10 novembre 2024 – 32e dimanche du T.O., année B
1 R 17, 10-16 ; Ps 145 (146) ; He 9, 24-28 ; Mc 12, 38-44
Homélie du frère Jorel François
L’Apôtre nous le rappelle : Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a envoyé son fils pour qu’il ait la vie en plénitude. Le monde, malgré son inconstance, ses hypocrisies, ses infravaleurs et ses horreurs, n’est donc certainement pas à mépriser. Les hypocrisies du monde comme ses infravaleurs et ses horreurs sont à combattre, mais le monde est à aimer. L’Église est dans le monde pour, à travers les chrétiens qu’elle enfante, continuer la mission de Jésus, témoigner de l’amour de Dieu, mais aussi pour rappeler combien Dieu, en Jésus, a horreur de la duplicité, de l’hypocrisie. À travers chacun de nous, chrétiens, l’Église est appelée à être dans le monde comme le sel de la terre, comme le levain dans la pâte pour fertiliser, donner sens, témoigner des vraies valeurs et inviter à la vie en plénitude. Si, tel le levain ou le sel, l’Église doit se fondre dans le monde, le rejoindre jusque dans son intimité la plus profonde, l’Église n’a pas non plus à oublier qu’elle est levain et sel; elle doit éviter de se dénaturer. C’est à cette condition d’ailleurs qu’elle peut évangéliser et renvoyer à Dieu. Si elle s’aligne trop sur le monde et se compromet, si elle reprend les valeurs du monde à un point tel que l’on peine à reconnaître sa parole, parce que trop encombrée d’éléments de langage du monde, elle court alors le risque de cesser d’être levain et sel. Et nous avons tous en mémoire ce que Jésus dit que l’on fait du sel qui a cessé d’être sel. C’est un peu de cela dont il est question dans l’évangile d’aujourd’hui avec les scribes.
Docteurs de la loi, les scribes comme les pharisiens font de la parole le premier objet de leur préoccupation : ils l’étudient et la décortiquent. Curieusement, ils ne se révèlent pas meilleurs que les autres hommes, qu’ils regardent pourtant de haut, qu’ils dénigrent au nom de leur vision de la loi. Et Jésus leur reproche cette médiocrité, cette duplicité. Ils se font plaisir à miser sur la forme, à traiter les gens en fonction de leur apparence. La vie pour eux se réduit au paraître, la vie spirituelle elle-même : un spectacle. Il s’agit de donner à voir et d’en mettre plein les yeux. Il faut se mettre en scène, être sous les projecteurs, se montrer parce qu’il importe que l’on voie et que l’on soit vu.
Puisque tel est le cas, leur rappelle Jésus par ailleurs, ils ont ce qu’ils méritent : l’estime des hommes, mais peut-être pas celle de Dieu qui ne juge pas comme les hommes.
Jésus exhorte dans l’évangile d’aujourd’hui à se tenir à distance de l’hypocrisie des scribes et à revenir aux vraies valeurs : celles qui s’enracinent dans la profondeur de la vérité, qui laissent transparaître l’humilité, la compassion et la miséricorde.
Dieu aime le monde, mais il déteste les valeurs du monde trop éloignées de celles du royaume. J’en veux pour preuve la pauvre évoquée dans l’évangile du jour. La veuve s’avance vers le tronc et y dépose deux piécettes, et elle est remarquée par Jésus qui fait son éloge. Dans le monde selon le cœur des hommes, on s’y arrêterait pour en faire des farces et y souligner le ridicule. Jésus au milieu des hommes s’y arrête pour montrer combien cet acte apparemment ridicule a de l’importance. Là où les autres donnent de leur superflu, la pauvre veuve donne de son indigence, et en raison même de cela, c’est elle, contrairement aux autres qui donnent de leur superflu, qui en a le plus donné. Les deux piécettes, c’était toute sa vie. En les jetant dans le tronc, elle s’est entièrement dépouillée; elle a tout donné, elle s’est donnée elle-même, elle a donné sa vie. Et Jésus en tient compte.
Le Dieu de Jésus Christ est celui qui va au-delà des apparences, c’est celui qui invite à transcender les infravaleurs du monde pour s’ouvrir à celles de la vie éternelle, vie d’humilité et de vérité.