercantile, passer par la porte étroite et donc faire comme Jésus a fait.
Peut-être n’y a-t-il pas seulement cette façon aussi extrême, aussi radicale d’être pasteur à la suite de Jésus : déposer sa vie certes mais aussi simplement participer du don de la vie, à son entretien… Puis aussi, d’un autre côté, n’est-ce pas simplement une question de justice, la sagesse populaire ne reconnait-elle pas que l’ouvrier mérite son salaire?
Faire comme Jésus, le prendre en exemple, c’est peut-être déjà faire ce qui est dit dans la première lecture (Ac 4, 8-12). Voilà qui permet peut-être de traverser les jours et de mourir sans doute tranquillement dans son lit et non forcément de manière spectaculaire, violente et brutale.
Pierre au tribunal prend la parole et rappelle : si nous sommes interrogés aujourd’hui, c’est simplement parce que nous avons fait comme Jésus a fait. Nous avons essayé d’agir en disciples. Nous avons fait ce que Jésus aurait fait s’il avait été présent ici et maintenant, en chair et en os, à notre place : au nom de Jésus nous avons redonné la vie là où il arrive que c’est plutôt le mépris et la mort qui l’emportent.
Il est donc possible d’être pasteur comme Jésus l’a été dans sa chair et dans son âme sans forcément aller jusqu’à déposer son souffle au sens littéraliste du terme. On peut alors tout à fait être un pasteur selon le cœur de Jésus sans littéralement donner sa vie et donc sans être et sans chercher à être le seul vrai pasteur, le seul nom qui soit donné aux hommes pour être sauvés.
Jésus, fils de Dieu : il n’y en a qu’un. À chacun de nous il est demandé d’être chrétien, de marcher à la suite du seul et vrai pasteur. Écouter sa voix, le prendre pour modèle, et ainsi pouvoir faire comme il a fait, tel il demande de faire.
Vous serez mes disciples, si vous faites ce que je vous commande. Et ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns autres…
Voilà qui renvoie à un certain engagement, à une certaine pratique : celle de Jésus, même s’il ne s’agit pas de répéter à l’identique…
Il y a forcément une certaine distance entre le modèle et la copie, entre le disciple et le maître. Cela dit, il s’agit d’y aller sérieusement, avec tout son cœur, toute sa force, tout son être, et la grâce fera le reste.
Petits enfants, n’aimons pas seulement de mots mais aussi en actes et en vérité. Amen.